[#PAFh19] « Un des fils conducteurs de notre stratégie d’investissement […] est de faire attention à ne pas empiler ces différents niveaux de levier »

7 min de lecture

Publié le 29/11/19 - Mis à jour le 17/03/22

Charles Du Breuil Morgan Stanley

Intervention de Charles Du Breuil, Executive Director, Morgan Stanley Real Estate Investing au Paris Asset Forum >hospitality.

Où en est-on dans le cycle opérationnel hôtelier ?

Entre 2009 et 2011, parmi toutes les opportunités d’investissement que nous étudiions, les niveaux de RevPAR étaient en baisse. Ce qui était remarquable, c’est qu’il y avait deux facteurs qui amplifiaient cette baisse : le leverage opérationnel et le leverage financier.

10 ans ont passé et l’environnement s’est transformé en profondeur. Toutefois, quand il s’agit de regarder les nouveaux investissements, il faut garder en tête qu’à cause des niveaux de levier, les choses peuvent aller très vite en hôtellerie que ce soit à la hausse ou à la baisse.

Mettons en perspective cette question des niveaux de levier en regardant où nous en sommes dans le cycle opérationnel actuel. Concentrons-nous sur trois marchés européens majeurs : l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France.

Nous avons donc comparé le cycle 2001 – 2008 au cycle actuel grâce aux données de performance fournies pour Olakala_destination. Première observation, le cycle actuel est bien plus long que le précédent qui avait duré 7 ans. Le cycle actuel est dans sa 11ème année, il est difficile de prévoir le retournement bien que l’on voit que la croissance des RevPAR ralentit ces derniers mois. Il est toutefois raisonnable de penser que nous sommes plus proches de la fin que du début. En regardant la performance absolue des RevPAR, les performances sont largement au-dessus de celles des pics du cycle précédent. En Europe en moyenne, nous sommes 21% au-dessus du pic du cycle précédent au RevPAR. Ce n’est pas une surprise étant donné qu’historiquement en Europe l’offre et plus contrainte que la demande il est donc logique que les performances progressent. Nous regardons donc les performances relatives du RevPAR. Ce différentiel de progression (+21% de RevPAR) est légèrement supérieur à la progression constatée lors du cycle précédent par rapport la période antérieure. Le RevPAR de 2008 était 18% au-dessus du RevPAR de 2001.

Cette moyenne renferme bien sûr des situations très hétérogènes d’un pays à l’autre et d’un marché à l’autre. En regardant les données à l’échelle des trois marchés sélectionnés, l’Allemagne est probablement le pays le plus avancé dans le cycle. En 2019, le RevPAR est 39% au-dessus du pic de 2008 alors qu’en 2008 il n’était au-dessus que de 14% par rapport au pic de 2001.

Le Royaume-Uni est dans une situation passablement similaire à celle dans laquelle il était lors du dernier retournement. Le RevPAR en moyenne est 28% au-dessus du pic de 2008 quand il était également à +28% en 2008 par rapport à 2001.

La France est moins avancée dans le cycle que ses voisins. Le RevPAR est en moyenne 17% au-dessus du pic de 2008 quand en 2008 il était 21% au-dessus du pic de 2001. Il reste donc théoriquement des perspectives de croissance sur le marché français contrairement à ses voisins européens. Ce décalage peut également s’expliquer par l’impact des attentats sur le rythme de croissance du RevPAR dans l’hexagone.

Quel impact des niveaux de levier sur la performance hôtelière en cas de retournement ?

Quand le RevPAR baisse, le leverage opérationnel intervient comme un démultiplicateur de la performance sur investissement. Prenons un exemple, pour un hôtel ayant 60% de coûts fixes, si son RevPAR baisse de 21% (comme ce fut le cas en Espagne et aux Pays-Bas en 2009), cette baisse de 21% de CA va mécaniquement faire baisser l’EBIDTA de 40%. Il apparait donc que le fait d’avoir 60% de coûts fixes a doublé l’impact de la baisse du chiffre d’affaires sur l’EBIDTA.

Si on ajoute à ce leverage opérationnel - intrinsèque à l’industrie hôtelière - un leverage financier important, l’effet démultiplicateur peut-être colossale. C’est exactement ce qui s’est déroulé en 2009 comme évoqué plus haut et qui a continué à faire ses effets en 2010 et 2011.

Où en est-on dans le cycle financier ?

Le niveau d’endettement aujourd’hui est-il similaire à celui de 2005-2007 qui correspond au moment où les derniers pics de valorisation avaient été atteints ? Nous sommes dans un environnement de financement hôtelier beaucoup plus sain qu’en 2005-2007. A l’époque, les fonds de private equity qui investissaient dans l’hôtellerie mettaient régulièrement en place des structures d’acquisition avec près de 80 % de LTV. Créant mécaniquement des ratios de couverture du service de la dette extrêmement faibles au moment de l’acquisition.

Actuellement, les niveaux de levier pour du financement d’acquisition hôtelier « basique » dépassent rarement les 65%. Cela traduit à la fois une plus grande prudence de la part des investisseurs mais aussi un changement de profil de ces investisseurs. Il y a désormais une proportion plus importante d’investisseurs qui ont une stratégie long terme et qui ont donc besoin de moins d’effet de levier pour atteindre leurs objectifs d’investissement.

En 2007, les fonds de private equity représentaient 44% des volumes investis en Europe dans l’hôtellerie, en 2018, ils ne représentaient plus que 21%. Dans le même temps, la part des investisseurs « long terme » a augmenté de 60%. Des signaux rassurants en cas de retournement : moins de levier, un coût de la dette qui a fortement baissé.
Le niveau de marge des banques a peu évolué, il reste similaire au niveau de marge constaté lors du précédent pic. Le taux de base est à 0 voire négatif dans certains cas ce qui a eu pour conséquence de diviser par deux le coût du financement. Soit moins de financement et un financement moins cher.

Il y a au Royaume-Uni des transactions qui sont apparues récemment avec un leverage effectif très importants suite à la vente de terrains à des fonds de Freehold dans le cadre de sell & lease-back. Vendre le terrain contre un fix liability qui peut représenter 10 à 16% de l’EBIDTA, permet à l’investisseur de réduire considérablement le montant de ses fonds propres à investir lors de la transaction, mais cela fonctionne exactement comme de la dette financière.

Le levier immobilier

Cette donnée peut avoir un poids différent en fonction du marché concerné. Si l’on revient à l’exemple de l’hôtel ayant 60% de coûts fixes, en tant que propriétaire quand on signe un bail avec un rental cover qui est faible et un locataire dont le crédit est récent ou moyennement établi. Le loyer est un coût fixe supplémentaire pour une classe d’actifs qui a déjà des coûts fixes importants et des revenus cycliques.
Quand retournement de marché il y aura, de combien le RevPAR peut baisser pour que le locataire puisse continuer à payer ses loyers. C’est la question centrale pour nous quand nous investissons. Question d’autant plus centrale avec la démultiplication ces dernières année des sandwich lease.

Pour des investissements en murs, à long termes, nous privilégions un loyer minimum garanti raisonnable avec un variable relativement important plutôt que d’essayer de multiplier le rendement immédiat par un fixe élevé. Deux avantages : protéger au maximum l’hôtelier à la baisse et surtout en tant qu’investisseur participer plus à l’upside et, avec le locataire, à la création de valeur.

Pourquoi cette classe d’actifs est attractive ?

Ce que nous aimons dans cette classe d’actifs, notamment en la comparant avec d’autres classes d’actifs immobilières, ce sont ses perspectives de croissance à long termes et le fait qu’elle bénéficie de tendances séculaires qui sont positives. Si l’on compare l’évolution des nuitées avec l’augmentation du nombre de chambres en Europe, sur les 10 dernières années, on constate que le nombre de nuitées à augmenté quasiment deux fois plus vite que le nombre de chambres. On sait que le nombre de voyageurs va continuer à augmenter de 2% par an jusqu’à 2030. Si les contraintes structurelles sur l’offre perdurent en Europe, nous pensons que les perspectives d’investissement à long terme sont très positives.
Pour pouvoir aller chercher cette performance à long terme, il faut pouvoir conserver ses actifs quand il y a un retournement, c’est pourquoi un des fils conducteurs de notre stratégie d’investissement dans cette classe d’actifs est de faire attention à ne pas empiler ces différents niveaux de levier évoqués ensemble.

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