A partir d’aujourd’hui il devient possible de payer sur LastMinute.com, géant du voyage en ligne européen, via le service Amazon Pay. Mais qui doit être inquiet : les OTA, dont le marché est convoité par Amazon, ou bien plutôt PayPal ? Et quid des hôtels ? Une nouvelle qui donne l’occasion de faire le point.
Amazon et Lastminute.com
Il est désormais possible de payer sur Lastminute.com via le service de paiement Amazon Pay. Toutefois ce service ne concerne pas la vente de séjours complets, cette option n’est proposée que pour l’achat de vols, de chambre d’hôtels et de vols plus hôtels. C’est en fait une option fonctionnant quasiment sur le modèle de PayPal : plutôt que de se faire un nouveau compte sur le site d’achat, il suffit de cliquer sur un bouton et Amazon Pay prend le relais. Les avantages sont multiples. D’abord pour le client : comme cité plus haut, pas besoin de s’identifier sur le site, pas besoin non plus de rentrer son adresse de livraison, de facturation, le service est gratuit… bref un bel exemple d’expérience client « sans couture ». En outre le service Amazon Pay permet de bénéficier de la « garantie A à Z » du géant américain. Viennent ensuite les avantages pour les marchands : l’intégration de l’outil est simple, le paiement rapide, cela permet de profiter de la confiance que les clients auraient en Amazon – dixit le site Amazon Pay.
D’où l’intérêt du site lastminute.com : selon l’entreprise, 50% du trafic sur son site viendrait du mobile, un support où la possibilité d’un seul « clic », sans même avoir besoin de rentrer son numéro de carte bleu, pourrait réellement améliorer le taux de conversion. C’est en tout cas le point de vue du groupe Lastminute. Et puis, c’est aussi, pour l’OTA, une manière de s’ouvrir aux quelques 300 millions de comptes ouverts sur Amazon. Dont 33 millions seraient utilisateurs d’Amazon Pay. Sans parler de l’image d’Amazon, dont le logo en forme de sourire est censé représenter la satisfaction client… une donnée utile pour les centaines de vendeurs proposant Amazon Prime : la garantie c’est Amazon, le service c’est Amazon. Les données clients sont d’ailleurs gardées par Amazon et non par le site, un point non négligeable pour l’entreprise. Il faudra voir, bien sûr, si ce service finit par être utilisé massivement par les clients de lastminute.com.
Amazon et le tourisme : OTA, dématérialisation, hôtels…
L’apparition de ce service de paiement sur Lastminute s’intègre, presque, sur la longue série de nouvelles qui forment le balai entre Amazon et le marché des OTA. Presque, car cette fois-ci, Amazon apparait comme solution de paiement et non directement comme une OTA. C’est un service plutôt qu’un concurrent mais comme le disait David Kong, Président Directeur Général de Best Western lors des derniers Worldwide Hospitality Awards: « Quand on regarde les chiffres, je pense que les OTAs doivent craindre les GAFAs. Aux Etats-Unis, 70% des foyers les plus riches ont un compte Amazon Prime. Si l’on regarde tout le pays, la moitié des foyers ont Amazon Prime. Il est donc facile de s’imaginer à quel point ils sont puissants. S’ils choisissaient d’entrer sur le marché hôtelier et de devenir une market place, ils pourraient facilement le faire. Je pense d’ailleurs que ce n’est pas si mais quand. Leur CEO l’a déjà dit, ils veulent tout vendre. » La phrase de Jeff Bezos a décidemment marqué les esprits. (L’entretien ici)
Et il y a déjà eu des tentatives. D’abord avec Amazon destinations, en 2013. Une véritable OTA, avec des réservations d’hôtels notamment. Mais l’aventure s’est arrêtée en 2015, la maison mère décide de fermer la filiale après avoir assuré les dernières réservations. Puis il y a eu Amazon Locals, pour des services et des activités de proximités, en flux tendus. Un peu sur le modèle de Groupon. Là pareil : après avoir pris la température, le fleuve se tarie et l’idée est abandonnée… Avant que le fleuve ne revienne encore : notamment par le biais de son intelligence artificielle de maison, Alexa, qui est adapté aux hôtels depuis l’été dernier (2018). Grace à la petite boîte et dans certains hôtels, chambre, testant ou mettant en avant un côté high tech, il est possible grâce à Alexa de régler la température de la chambre, de fermer les fenêtres, d’éteindre les lumières. Et voilà : Amazon remet un pied dans les hôtels. (Toutes les informations ici)
Attention : fleuve méchant ?
L’entreprise de Jeff Bezos reste à surveiller. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au 6 février 2019, une action Amazon vaut 1600 euros, une action Expedia à peine plus de 120. 178 milliards de chiffres d’affaires d’un côté, autour de 10 pour l’autre, et les écarts se suivent pour les bénéfices nets ou encore les investissements… D’ailleurs sur ce dernier point les chiffres sont parlants : aux Etats Unis, entre 2009 et 2013, le chiffre d’affaire passe de 34 à 75 milliards. Pourtant sur la même période les profits chutent de 75% et le montant versé aux impôts de 57%. C’est que plutôt que de chercher le profit, Amazon réinvestit, et évite ainsi l’imposition la plus dure. Tout en dégageant des liquidités et de la puissance d’achat : l’entreprise rachète Twitch, Whole Food…. Et c’est la même chose pour l’Europe : plus de 4,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2013 au Royaume unis, pour 4.3 millions d’impôts payés. Soit un taux d’imposition de 0.1%. Largement de quoi se permettre de lancer « Amazon destination » puis de fermer la plateforme. Avant de la rouvrir ?