
Les premiers chiffres fournis par Atout France et ADN Tourisme sur la base d’un sondage et de remontées du terrain sont encore imprécis mais ils sont prometteurs d’une bonne, voire très bonne saison estivale. Finalement un soulagement quand les craintes se faisaient jour fin juin.
La présentation qu’a tenu à faire Olivia Grégoire, ministre déléguée en charge notamment du Tourisme, se veut conquérante, gommant les messages d’alerte de certains professionnels et de responsables territoriaux qui n’affichent pas le même sourire radieux.
Il est vrai que les premiers résultats partiels, fondés sur des échantillons (sondage Opinion Way commandé par ADN Tourisme et Atout France auprès de 3 000 personnes françaises) et et les déclarations de quelque 500 offices et agences de tourisme répartis sur le territoire, prêtent à l’optimisme et confortent la solidité du tourisme français.
Les deux-tiers des personnes interrogées par OpinionWay déclarent qu’ils sont ou vont partir en week-end et en congés sur les mois de juillet – août, quelles que soient les conditions climatiques ou le niveau de l’inflation. Parmi elles, 88% passeront ces vacances en France (C’est quand même 1 point de moins que l’an passé) évitant les départs à l’étranger qui ont repris de la vigueur.
La bulle du 15 août n’a pas comblé des désaffections sensibles
Une analyse rapide laisse penser que les Français ont été plus nombreux que les autres années à se ruer sur les routes et dans les gares. La question – un peu ambiguë – du questionnaire mêle les intentions départs en week-ends et en séjours prolongés. De fait, le week-end allongé autour du 15 août dernier a provoqué un afflux de réservations de dernière minute pour des très courts séjours de rupture du quotidien. La bulle a été la bienvenue mais elle n’a pas suffi à combler une baisse sensible des flux dans certaines régions.
Heureusement, les arrivées internationales, notamment long-courrier, reprennent de la vigueur avec une augmentation de 29% par rapport à la même période estivale de 2022, grâce à un flux en augmentation des Nord-américains, le maintien des clientèles européennes de proximité et un bon début de redressement de la clientèle d’Asie-Pacifique.
Selon ses estimations, le nombre d’arrivées internationales pour l’ensemble de l’année 2023 devrait dépasser les 80 millions, en hausse sensible par rapport aux 75 millions de 2022. Les recettes internationales escomptées pourraient avoisiner les 67 milliards d’euros, contre 58 milliards en 2022.
Le bilan est d’autant plus réjouissant qu’il était incertain
Si Olivia Grégoire se veut aussi positive dans sa présentation des chiffres, c’est bien que ce bilan était encore très incertain au début de l’été. « Nous avions de réelles craintes en voyant se cumuler des conditions climatiques déplorables dans certaines régions et une inflation qui se faisait vraiment sentir sur le budget des ménages. Il faut en conclure que les vacances sont désormais un moment sacralisé par les Français, quitte à les aborder avec des comportements différents auxquels il faudra encore mieux répondre » a-t-elle déclaré devant les représentants de instances territoriales et des grands secteurs de l’industrie touristique.
Le constat de la ministre à la fois en charge de la Consommation, du Commerce et du Tourisme porte sur trois « mutations » qui se confirment. D’abord que les touristes sont de plus en plus « court-termistes » et climato-sensibles. Ils sont nombreux à attendre le dernier moment, quand les prévisions météo sont sûres, pour décider de la destination. Ils sont même prêts à changer de région en court de séjour pour ne pas subir les intempéries ou la canicule.
La conséquence positive de ce comportement est une répartition désormais plus harmonieuse du tourisme sur le territoire hexagonal. Si le littoral attire toujours une majorité de juilletistes et d’aoûtiens, la montagne est la grande gagnante de l’été. Savoie et Haute-Savoie ont fait un carton. De même, la campagne grignote des parts de marché à la plage comme l’a montré l’affluence en Bourgogne-Franche-Comté.
La location saisonnière fait un carton, qui amène à des réflexions
Deuxième constat, si les vacances sont sacralisées, le budget l’est moins. Partir en vacances pour de nombreux Français se traduit aussi par des sacrifices ou des arbitrages : moins loin, plus courtes, moins dépensières les vacances sont aussi synonymes de chasse aux bonnes affaires. La location saisonnière a pris le pas sur l’hébergement hôtelier classique et l’hôtellerie de plein-air remplit encore mieux ses emplacements et notamment ses emplacements nus réservés aux tentes et caravanes.
La ministre rappelle qu’elle porte avec d’autres collègues un projet de loi de régulation de la location saisonnière pour éviter ses débordements.
La troisième observation porte sur un allongement de la période de départ. La saison ne s’étire plus de juin à septembre, mais de plus en plus d’avril à novembre avec plusieurs départs éventuels, un morcellement des congés qui remplace les « grandes vacances » et qui correspond davantage à l’évolution du rapport au travail, plus fractionné, moins présentiel.
Ce qui laisse déjà penser aux professionnels que l’arrière-saison sera meilleure que l’an passé. Les réservations de septembre sont déjà en hausse, de quelques points dans l’hôtellerie, de dizaines de point dans les campings et en locations saisonnières.
Il faut poursuivre le travail d’adaptation de l’offre aux mutations
Olivia Grégoire appelle tous les professionnels à poursuivre la réflexion au sein du Comité de filière tourisme pour s’adapter à ces mutations qui vont sans doute s’accentuer. Quels outils, quelle offre nouvelle faut-il mettre en face pour être réactif, compétitif, productif ?
Même en ne considérant que l’aspect positif de ce premier bilan, le verre n’est pas complètement rempli. Nombre de régions françaises constatent une baisse de fréquentation et/ou une dégradation des dépenses locales. Pour certaines, la venue plus massive des clients internationales a masqué la défection des clients nationaux. Pour d’autres, la prochaine Coupe du Monde de Rugby, déployée dans 10 régions de France est la promesse d’un bon rattrapage.
« Une France bénie des dieux » avec l’Espagne qui lui mord les basques
Atout France partage cet optimisme, d’autant que le calendrier de portée internationale sera bien rempli aussi en 2024 avec les 10 ans du Festival Impressionnisme et les JO d’été. La « France bénie des dieux », se plait à souligner Olivia Grégoire qui n’oublie pas que l’Espagne est hyperactive de l’autre côté des Pyrénées, déterminée à supplanter la France comme 1ère destination touristique mondiale. Ce qu’elle a déjà accompli économiquement en cumulant largement plus de recettes touristiques internationales que nous.
Un nouveau rendez-vous médiatique est d’ores et déjà pris dans les prochaines semaines pour conforter ce pré-bilan et valider les prévisions de l’automne.
