Entretien avec Krystel Blondeau, Directrice Générale France de Louvre Hotels Group qui partage son expérience et sa vision du secteur en ce temps de confinement. Une discussion avec Vanguélis Panayotis, CEO MKG Consulting.
Comment va se passer la réouverture et dans quelles conditions ?
Je crois qu’aujourd’hui nul n’a de boule de Crystal pour savoir si nous devons ouvrir tôt ou non. Néanmoins plus de 80% de notre parc a été fermé pendant la crise du Covid-19. Notre ambition, c’est de rouvrir et de rouvrir au plus vite. Pourquoi ? Parce que l’hôtellerie est un acteur incontournable et solidaire de l’économie. Si l’hôtellerie n’est pas au rendez-vous, l’économie globale va avoir du mal à redémarrer.
Aujourd’hui nous avons 200 hôtels qui sont déjà rouverts. Au 11 mai, nous aurons 50% du parc de rouvert et fin mai-début juin, la totalité du parc sera rouvert quel que soit son statut (franchisé ou filiale).
A ce jour, rouvrir un hôtel avec les conditions sanitaires demandées est beaucoup plus compliqué que de le fermer. Il y a différentes phases : la première, c’est l’appropriation des nouveaux process et de réassurance du consommateur. Parce que les besoins des consommateurs ont changé. Ils se disent « je ne veux un hôtel et un prix, mais aussi qu’il soit ouvert et me garantisse la sécurité sanitaire ». C’est une remise en route qui nécessite énormément de formations et d’accompagnement auprès des équipes et des clients.
Est-ce que tu sens que la demande est présente ?
Sur nos marques, nous avons aperçu une dynamique montante depuis plusieurs jours, voire même plusieurs semaines. Les clientèles BTP ou grand compte qui recherche des hébergements sécurisés pour leurs salariés vont parfois nous prendre tout un hôtel. Si je prends Première Classe, nous avons multiplié par trois les réservations et les picks-up.
Compte tenu de ce déconfinement progressif et des consignes du gouvernement, nous savons que la clientèle de l’été sera avant tout domestique. Nous risquons d’avoir des clients que nous n’avions pas avant. D’ailleurs nous le voyons dans les intentions de recherches des clients. Ils ne convertissent pas encore parce que je pense qu’ils attendent les dernières instructions en termes de déplacement. Mais les français ont aussi envie de prendre l’air ou de retrouver leurs familles. Nous avons de grandes chances de récupérer toute une clientèle qui n’avait pas l’intention de rester en France. La dynamique va aussi dépendre d’éléments que nous ne maîtrisons pas à date tels qu’un potentiel vaccin d’ici la fin de l’année. Au niveau de la clientèle corporate, elle a pris l’habitude du télétravail et cela risque d’avoir un effet rétropédalage – à savoir moins de déplacements, même quand les choses vont revenir à la normale.
Comment avez-vous organisé la restauration dans vos établissements ?
Sur le petit déjeuner, les clients ont le choix entre l’emporter à l’extérieur ou dans leur chambre. Sur la partie restauration, nous sommes en room service ou en pick up. Nous servons donc le client mais si les restaurants ne sont pas ouverts ou si nous ne sommes pas en capacité de répondre aux besoins, c’est problématique. Nous nous devions d’organiser la partie F&B d’un hôtel, ce qui aura probablement des changements dans l’avenir en termes de services ou d’offres dans nos établissements.
Est-ce que tu vois des tendances de fond ? Est-ce que tu penses que cette crise va garder des marqueurs durables ?
Une progression du digital, notamment dans les moyens de réservation mais aussi dans les usages. Tout ce qui est technologique et paperless va s’accélérer. Nous aurons également des clients différents avec des besoins différents. Cette crise a engendré un besoin de réassurance, bien évidemment sanitaire mais aussi en termes de flexibilité de réservations et de last minute.
Comment se sont passés les relations avec les partenaires franchisés ?
Nous avons vraiment eu à cœur d’avoir une communication accrue, renforcée et de proximité. Malgré l’éloignement, les outils technologiques nous ont bien aidés. Nous avons eu des échanges sur la situation avec le bureau de représentants des franchisés un peu près tous les dix jours. Nous avons échangé sur les différentes propositions ou aides que nous avons pu mettre à leurs dispositions.
Est-ce que tu penses que les usages, les produits ou les équipements vont s’accélérer ?
Toute crise génère des opportunités. Néanmoins je pense que lorsque nous traversons une crise telle que celle-ci, elle est l’accélérateur de transformations. Alors quelles seront les transformations de demain ? Nul n’est devin mais nous savons qu’il existe des tendances de fond. Nous travaillons avec nos réseaux et toutes nos équipes pour se réinventer. Il y a une vraie démarche qui est en cours pour rester dans la course.
Il y a quelques années les marques étaient un peu mise à mal et n’était plus forcément les repères qu’elles devaient jouer traditionnellement. Aujourd’hui je pense que cette assurance de professionnels avec les process que nous sommes en capacité de mettre en place et la relation client que nous garantissons en termes de sécurité mais aussi de nos systèmes, va permettre un retour et une reprise de confiance dans les marques. Je pense que plus que jamais, il est important de communiquer sur nos marques et de leur redonner le sens qu’elles doivent avoir en termes de réassurance et de repères.
Que penses-tu des mesures qui ont été prises par le gouvernement ?
Je pense que nous sommes un pays où nous avons beaucoup de chance. Quand nous regardons ce qui s’est passé dans d’autres pays européens, nous avons eu un gouvernement qui nous a beaucoup soutenu. Il a su être réactif. C’est un facteur déterminant dans la « respiration », si tant est que nous pouvons parler de respiration dans une période qui a été très difficile et qui n’est pas encore terminée. Même chose du côté des représentants de la profession, qui ont été extrêmement actifs.
En tout cas, toutes les équipes ont hâte d’aller sur le terrain, de rouvrir et de retrouver leurs clients