Pascal Savary, Président de Atream partage son expériences et sa vision résolument optimiste du secteur en ce temps de confinement. Une discussion avec Vanguélis Panayotis, CEO MKG Consulting.
Peux-tu me présenter en quelques mots ton parcours et nous expliquer ta position d’investisseur dans l’hôtellerie ?
Cela va me rajeunir. Il faut retourner dans les années 85 quand j’ai rejoint le groupe Accor avec Gérard Pélisson et Paul Dubrule. J’ai une grande admiration pour ces deux personnages qui ont structuré l’industrialisation de l’hôtellerie en France et en Europe. Nous sommes passés du Novotel Lesquin au Groupe Accor. Ils en ont fait le sixième groupe mondial.
Ce qui est très intéressant chez eux, c’est cet esprit d'entreprenariat. Ils ont structuré le marché français avec les franchisés. Nous avons vu un certain nombre de personnes devenir des développeurs et des exploitants hôteliers en France […] Il y a 12 ans, j’ai créé Atream qui est une société de gestion de portefeuille agréée par l’AMF. Nous gérons 3 milliards et demi d’actifs aujourd’hui, plus de la moitié dans le tourisme. Nous accompagnons en France et en Europe, des exploitants tels qu'Accor, Center Parcs, le Club Med et Mama Shelter. J'ai une affection particulière pour cette industrie majeure qu’est le tourisme.
Quels sont les fondamentaux qui te plaisaient dans ce secteur et qui t’ont amené à accompagner des projets en tant qu’investisseur ?
L’industrie du tourisme dans le monde représente une croissance de 2 à 2,5 en termes de chiffre d’affaires en France et un volume d’activité de 4 à 4,5. Cette croissance est dûe à la zone Asie-Pacifique qui a une classe moyenne qui augmente, dont le premier désir est de voyager.
Je rappelle que l’Europe, c’est 50 % de parts de marché et que la France est la première destination mondiale. Nous avons la chance d’avoir une industrie qui a cette visibilité et cette croissance, il faut donc y investir.
Nous investissons dans les murs, mais nous investissons aussi mur et fonds. Nous cherchons des exploitants avec qui nous pouvons développer une activité dans la durée. Nous sommes un investisseur long terme, à 10 ans voire plus. Par exemple, nous avons été investisseur avec Accor, en 2008-2009, de l’externalisation des murs de hotelF1 et nous les avons toujours.
La croissance de l’industrie et le désir de voyager va perdurer malgré cette crise sanitaire qui a stoppé l’activité. La France est un pays extraordinaire. Il y a à la fois du littoral, de la montagne, de l’urbain, le monde des affaires et l’œnotourisme – une activité qui mériterait de se développer un peu plus. Ce PIB est autour de 8 % en France et représente près de 200 milliards consommés en termes de chiffre d’affaires. C’est la première industrie en France.
La crise du Covid-19 impacte doublement notre secteur. En tant qu’investisseur à long terme, comment tu réévalues ton logiciel ?
Quand cette crise est arrivée et que l’activité s’est stoppée, nous avons communiqué avec l’ensemble nos investisseurs : institutionnel et particuliers. Atream a 30 véhicules d’investissement différents. Ce qui nous a été demandé, c’est l’impact à court terme sur le rendement mais également comment nous imaginions la trajectoire de sortie d’ici fin 2021 en début 2022. Nous éditons des lettres d’information qui sont actualisées tous les 15 jours sur l’impact de la crise et le calendrier de redémarrage. Nous sommes plus proche des exploitants et nous échangeons en permanence. Ces contacts nous permettent d’avoir leur vision et leur ressenti sur le redémarrage aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne et en France. C’est un travail de proximité qui consomme beaucoup de temps aujourd’hui, mais c’est normal. Notre énergie doit être dédiée à cela. Nous nous devons également de transmettre nos ressentis à nos investisseurs en fonction des segments et des zones géographiques.
Cette crise a été extrêmement violente pour tous les opérateurs touristiques et hôteliers. Violente sur le plan humain. Il y a eu des milliers de personnes au chômage technique, sans avoir combien de temps et comment. Mais les grands exploitants ont été solidaires. Bravo à toutes ces équipes qui pendant des semaines et des semaines ont d’abord pensé à leurs salariées.
Maintenant, nous rentrons dans une phase de réouverture des établissements avec les labels et les protocoles sanitaires qui seront un élément essentiel du redémarrage. Toutes les équipes sont mobilisées sur la reprise. Nous attendons le 30 mai, le signal du Président de la République et le 14 mai, l’échange avec le Comité Interministériel. En Europe, d’autres éléments sont en train de se dessiner. Je comprends l’impatience, mais en même temps nous nous devons d’être prudents sur ce contrat sanitaire entre les salariés et les consommateurs.
Quelles seraient les mesures importantes prises par le Gouvernement pour soutenir cette filière à moyen et long terme ?
Nous avons eu un gouvernement qui a été extrêmement réactif sur toutes les mesures sociales évoquées précédemment. Il a été exigeant sur la politique de réouverture avec cette partie protocole sanitaire qui est essentielle pour retrouver la confiance du client et éviter les contentieux.
Il faut être rigoureux et responsable avec un déconfinement progressif. Nous n’aimerions pas qu’il y ait une deuxième vague qui vienne saturer les établissements hospitaliers.
Sur le long terme, nous ne pouvons pas tout attendre du Gouvernement et de l’État. Il a déjà fait son travail d’amortisseur. De notre côté, nous avons des exploitants de toutes tailles et nous avons besoin d’investir, d’accompagner, de faire confiance en ces segmentations touristiques pour redémarrer.
Nous sommes en compétition face à nos voisins européens. Nous sommes dans une industrie d’offre et plus nous allons investir, plus le taux de transformation entre le nombre de visiteurs et chiffre d’affaire générés sera important. Je pense qu’aujourd’hui nous devrions être autour de 65-67 milliards de recettes touristiques avec les 90 millions de voyageurs étrangers.
Nous devons également maintenir une qualité sur les actifs et que ceux-ci correspondent aux besoins de la clientèle. Il y a des régions à valoriser, à découvrir et à développer […] Le tourisme national est compréhensible que lorsque nous regardons le tourisme régional. Si nous souhaitons intervenir, c’est à ce niveau. Il y a des petites entreprises qui vont souffrir et qui vont disparaître. C’est un drame mais c’est une économie en chaîne indissociable. Il faut être vigilant et rester leader du marché.
Comment pouvons nous les investisseurs français et attirer les investisseurs étrangers pour contribuer à cette politique de l’offre ? Faut-il être plus créatifs et avoir un coup d’avance sur le marché ?
Nous avons tous les atouts en main. Il faut avoir confiance en nous. Il faut reconnaître que nous avons la chance d’avoir des gens qui avaient une vraie conviction et une vraie vision sur l’avenir sur cette industrie touristique. Dans les années qui viennent, les atouts de la France peuvent être valorisés encore mieux.
La distribution, la digitalisation et la commercialisation de nos produits sont essentielles. Les engagements sur le plan environnemental et RSE également. Cette crise nous impose désormais de mettre l’élément de la santé au centre des priorités. Il va y avoir des transformations mais également des reconstructions en termes d’offre et de services. La France a les atouts et les talents pour répondre à ces challenges dans la durée.
Concrètement, les dossiers sont-ils en pauses ou décalés à la rentrée ?
Nous avons une centaine de millions d’euros en exclusivité en France et en Allemagne. Nous continuons donc à investir ici et en Europe. Malheureusement, un tout petit peu moins que prévu. Mais ce qu’on regarde surtout, ce sont les rapports entre les exploitants et les investisseurs. Nous allons devoir apporter des éléments plus impliquant sur les business model et les trajectoires des business plan.

