A l’heure où les réseaux sociaux sont omniprésents dans notre vie quotidienne, les influenceurs voyages deviennent les nouveaux gourous du secteur touristique. Instagram, TikTok, Blog ou encore YouTube constituent les outils leur permettant de nous faire rêver d’une destination à travers des photos, vidéos et textes tous plus inspirants les uns que les autres. Une popularité croissante qui incite de plus en plus de destinations à faire appel au marketing d’influence pour leurs campagnes de promotion.
Qui sont ces nouveaux prescripteurs touristiques ?
Qui n’a jamais rêvé de partir en voyage suite à la vue d’une photo d’un somptueux coucher de soleil sur la mer sur son feed Instagram. Derrière ces posts qui comptabilisent des centaines, voire des milliers, de likes se cachent des personnes dont le travail en fait rêver plus d’un. Le métier d’influenceurs voyages a connu un essor fulgurant en quelques années, notamment dû à la montée en puissance des réseaux sociaux. Et ce qui fait la force de ces influenceurs, ce sont leurs communautés qui les suivent au quotidien. Rien qu’en France, Instagram compte plus de 24 millions d’utilisateurs tandis que TikTok comptabilise plus de 2,3 milliards d’utilisateurs à travers le monde.
Ces chiffres devraient par ailleurs continuer d’augmenter, les jeunes générations se créant des comptes de plus en plus tôt. Ce sont par ailleurs les jeunes abonnés qui constituent en grande partie les communautés des influenceurs et qui sont le plus influencées par leurs posts. En effet, 37% des jeunes se disent eux-mêmes influencés par les réseaux sociaux au moment de choisir dans quelle destination partir. Mais plus généralement, 34% des Français déclarent avoir recours au réseau social dans le choix de leurs vacances. Certains vont encore plus loin dans cette démarche en réservant des séjours en fonction de leur potentiel « instagrammable ».
Les influenceurs voyages sont perçus comme authentiques et inspirants et grâce aux réseaux sociaux, il est simple pour eux de créer du lien avec leurs communautés. Leurs pensées et émotions sont partagées à travers des textes, des vidéos ou encore des photos qui permettent de faire voyager leurs abonnés avec eux. Il est même possible de suivre leurs périples en temps réel grâce aux story et autre reels. Leurs témoignages sont par ailleurs considérés comme de véritables partages d’expériences et non comme de la publicité. Un atout intéressant quand on sait que 34% des Français déclarent avoir plus confiance en un blog de voyage qu’un site touristique institutionnel.
Instagram est le réseau social le plus utilisé par les influenceurs voyages, car c’est à l’origine un réseau de partage de photos et plus les photos sont esthétiques, plus le compte a d’abonnés, une aubaine donc pour ces influenceurs souvent bien équipés. C’est également et surtout la plateforme sur laquelle le taux d’interaction est le plus élevé. YouTube l’est également mais pour le partage de vidéos très travaillés et relativement longues, tous les influenceurs n’utilisent pas cette plateforme. Mais depuis peu c’est le réseau TikTok qui connait un boom sans précédent, notamment dû à la pandémie, et qui attire l’attention de plus en plus d’influenceurs souhaitant s’adresser à une communauté encore plus jeune notamment.
La famille des influenceurs voyages se scindent en deux grandes catégories, les « major-influenceurs » et les « nano-influenceurs ». Les premiers comptabilisent au minimum 100 000 abonnés tandis que les seconds ont des communautés allant de 1 000 à 10 000 abonnés. En France, l’incontournable du milieu est Bruno Maltor, avec près de 360 000 abonnés, qui a débuté son aventure en créant son blog Votre Tour du Monde. On retrouve également Jonathan Bertin, avec plus de 115 000 abonnés, qui est connu et reconnu pour ses talents en photographie. Les femmes aussi s’emparent de cette profession peu commune à l’image de Lily Rose, avec plus de 262 000 abonnés. Enfin, on peut aussi citer BestJobers, avec 148 000 abonnés, un jeune couple passionné de nature qui a fortement mis en avance la destination France tout au long de la crise sanitaire.
Quand les destinations font appel aux influenceurs voyages
Si les influenceurs voyages ont grandement gagné en popularité ces dernières années, ils ont également gagné en crédibilité auprès des acteurs touristiques plus institutionnels. De plus en pus de destinations s’intéressent à ce phénomène grandissent et décident de faire appel à des influenceurs lors d’une campagne de promotion. Les exemples rien qu’en France sont multiples et attestent bien du rôle prédominant que jouent ces nouveaux acteurs du tourisme 2.0.
Les départements de la Sarthe et de la Mayenne ont invité durant la période estivale 2021 plusieurs grands influenceurs voyages dont Bruno Maltor mais également Christophe Salin (détenteur du blog voyages etc…) et l’influenceuse espagnole Teresa Lorenzo Reyes. La sélection des influenceurs se fait en fonction de nombre d’abonnés mais aussi au regard de la qualité de leur contenu.
Bruno Maltor a également été inventé par l’organisme touristique de la Vendée à l’été 2021 tout comme Léa Camilleri, dans le cadre du dispositif de communication autour des « quatre saisons ». Le but étant de valoriser le territoire à travers à travers des vlogs, un terme d’origine anglophone qui désigne un contenu de communication sous forme de vidéo où l’on suit le quotidien d’une personne sur une ou plusieurs journées.
Le CRT de la Nouvelle-Aquitaine s’intéresse aussi aux influenceurs voyages et organise notamment des grands accueils presse en invitant divers influenceurs français mais également des influenceurs européens afin d’avoir une portée sur davantage de marchés. L’accueil d’influenceurs européens s’inscrivait dans le cadre de la campagne de relance d’Atout France baptisée #ExploreFrance. Des influenceurs britanniques, néerlandais, allemands, suisses espagnols et italiens se sont ainsi rendus dans divers territoires de la région. Tous ses séjours ont été organisés en partenariat avec les différents offices de tourisme et CDT/ADT des destinations en question. Grâce aux nombreux vlogs, posts Instagram et vidéos YouTube, les retombés en termes de notoriété pour la région ont été conséquents.
Côté international, les exemples ne manquent pas non plus. Visit Finland a ainsi lancé la campagne « 100 days of polar night magic » en invitant 5 influenceurs voyages, provenant de marchés clés pour la destination, durant 3 mois. L’objectif était de créer des contenus à la fois originaux et inspirants pour notamment mettre en avant la destination durant la période hivernale. Une web-série hebdomadaire montrait le quotidien de ces influenceurs lors de leurs séjours afin de suivre leurs aventures au jour le jour. Une stratégie payante pour la destination puisque la campagne a bénéficié d’une couverture médiatique auprès de 808 médias. Également, le site de VisitFinland a été visité 641 500 fois et les vidéos ont été visionnées 781 600 fois.
La Pologne et la République Tchèque se sont associés à Interrail afin d’organiser une campagne d’influence d’envergure avec 3 influenceurs voyages, WorldElse (46 300 abonnés), Travel Me Happy (42 000 abonnés) et Little Gypsy (70 700 abonnés). Durant leur périple, ils ont découvert Cesky Krumlov, Ostrava, Tanvald, Prague, Cracovie, Wroclaw et le Parc National d’Ojcow. Autant de destinations mises en lumières dans des posts Instagram et instastories, des posts Facebook et Twitter, un article optimisé SEO et une vidéo. Au total sur tous les réseaux, ce sont 1 189 653 personnes qui ont été touchées avec un total de 26 614 clics vers le site internet d’Interrail.
Les destinations ne sont pas les seules à faire de l’œil aux influenceur voyages, Expedia a décidé de faire appel à eux dans le cadre d’une campagne marketing à l’aube de la période estivale 2021. L’agence de voyages a collaboré Bruno Maltor, Baby Chou Family et Black Beauty Bag afin de relancer le tourisme et notamment en mettant en avant la destination France. Les influenceurs ont donc dû créer des itinéraires uniques et partager leurs conseils et avis afin d’inspirer les voyageurs mais aussi d’attirer de nouveaux clients pour Expedia. Une mission rendue possible grâce au taux d’engagements des communautés des différents influenceurs.
Azureva s’intéresse également à eux et lance cette année son Tour de France des influenceurs. Une campagne d’influence inédite qui se compose d’un tour de l’hexagone en 3 étapes avec 12 destinations et 12 influenceurs. Ce sont les influenceurs les Coflocs (24 100 abonnés) qui feront le tour de la France en van, étant adeptes et promoteurs de ce mode de transport. C’est par ailleurs leur marque fabrique sur les réseaux sociaux. Au cours de leur aventure, les Coflocs rencontreront 12 influenceurs locaux dans 12 établissements Azureva.
Nous souhaitons affirmer le nouveau positionnement de la marque en 2022 : ‘L’Accueil en terres de partage’ en renforçant l’ancrage territorial. Quoi de mieux pour cela que de porter nos valeurs à travers toute la France, à la rencontre des équipes qui vous accueillent toute l’année à la découverte de leurs territoires d’exception. Nous avons pensé les choses en grand avec ce projet innovant !
Jean Pochoy, directeur délégué général d’Azureva
Les avantages de développer un partenariat avec des influenceurs voyages sont nombreux pour les institutionnels du secteur touristique. En premier lieu, la visibilité et la notoriété apportées grâce à divers posts, story et autre moyen de communication. Un territoire encore relativement confidentiel peut se faire connaitre du grand public de cette manière et percevoir des retombées assez rapidement. En effet, certains gros influenceurs bénéficient d’un taux d’engagement notable chez leur communauté, qui se traduit par des réservations et séjours en cascade après la mise en avant d’une destination sur leur compte. Enfin les contenus réalisés par les influenceurs peuvent être réutilisés à l’avenir pour diverses campagnes de promotion et de communication à moindre frais.
Une réalité pas toujours si « instagrammable »
Certaines destinations subissent le revers de la médaille du marketing d’influence, avec notamment le phénomène du surtourisme. Les influenceurs voyages rendant souvent des spots très tendances à travers une publication incitent, malgré eux, de nombreuses personnes à suivre leurs traces et à prendre des photos similaires. Bien qu’on ne puisse pas les accuser d’être à l’origine du tourisme de masse, ils participent malgré tout à ce phénomène qui nuit grandement au secteur. Certains sites observent des files d’attente inimaginables pour avoir la photo parfaite à poster sur ses réseaux.
Les influenceurs auraient notamment un impact considérable sur des petits recoins cachés et méconnus du grand public. Que cela soit une rue, un bâtiment, un lac et bien d’autre encore. Des lieux qu’ils mettent volontiers en avant dans leurs posts et qui se retrouvent en un rien de temps prisés par des hordes de touristes. C’est le cas de la rue Crémieux à Paris, une petite rue haute en couleurs qui était jusque là relativement confidentielle mais qui voit désormais défiler un grand nombre de visiteurs suite à la visibilité que lui a conféré certains influenceurs sur leurs comptes. Excédés par ce phénomène, les riverains ont décidé d’agir. Ainsi prendre une photo devant les maisons de la rue est désormais passible d’une amende.
Le problème en soit ne provient pas des influenceurs eux-mêmes mais plutôt de leurs abonnés qui souhaitent reproduire leurs photos pour ensuite les poster à leur tour sur leurs comptes. Un phénomène baptisé « le mimétisme de masse ». Si certaines destinations régulent ou ferment les sites en question pour les protéger, d’autres jouent la carte de l’humour comme c’est le cas de l’office de tourisme de la Nouvelle-Zélande. Dans sa vidéo « Do something new », on suit le quotidien d’un agent du SOS (Social Observation Squad) dont la mission est de déloger les touristes qui auraient envie de reproduire un cliché déjà vu des milliers de fois sur Instagram. Une campagne dénonçant avec humour le phénomène de « voyage sous influence » qui se conclut sur le message suivant : « Don’t travel under the social influence ».
Mais certains influenceurs ont fait le choix de ne plus afficher la géolocalisation de leurs clichés afin d’éviter cet effet de foule dans des lieux encore protégés du surtourisme. Et l’ONG WWF est même allé encore plus loin en laçant à l’été 2019 l’opération « I protect Nature ». Ainsi, au lieu de renseigner la géolocalisation du lieu où a été prise la photo, les influenceurs écrivaient « I protect Nature », ce qui renvoyait si l’on cliquait dessus à l’adresse du siège social de l’organisation en France.
Enfin, la différence entre ce que nous vendent le influenceurs voyages sur Instagram et la réalité est souvent frappante. Sites saturés de touristes, lieux extrêmement pollués, voire sites disparus ou fermés. La liste d’exemples est infinie, de la Tour de Pise au Lagon Bleu d’Islande en passant par la Grande Muraille de Chine.