![M. Tayar et M. Guermonprez](/sites/default/files/styles/content__full__single_image__lg/public/2019-12/Tayar%20Guermonprez.jpg.webp?itok=vk_wSUcY)
Intervention de Jean-Luc Guermonprez, Directeur du pôle Hôtellerie, Vinci Immobilier, et d’Alain Tayar, Directeur Général Adjoint, Bouygues Bâtiment, Île-de-France Rénovation Privée, au Paris Asset Forum >hospitality.
Jean-Luc Guermonprez : Notre métier c’est de livrer un hôtel entièrement fini, un hôtel clé en main. Donc il faut savoir de quel coût on parle. Est-ce qu’on parle de coût de construction ? qui est le coût que nous – promoteurs immobiliers – nous négocions avec une entreprise générale ou des entreprises, ou est-ce qu’on parle de prix de revient ou de coût à la chambre ? c’est-à-dire un coût de construction auquel on ajoute tout un ensemble d’honoraires techniques, ça peut varier de 12 à 15% (architecte, bureau d’études, décorateur, consultant spécialisé…), plus des honoraires marges et aléas, et tout cela avant de parler du coût du foncier, qui pour nous, promoteurs immobiliers, fait vraiment la différence dans le coût d’investissement ou le prix revient d’une chambre d’hôtel.
Nous avons de très grosses disparités. Nous sommes capables de traiter en coûts de travaux aujourd’hui une chambre 4 étoiles classique aux alentours de 2000 € le m², et quand on travaille sur de la réhabilitation lourde d’un projet 5 étoiles dans Paris, on est plutôt autour de 5000 € du m². Le prix du m² varie en fonction de la gamme ; pour le prix à la chambre, le plus fort impact est le foncier. Le foncier en région parisienne ou à Paris intra-muros peut représenter près de 70% du coût d’investissement. Par exemple, un immeuble rue de Bassano qu’on a entièrement restructuré pour faire un hôtel, notre coût de contrat de promotion immobilière, qui est la garantie de livraison clé en main (FFN compris), est de l’ordre de 5000€ du m², ce qui fait quasiment 300 000 € par chambre, alors que le coût d’acquisition a été près de 3 fois ce prix-là. Pour prendre l’exemple de St-Etienne, ou de Bordeaux ou de Lille, on arrive à traiter des fonciers entre 50 et 300 € du m², là le coût de construction est environ à 2 000 € du m² pour un hôtel quatre étoiles.
Côté palace, quels sont les pièges à éviter ?
Alain Tayar : En effet une partie variable à la clé est le coût de construction, il varie énormément. En rénovation il varie en partie par l’adaptation à l’existant. Mais la principale zone de risque se situe dans le manque de coordination des dossiers. On voit de plus en plus des dossiers qui sont mal tenus, ou précipités lorsqu’ils sont mis sur le marché de la construction. L’objet n’est donc pas très clairement fini, ce qui laisse énormément de vide, ou de place à l’interprétation des entrepreneurs, qui peuvent créer des discordances d’entente entre le client et son entreprise sur la valeur réelle du coût de construction. Donc l’un des premiers pièges à éviter, c’est de s’assurer que les dossiers qui sont conçus coordonnent de manière absolus leurs dossiers. On voit qu’en empilant les couches à travers des AMO, des conseils en tout genre, pour se garantir ce résultat, la qualité s’érode parce que plus on multiplie les interlocuteurs, et plus on multiplie les risques. Je vous invite à être extrêmement vigilants sur ce que vous concevez.
Quel levier de création de valeur vous pouvez proposer à un propriétaire ? et comment répondre aux problématiques que vous avez évoquées ?
JLG : Répondre à ces problématiques pour un investisseur, qu’il soit un fonds ou un franchisé, notre quotidien de promoteur immobilier, c’est la coordination d’un ensemble de conseils, et à la fin, il faut qu’il y ait quelqu’un qui paie. Dans le cadre d’une VEFA, c’est le promoteur qui garantit les éventuels trous de prestations, les aléas de chantiers, sur les délais… et il y en a de plus en plus à Paris, parce que comme vous le savez, les chantiers sont une cible privilégiée des gilets jaunes. Au-delà de l’impact sur l’hôtellerie, le promoteur doit garantir cette enveloppe. Nous avons livré il y a quelques mois un ibis styles à porte d’Italie de 185 chambres, le franchisé Accor, propriétaire de cet hôtel et d’une dizaine d’autres, m’a dit que c’était la première fois qu’il n’avait rien dépensé de plus que le coût d’acquisition, puisque tout ce qui était aléas était couvert par le promoteur.
Est-ce que c’est un produit d’assurance ? qu’est-ce que c’est en pratique ?
JLG : C’est un savoir-faire de l’équipe dédiée hôtellerie : connaitre le produit, les intervenants, les limites de prestations, et être capables de garantir tout cela contractuellement. Effectivement, c’est un élément de création de valeur, mais le premier élément de création de valeur d’un promoteur immobilier, c’est sa capacité à trouver un emplacement qui soit un emplacement prime et pour lequel on soit en mesure novateur, qui s’inscrit dans son marché et qui nous permettent à nous de créer de la valeur à court terme, et au futur investisseur-exploitant, de créer de la valeur sur le long-terme.
Vous avez évoqué les enjeux de coordination, mais avec qui ? les opérateurs, les propriétaires, les tiers intervenants ? Et quelles sont les difficultés concrètes ?
AT : Sur le volet des coûts de construction, la coordination est exclusivement liée à la conception : comment vous faites rentrer un ouvrage magnifique dans un volume qui doit l’accueillir ? C’est une coordination qui allie technique, décoration, architecture d’intérieur, FFNI, usages… Chez Bouygues, nous mettons un point d’honneur à ce que nos clients ne paient pas de modification ou n’aient pas d’évolution de coût lorsqu’ils n’ont pas demandé de changements. Une crainte légitime de la profession est de voir les coûts s’envoler, alors même que nous n’avons pas demandé de service en plus, d’objet en plus ou de modification particulière. Ça passe par de l’expérience, il faut savoir anticiper, il faut connaitre le produit, il faut savoir détecter les pièges, les zones de risque, de manière à pouvoir les absorber dès le départ dans le coût de construction, et en tant qu’un des leaders du marché, de les intégrer dans les intégrer dans notre coût de manière à ce que nos clients, des professionnels de l’hôtellerie, ou des professionnels de l’investissement hôtelier, et non pas des professionnels de l’immobilier, n’aient pas à subir ces défauts de coordination.
Comment évolue la demande des investisseurs ? Quelles sont les évolutions et les attentes des investisseurs sur les projets de rénovation ou de création d’hôtels ?
JLG : Au-delà des fondamentaux pour les investisseurs, qui sont de devenir propriétaire d’un hôtel qui est un modèle économique qui leurs permet d’atteindre leur rendement, aujourd’hui si on prend un hôtel 4 étoiles classique en région parisienne telle qu’on le conçoit par rapport à ce qu’on faisait il y a dix ans, les exigences ont énormément augmenté. Par rapport à ce qu’a présenté Sylvie Bergeret, il y a tout ce qui est développement durable. Pour Vinci Immobilier, il est aujourd’hui impossible de développer un hôtel sans regarder le volet développement durable, et c’est une réflexion qui va au-delà de la labellisation. C’est une réflexion globale, à commencer par une réflexion sur le développement durable, l’insertion dans l’environnement et le bilan carbone. Ce sont des éléments qui pour nous sont une obligation et une demande des investisseurs, et qui vient s’ajouter au coût global et aux problématiques de coordination. Un deuxième exemple, un peu plus technique et qui va intéresser les investisseurs, c’est le BIM, la maquette numérique. Aujourd’hui on ne fait pas une opération sans qu’il y ait un AMO BIM, dans le but d’essayer de garantir, on ne va pas dire de simplifier la partie construction, mais d’avoir un outil informatique qui soit un outil de gestion pour l’exploitation future du bâtiment. Voilà deux exemples qui sont des demandes des investisseurs et sur lesquels nous travaillons tous les jours.
Pouvez-vous donner quelques exemples d’équipements, ou de services ou de choses concrètes de recommandation en termes de développement durable, que vous avez vues sur vos projets ?
JLG : En termes de développement durable, le plus simple, c’est toujours l’isolation du bâtiment. Quand on fait un bâtiment qui est isolé par l’extérieur et par l’intérieur, on a fait 80% du travail. Pour la maquette numérique, c’est encore en progrès, mais l’idéal serait que cette maquette BIM permette à la direction technique d’un hôtel d’appuyer sur un bouton et d’avoir la référence, le prix et le fournisseur d’une poignée de porte, d’un élément de cuisine, d’un rideau… chaque fois qu’ils doivent changer quelque chose.
AT : Je me permettrai de rajouter deux thèmes : l’économie circulaire, qui est un phénomène clé dans l’acte de construire, puisqu’il vise à améliorer la gestion de nos déchets – rappelons que l’industrie du BTP est créatrice de 70% des déchets de la planète, et nous avons un objectif zéro déchet dans nos chantiers chez les trois leaders de la construction française ; et l’impact RSE-économie circulaire est majeur dans la garantie des délais, car il a un levier immédiat sur tout ce qui est logistique puisque de plus en plus la préfabrication, la déconstruction, le modèle de construction de schémas classiques se fait hors-site, donc on a des camions zéro vides, donc on contribue à une amélioration du taux et des émissions de carbone, on a moins de déchets rentrants et donc moins de déchets sortants, et finalement la superposition des tâches nous permet vraiment de réduire le délais et de le garantir puisque les aléas à l’extérieur sont quand même bien moins nombreux qu’à l’intérieur d’un chantier.
![Paris](/sites/default/files/styles/destination__list__lg/public/2017-09/Paris.jpg.webp?itok=Bw-uPwJe)