Intervention de Dominique Ozanne, CEO, Covivio Hotels et Gaël Le Lay, Deputy CEO, Covivio Hotels au Paris Asset Forum >hospitality.
Covivio, un groupe généraliste
Covivio c’était une foncière il y a encore 10 ans et c’est devenu un opérateur généraliste européen. Nous faisons de la promotion, nous sommes investisseurs et nous faisons aussi de l’exploitation. Nous le faisons dans le bureau avec le co-working et les bureaux traditionnels, dans le logement avec le co-living et les logements que nous détenons en Allemagne et puis dans l’hôtellerie. Dans cette branche nous sommes à la fois propriétaire investisseur, développeur mais aussi exploitant avec une cinquantaine d’hôtels en contrat de gestion et en franchise.
Nous avons fait le choix d’être un groupe diversifié car nous souhaitions être très résilients en termes de cycles et nous nous apercevons aujourd’hui que cela a de très nombreux avantages. Nous sommes dans un monde où les frontières entre les classes d’actifs se réduisent de plus en plus, où il y a de façon très forte une mixité des usages et où le secteur hospitalier apprend beaucoup à d’autres secteurs (bureaux et logements) car il y a une notion de services de plus en plus forte.
C’est un avantage pour un groupe comme Covivio car sur des produits où des destinations attendent des offres innovantes, elles attendent aussi une vraie mixité des usages. En Europe comme pour la Alexander Platz en plein centre de Berlin ou pour Réinventer Paris, nous avons pu aller de l’avant car nous sommes capables de nous positionner sur différents produits.
Covivio Hotels
Il y a 5 ans nous avons fait le choix de nous positionner en murs et fonds. Un choix qui s’est avéré payant car nous avons connu une croissance très forte. Nous étions positionnés majoritairement économique et moyen de gamme en France. Nous travaillions avec peu d’opérateurs il y a encore 4, 5 ans. Aujourd’hui nous avons doublé la taille du patrimoine, nous somme plus sur le haut de gamme, nous avons réalisé un grand nombre d’investissements dans des localisations prime, nous sommes très diversifiés d’un point de vue géographique. Nous raisonnons par ville, notre critère étant des villes de plus de 2 millions de nuitées, une soixantaine en Europe. Nous travaillons avec 34 marques différentes.
Nous sommes un propriétaire assez atypique dans ce secteur de l’investissement hôtelier ayant atteint une taille significative. Il faut avoir en tête que c’est parce que nous sommes capables de nous positionner sur des opérations en mur et fonds quitte à revendre derrière les fonds de commerce car notre métier avant tout c’est de faire de l’immobilier.
Cette croissance n’a pas été trop dilutive. Nous avons vendu des actifs dans des villes secondaires (moins de 300 000 habitants) avec les marges les moins performantes soit 800 millions d’euros d’actifs sur les 4,5 dernières années. Nous avons réinvesti plus de 3 milliards d’euros au même rendement. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu beaucoup de fonds qui se sont positionnés pour acquérir des actifs avec des baux longs avec donc une forte concurrence sur le bail ce qui a fait décroître les rendements sur des actifs plutôt économique. En parallèle, Covivio Hotels est allé se positionner sur des portefeuilles assez compliqués en murs et fonds ce qui nous a permis de capter de meilleurs rendements. Quand vous achetez le mur et le fonds et que vous revendez le fonds de commerce, vous êtes en position de force dans la négociation avec l’opérateur beaucoup plus que si c’est l’opérateur qui externalise les murs. Vous changez ainsi le rapport de force vis-à-vis de l’opérateur.
Nous avons aujourd’hui un patrimoine européen, nous pensons avoir un risque locatif très faible sur ce patrimoine. Quand nous lançons des appels d’offre pour changer d’opérateur sur un de nos actifs, nous avons énormément de réponses. C’est d’ailleurs assez impressionnant de voir l’appétit d’opérateurs mondiaux pour l’Europe. En Europe les flux de touristes internationaux sont en croissance, les fondamentaux du secteur hôtelier sont très bons, l’offre est stable alors que la demande est en croissance. Il y a donc beaucoup d’opérateurs qui veulent se positionner sur les meilleures localisations. Ce qui induit une vraie appétence pour des actifs bien situés qui sont pris à bail ou en contrat de gestion par les opérateurs aujourd’hui.
Depuis 5, 10 ans il y a un vrai changement dans le secteur hôtelier, il y a de plus en plus de third party asset managers et il faudra de plus en plus compter avec eux. Ils prendront la place qui a été laissée vacante par les opérateurs traditionnels hôteliers qui sont sortis des murs puis des fonds. Ces acteurs ont une capacité à gérer les coûts de façon très pertinente et une capacité à s’aligner avec les besoins du propriétaire qui peut être très intéressante. A fortiori quand ils sont en capacité d’accepter des contrats différents de ceux que peut accepter un grand opérateur hôtelier traditionnel. Nous serons de plus en plus amenés à travailler et à échanger avec ces third party asset managers qui sont capables de faire du contrat de gestion mais aussi de faire du bail quand ils sont confortables sur l’actif et sur la profitabilité opérationnelle d’un actif.
Etude de cas, les mécanismes de création de valeur
Premier cas un établissement à Madrid que nous avons acheté il y a trois ans (260 clés) en plein centre-ville. Nous avons identifié à l’acquisition un loyer faible, une clause de sortie ainsi qu’une prime location. La combinaison de ces trois éléments était pour nous une source de création de valeur. Nous avons donc lancé un appel d’offre pour lequel nous avons eu 15 offres fermes sur cet actif en relocation avec une augmentation de 30 à 50 % du loyer. L’opérateur est également d’accord pour prendre en charge les travaux.
C’est un point essentiel dans notre stratégie, trouver des actifs bien placés. Cet actif en particulier, sera opéré sous enseigne Radisson Red, nous attendons entre 40 et 45% de création valeur en 3 ans par rapport à l’acquisition. Les clauses de liquidités sont importantes. Si cela fonctionne bien tant mieux sinon, nous avons besoin de ces clauses de liquidité pour tenter de repositionner l’actif ce que nous avons pu faire dans ce cas précis.
L’hôtel Méridien à Nice (318 clés), pour cet établissement il s’agit d’une stratégie sur plusieurs années. Sur cet actif nous possédons les murs depuis bien longtemps et nous avons acheté il y a trois ans le fonds de commerce à Starwood Capital. Nous avons donc pris la décision de remembrer, de faire un programme de travaux de 13 à 14 millions d’euros. L’actif sera repositionné sur le thème Jungle Chic d’ici à mai 2020. Là encore il y a une clause de liquidité, nous avons acheté avec un contrat de gestion avec Marriott où il reste trois ans. Donc nous investissons des CAPEX pour repositionner et la clause de liquidité nous permet d’anticiper toutes les options. L’emplacement étant stratégique nous serons peut-être amenés à comparer avec d’autres opérateurs que Marriott. Nous pouvons également anticiper d’augmenter l’EBIDTA de 30 à 40 % et céder le fonds de commerce en remettant un bail.
Ces deux exemples de création de valeur sont en droite ligne avec notre stratégie et c’est ce que nous essayons de mettre en place. Ce qui est important c’est d’avoir du temps et d’être sélectifs dans nos emplacements.
Sur les sujets asset management de marques, ce qui nous impressionne de voir au quotidien, avec cette reconfiguration du secteur avec des nouvelles marques dites lifestyle ou hostels, il y a une capacité à dégager une profitabilité au m² plus performante que les opérateurs traditionnels. Il y a des opérateurs plus petits qui ont une meilleure gestion des coûts que des gros opérateurs. Cela donne donc des propositions et des anticipations de marges sur les hôtels incroyablement différentes. Nous avons parfois des hôtels qui font 15 ou 20 points de marge et quand nous faisons un appel d’offre comme celui de Madrid, certains opérateurs anticipent de doubler voire de faire 2 fois et demi la marge actuelle. Ce raisonnement-là induit des propositions de loyers reconfigurées et qui tiennent compte de cette profitabilité qui double. Quand on travaille avec Meininger qui vend au lit, cela donne des CA au m² bien supérieur à de l’hôtellerie traditionnelle. Il y a une reconfiguration des acteurs ce qui est très intéressant pour les propriétaires qui sont capables de passer de bail à contrat de gestion et inversement. Il y a vraiment des choses à faire compte tenu de cette multiplication des acteurs y compris les third party asset managers.
Nous avons des Meininger et des B&B Hôtels et nous cherchons plutôt à garder un équilibre. Nous avons 25% d’hôtellerie économique et le reste entre midscale et haut de gamme. Notre raisonnement fonctionne quel que soit le segment.
Ce que nous constatons également sur les marques qui performent le mieux, en lien avec ce qu’a indiqué plus tôt dans la journée David Fattal en parlant « d’amour dans le gestion », c’est que ce sont les opérateurs qui sont capables de s’impliquer le plus dans la gestion des actifs au quotidien sont les acteurs qui délivrent la meilleure profitabilité. C’est pour cela que je parlais des third party asset managers, quand vous faîtes partie d’un petit groupe et que vous avez quatre hôtels à gérer, vous êtes capables de faire l’analyse quotidienne, avec votre directeur du compte de résultat et vous créez donc de l’optimisation. Cela s’exprime très vite dans les résultats et dans le P&L de l’hôtel. Cet « amour » dans la gestion créée de la valeur de plus en plus forte et nous sommes amenés à travailler de plus en plus avec ce type de personnes.
Qu’est ce qui vous a fait franchir le cap de vous implanter dans un nouveau marché ?
Nous sommes dédiés à l’accompagnement et au financement de la croissance organique de nos partenaires. Nous avons je trouvé vécu une histoire assez fantastique avec B&B Hôtels en étant systématiquement les premiers à les accompagner dans un pays avec à chaque fois un bilan positif avec eux et pour nous. Cela nous a appris à connaître le pays, à développer une plateforme là-bas et à nous y développer. Nous l’avons fait en Allemagne avec plus de 70 établissements développés ensemble, en Espagne avec maintenant 4 hôtels, nous avons envie d’écrire la même histoire en Pologne. L’objectif plus global est de consolider le marché européen, nous avons aujourd’hui des positions importantes en Allemagne, en France au UK et en Espagne. Nous pensons qu’il y a de très belles choses à faire en Europe de l’Est qui est le pays qui présente les croissances les plus importantes. Varsovie et Cracovie sont donc très intéressantes pour nous. Avec B&B Hôtels nous avons construit une machine de développement mutuelle très performante.
Verra-t-on plus Covivio sur du resort ?
Covivio est essentiellement City Hotels, en revanche, nous avons entre 3 et 400 millions d’euros investis sur du resort. Nous avons construit un Club Mad à Samoëns, nous avons quelques actifs avec Barceló dans les Canaries. Nous avons découvert que le resort peut avoir de la résilience voire même plus que certains city hôtels. Nous serons donc ouverts à faire un peu plus de resort. Ce qui est important pour nous dans l’appréhension du risque resort, c’est la durée de la saison. Sur une destination montagne ou la saison dure environ 6 mois nous sommes plus circonspects que sur des destinations comme la Grèce ou les Canaries où la saison dure plus longtemps.