
Mixité des produits, fluidité accélérée entre les fonctions business et loisirs, concepts hybrides et multi-usages, optimisation des espaces, connexion privilégiée avec les clientèles extérieures, domotisations augmentées : les nouveaux concepts redéfinissent le rôle de l’hôtel dans la destination et les bénéfices de l’actif immobilier. Un investisseur Covivio, deux opérateurs Akena Hotels et B&B Hôtels et un promoteur Vinci Immobilier ont débattu des adaptations et des changements à l'oeuvre pour épouser ces nouvelles tendances.
Laurent Bonnefous travaille au développement de B&B Hotels, une marque d’hôtellerie économique présente dans 12 pays et 15 pays d’ici quelques mois. Nous approchons des 500 hôtels et avons un fort rythme de développement puisque nous développons entre 55 et 60 hôtels par an principalement en Europe. Nous ne proposons pas de restauration ni de MICE. Nos établissements font entre 80 et 400 chambres.
Régis Chapron pour Covivio Hôtels. Le groupe Covivio est spécialisé sur trois types d’actifs, principalement le bureau en France et en Italie, le logement en Allemagne et l’hôtellerie à l’échelle européenne. Covivio hôtels c’est environ 6 milliards d’€ d’actifs environ 400 hôtels répartis de manière homogène entre le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Espagne et la France. Nous travaillons avec une trentaine d’enseignes. Nous sommes principalement propriétaires de murs mais également de fonds de commerce ce qui nous permet d’aller chercher de la valeur qui est parfois cristallisée dans le cadre de rapports contractuels preneur/bailleur.
Jean-Luc Germonprez, Vinci Immobilier. Contracteur, accompagnateur. Il a en charge le pôle hôtelier du groupe Vinci Immobilier, qui développe réalise construit et livre, clés en mains, des hôtels sur l’ensemble de la gamme : économique, midscale, full service. Le service hospitality réalise une dizaine d’hôtels par an soit environ 2000 chambres.
Marc Plisson, Akena Hotels. Nous avons 35 hôtels aujourd’hui en exploitation. J’ai repris la chaîne il y a quatre ans et nous avons pour objectif de développer 10 hôtels en construction par an. C’est ce que nous réaliserons en 2019. Nous avons repositionné la marque qui manquait d’identité au moment où je l’ai reprise en 2015. Nous avons profité de la crise qui a fortement touché l’hôtellerie française pour se repositionner sur des établissements 3 et 4 étoiles. Nous annoncerons très prochainement notre premier hôtel 4 étoiles. Nous nous sommes « fiancés » il y a un an avec Fasthôtel qui gèrent 80 établissements. Ils exploitent la partie économique et moyen de gamme, Akena apporte l’expertise sur la partie construction qui était absente chez Fasthôtel et se concentrera désormais sur le 3 et 4 étoiles en développant du service.
Laurent Bonnefous, il y a parfois le stéréotype du « one fits all » pour l’hôtellerie standardisée et a fortiori pour un groupe mono-enseigne, est-ce un mythe ou une réalité ?
LB : Côté produit, B&B a cette particularité d’avoir une colonne vertébrale simple : une chambre avec un petit-déjeuner qui peut parfois être assortie d’une salle de conférence. Nous ne faisons pas de F&B. En revanche, tous les produits B&B sont différents suivant les pays. Si vous allez en Allemagne, le produit sera légèrement différent que ce soit sa taille, ses couleurs… en Espagne nous avons un établissement qui est plutôt un boutique hôtel. La majorité de notre clientèle est locale, toutes proportions gardées, mais en Suisse par exemple, 54% de notre clientèle ce sont des clients suisses. Cette particularité fait que nous nous devons d’avoir un produit qui correspond aux attentes de nos clients locaux.
En ce qui concerne le développement et notre capacité à faire autre chose qu’un hôtel, nous avons commencé il y a très longtemps, quand je suis arrivé il y a 13 ans, à mixer les produits différents, des hôtels différents, du bureau etc… Je considère que c’est la voie royale pour obtenir ce que nous souhaitons, à savoir une grande diversité d’hôtels, pouvoir être présents en centre-ville et à l’extérieur. Il est fort probable que l’on trouve à l’avenir des espaces de 10 000m² sur lesquels il y aura de l’hôtellerie, du coworking, probablement du co-living ce qui permettra à chacun de vivre des expériences différentes à différents moments. Cela permet d’accueillir le même client à différentes périodes et des éléments qui se mixent naturellement.
Quand un investisseur vient voir B&B, doit-il absolument rentrer dans un moule ou peut-il imaginer des produits plus mix-use ?
Nous nous marions très bien avec d’autres opérateurs dans une même opération. Nous avons monté des projets avec Marriott, Radisson et encore d’autres enseignes sans aucun problème. Nous considérons que la segmentation est suffisamment puissante pour qu’il y ait très peu de zones de frottement. Si l’on rapprochait les gammes d’offres, ce serait bien sûr bien plus compliqué.
Il n’y a rien qui empêche B&B de faire des chambres de 18m² que ce soit en Espagne en Allemagne ou encore en France. Par contre, ce qui me poserait problème ce serait que l’on me demande de faire 3 restaurants. Je ne saurais pas faire et nous ne saurions pas l’exploiter.
Jean-Luc Germonprez, comment expliquez-vous que les prix augmentent ? Les coûts de construction augmentent comment le valorise-t-on dans les projets ?
Certes les prix augmentent mais la vérité, ce sont les prix du marché. On parvient à trouver un équilibre sur le marché en vendant un Novotel ou un ibis à Saint-Etienne ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années. Dans notre métier, on ne vend pas que le coût de construction, on vend un projet clés en main. C’est un terrain, un emplacement, des coûts de construction des honoraires (architecte, décorateur etc…) ainsi que toute la partie FF&E. Notre prix est plus dicté par la demande que par notre prix de revient. Quand on réalise un budget d’opération, on connait le marché, on connait les attentes que ce soit celles des investisseurs et celles des exploitants. Notre métier c’est d’organiser ce mariage à trois. Nous faisons en sorte que la création de valeur que nous réalisons à court termes permette à l’investisseur et à l’exploitant de faire de la création de valeur à long termes. Si nous ne parvenons pas à apporter cette valeur ajoutée, nous n’avons pas de raison d’être. Cette valeur ajoutée nous l’apportons en faisant du développement, en trouvant des emplacements, en apportant des possibilités de projets d’hôtels sur des opérations mixtes.
Les projets mixtes avec plusieurs gammes d’hôtels, du bureau de la résidence hôtelière comme ce que nous avons réalisé récemment à Bordeaux proche de la gare St Jean avec l’ouverture d’un B&B c’est ce que nous développons le plus actuellement. Cela répond également à la demande des collectivités locales qui veulent de plus en plus de mixité dans les programmes nouveaux ce qui correspond à une vision nouvelle de l’urbanisme. Je rappelle qu’apporter un hôtel dans une opération mixte c’est apporter un lieu de vie qui est ouvert 24h/24 c’est l’un des rares produits de ce type.
cela permet aussi au promoteur immobilier de faire une péréquation entre bureaux, logements, logements sociaux, coworking, co-living et hôtels. Cela permet de proposer à des investisseurs hôteliers des produits qui peuvent arriver en-dessous du prix de revient tout en gagnant notre vie sur la globalité de l’opération.
In fine, celui qui paie c’est l’investisseur, comment s’assure-t-il que tous les intérêts sont bien alignés et que tout se passe bien ?
Régis Chapron pour Covivio Hôtels : nous allons nous focaliser sur la capacité de chaque mètre carré à dégager du cash-flow. La mixité fait beaucoup de sens car elle permet d’apporter une offre servicielle. Le fait d’avoir différents usagers qui viennent à des moments différents va permettre de mieux amortir des services que vous allez proposer pour différents clients qui viennent chercher un service identique même s’ils viennent à des moments différents. L’étape suivante serait de voir comment on peut modulariser les espaces en fonction du volume des demandes.
Marc Plisson, comment se passe l’accompagnement ? Votre spécialité c’est accompagner des personnes qui n’ont pas une forte expertise dans le secteur de l’hôtellerie mais qui ont un appétit fort sur l’actif hôtelier.
Notre particularité c’est de dire à nos clients, chez Akena, on vous prend en charge de A à Z. Cela peut aller de la recherche de foncier jusqu’à l’ouverture de l’hôtel. Il y a aujourd’hui une question qui se pose suite à l’augmentation des coûts et suite à l’augmentation du confort demandé par les clients. Cela nous oblige à revoir notre métier. L’hôtel est un outil de destination 24h/24 donc, comment là où on faisait du revenu de 16h00 à 9h30 le lendemain matin, on parvient à faire du revenu 24h/24? Chez Akena, avec nos moyens, nous réfléchissons à comment ramener du service et du chiffre d’affaires. Cela peut se traduire par des espaces de coworking, la transformation des chambres entre la semaine et le week-end, nous travaillons de plus en plus à la modularité des espaces pour apporter à nos clients plus de services. La partie coworking est déjà en place.
Nous sommes en train de tester le co-living sur hôtel à Bordeaux avec réception et salle de restaurant commune et nous testons le mixe entre hôtel et résidence. Les coûts par chambre entre mon arrivée en 2015 et maintenant se sont accrus d’environ 15%. Il s’agit de trouver comment permettre à l’hôtelier de garder sa rentabilité sur 15 ans tout en faisant en sorte que l’hôtel soit rénové tous les 7 ans.
Laurent Bonnefous, qu’est ce qui a fondamentalement changé dans le montage de projets hôteliers aujourd’hui ?
Dans les années 70/80 au démarrage de l’hôtellerie économique, l’objectif était simple, rendre accessibles des besoins basiques qui n’étaient pas assurés par l’hôtellerie de l’époque. L’hôtellerie économique a réussi à répondre pendant une vingtaine d’année à ces besoins-là. Depuis les années 2010, on note l’apparition d’autres besoins appelés lifestyle, on soigne l’expérience client. Cela se traduit par un recentrage des besoins vers des zones urbaines. On le constate dans tous les secteurs, l’hôtellerie certes mais aussi la grande distribution, la vente de voitures… Dans l’hôtellerie cela veut dire que le client veut éviter de trop s’embêter pendant son séjour. Donc on cherche à voir d’autres personnes, on veut boire un coup, manger, discuter, pouvoir ouvrir son ordinateur… Toutes ces choses ont changé la façon de faire de l’hôtellerie. Jusqu’il y a quelques temps, faire des 80 chambres aux sorties de villes c’était présent partout et dans le monde entier. Ce qui a changé, c’est la volonté des clients de pouvoir accéder au cœur de ville afin de vivre une expérience qui auparavant n’était assurée que par de l’hôtellerie de luxe. Ce besoin de trouver des occupations rend les choses plus compliquées car le prix du foncier est plus élevé et le fait de se trouver en zone urbaine engendre des difficultés dans le montage du produit.
In fine les projets pour devenir plus urbains vont devoir se mixer car on va entrer dans un tissu urbain, on va inventer une nouvelle histoire, on va payer plus cher. Le client est prêt à payer 10/15€ de plus pour répondre au même besoin basique mais avec la possibilité d’aller boire une bière.
Inflation dans les coûts, inflation dans les services… est ce que le métier de promotion immobilière sera le même demain qu’il l’a été jusqu’à maintenant ? Vous avez su innover en proposant un accompagnement dédié hôtellerie chez Vinci et maintenant ?
Jean-Luc Germonprez : Je suis assez optimiste, nous sommes dans un secteur d’activité très porteur et qui malgré des accidents conjoncturels continue à assurer une croissance, les gens voyagent de plus en plus, nos partenaires investisseurs et hôteliers affichent tous de bons résultats. Je suis donc assez optimiste sur le fait qu’il va falloir continuer à construire des hôtels, à rénover le parc, il y aura de nouveaux produits, il faudra donc qu’on continue notre rôle de BtoBtoC et à être au service de nos partenaires.
Toutefois, nous allons faire notre métier de façon totalement différente, je suis convaincu que l’on va travailler de plus en plus sur de la mutabilité, sur de la rénovation d’existant. Nous arrivons à un moment où il y a dans beaucoup de villes des bâtiments de plus en plus obsolètes avec des usages quels qu’ils soient qui évoluent très rapidement et des habitudes d’usage qui changent de manière encore plus rapide. Je pense que les villes vont arrêter de s’étendre mais vont se transformer. Nous allons par exemple transformer un immeuble construit en 1992 qui était un centre des impôts en Novotel pour le compte d’un fonds espagnol.
Les métiers changent, murs, murs et fonds, contrats de management, franchise, opération en direct… Quelle est cette mutation qui s’opère chez Covivio ?
Régis Chapron : il y a nécessairement la recherche de rendement car on s‘aperçoit qu’en étant propriétaire murs et fonds on augmente notre rendement. Cela nous offre beaucoup plus de possibilités pour trouver le bon projet par exemple sur un projet de rénovation, d’extension etc…
Marc Plisson qu’est ce qui attire les investisseurs qui ne connaissent pas l’hôtellerie ?
Aujourd’hui c’est très clairement le rendement, c’est une des meilleures classes d’actifs sur le marché sur cet aspect. Il y a également pour certains investisseurs cette notion de niche fiscale. L’hôtellerie permet également d’apporter de la valeur à travers le fond de commerce ainsi que les murs quand vous avez un emplacement prime. Aujourd’hui, le regard de l’investisseur est très clairement quel rendement pour un investissement dans un produit hôtelier? En mettant 1 million ou 1,5 million d’€ sur la table quel rendement espérer ? Cela couvre 30% de fonds propre pour au final, hors foncier avoir un établissement de 60/70 chambres. Dans notre parc l’établissement de Reims qui offre 70 chambres et qui a coûté environ 3 millions d’euros en 2012, aujourd’hui l’hôtel est totalement rentabilisé et nous partons sur un deuxième investissement avec cet investisseur. Cela reste un investissement relativement simple, car notre métier reste simple, c’est du service.
