
Diplômé de l’Institut des hautes études de Glion, Vanguelis Panayotis s’est formé dans plusieurs chaînes hôtelières en France et à l’étranger avant d’intégrer le cabinet MKG Group. Responsable du développement international des activités du groupe depuis quelques années, il suit de près le département de valorisation des portefeuilles d’actifs. Il porte un regard sur l’évolution des doctrines dans ce domaine sensible.
La crise financière de 2009 a-t-elle eu un effet salutaire ou destructeur sur un marché des transactions hôtelières que l’on a parfois qualifié de spéculatif ?
Il faut apporter rapidement une correction à l’appréciation que l’on a pu avoir du marché des transactions sur actifs hôteliers, notamment quand il était particulièrement dynamique avant la chute de la banque Lehman Brothers. La mise en œuvre des politiques asset light des grands groupes hôteliers a crée des opportunités supplémentaires de biens immobiliers et suscité un intérêt nouveau porté par les investisseurs immobiliers sur des classes d’actifs relativement sous-évalués. Il n’y a pas eu de flambée spéculative sur les actifs hôteliers mais plutôt un rattrapage qui a pu sembler rapide. Il était en grande partie justifié par la qualité de ces actifs. Il ne faut pas confondre avec le «surfinancement» de certaines transactions rendues possibles par la dette largement mise à disposition par les banques. La crise financière a étranglé les acquéreurs qui ont trop misé sur la dette et qui n’ont pas pu faire face à leurs échéances. Au bout du compte, il y a peu de cas de transactions sur des «distressed assets» surévalués et dont le prix se serait effondré. Quelques exceptions notables ne font pas une tendance. Les prix se sont globalement maintenus et les fonds montés spécialement pour récupérer des actifs en détresse ont eu du mal à dépenser leurs capitaux. On peut néanmoins dire que cette crise financière a incité à plus de précaution et de professionnalisme sur les méthodes de valorisation qui étaient maîtrisées par assez peu d’experts du secteur.
L’attrait pour la classe des actifs hôteliers persiste-t-il auprès des investisseurs ?Les investisseurs qui font la comparaison avec les immeubles de bureaux se sont assez vite rendus compte que la «qualité» de l’opérateur faisait une différence appréciable en faveur de l’hôtellerie. Dans le cas d’une location, les contrats courent sur de longues durées, renouvelables et sont signés avec des entreprises qui présentent peu de risques d’impayés. Ce sont des partenaires solides qui garantissent la rentabilité sur le long terme. En définitive, les investisseurs institutionnels, comme les foncières, sont moins attirés par le prestige de l’immobilier hôtelier que par la garantie d’un rendement. C’est ce type de relation qui a permis aux groupes hôteliers d’externaliser leurs murs avec une relative facilité. Malgré la crise, la politique asset light conduite par la majorité des groupes trouve un écho favorable du côté des investisseurs immobiliers.
Qu’est-ce qui a changé dans l’appréhension de cette valorisation ?Par «tradition historique», la base des valorisations était assez largement immobilière ou calculée sur un revenu locatif qui donnait une assez grande importance à la valeur des murs. Dans un actif hôtelier, on doit prendre en compte le fonds de commerce qui génère les revenus et donc la rentabilité d’un investissement. Cette partie de la valorisation n’était certainement pas assez intégrée ou du moins la bonne répartition entre fond et murs. Cela devient une nécessité avec l’émergence – de plus en plus forte - d’un marché des fonds de commerce hôteliers. Il y a une véritable réflexion à conduire sur le sujet car les cycles immobiliers et les cycles d’activité hôtelière sont différents. L’un est plus spéculatif et l’autre cherche justement à être moins volatile.
Les éléments à prendre en compte pour apprécier la valeur sont-ils très différents ?L’appréciation est plus complexe, mais aussi plus méthodique dans le cas du fonds de commerce. Elle fait appel à des notions de performances, mesurables par les competitive sets, des notions de qualité des prestations et de réputation, également mesurable par des outils d’une grande précision, à une étude de la clientèle et de son évolution. La valeur du fonds de commerce traduit le succès des opérations et minimise l’impact des bulles spéculatives, même si elles persistent sur des marchés où il y a pénurie d’actifs.
Y-a-t-il, en la matière, des méthodes universelles ?Chaque continent, chaque pays même, a développé sa propre religion. Elle est issue des pratiques courantes et des conditions particulières des marchés, des normes comptables également. Pour autant, la généralisation de la méthode du discounted cash flow donne la possibilité de parler un langage équivalent quel que soit le bien considéré.La valeur d’un actif s’impose-t-elle plus naturellement à l’acheteur comme au vendeur ?Il ne faut pas faire abstraction de tout l’exercice de négociation qui est naturel dans une vente. Le vendeur aura tendance à valoriser les performances passées qui forment l’historique de l’activité, alors que l’acheteur se projette davantage dans l’avenir et les revenus qu’il va générer pour rentabiliser son investissement. Les méthodes de valorisation servent de base à cette négociation où la dimension humaine, la motivation, le timing apportent un autre éclairage. La nature du financement n’est pas anodine non plus et les banquiers sont particulièrement attentifs aux cash flows futurs qui serviront à rembourser les emprunts. Ils peuvent être plus «généreux» si les perspectives sont bonnes.
