
L’année 2019 commence sur une belle note positive. La Commission Européenne des Voyages a indiqué dans un rapport sur les résultats de janvier à mars 2019 que les destinations européennes avaient crû de 6% en nombre d’arrivées touristiques par rapport à 2018. Le dossier prévoit une croissance globale sur le reste de 2019 autour des 3,6%.
Le grand champion de cet hiver se trouve être le Monténégro, avec une croissance exponentielle de 40,6%, face à 10,9% l’année précédente. Le pays a en effet misé sur de nouvelles infrastructures, des créations de lignes aériennes, ainsi que des actions promotionnelles. Tous ces efforts semblent avoir porté leur fruit, puisque la destination est loin devant la deuxième place qui revient à la Turquie pour ses 7,4% de croissance, qui était en tête du classement l’an dernier avec 21,8% de touristes supplémentaires sur l’année 2018. Le contexte politique du pays explique certainement en grande partie ce ralentissement de la croissance.
La troisième place revient à la République d’Irlande qui enregistre une croissance de 7%, suivi du Portugal avec 5,7% de touristes supplémentaires, puis la Croatie avec 4,7% et enfin la Bulgarie qui ferme le podium des 6 premières destinations, avec 3,6% d’arrivées supplémentaires sur son territoire. Il est intéressant de noter qu’en dehors du bon fulgurant du Monténégro, les performances des autres destinations sont bien inférieures au top 6 de l’année 2017, où la croissance s’échelonnait entre 10,8% pour la sixième place, revenant à la Grèce, et 14,3% pour la seconde, qui revenait à Malte. Il s’agit donc d’un ralentissement global, si l’on ne tient pas compte des surperformances du Monténégro. Pourtant, le rapport de la Commission Européenne des Voyages indique une tendance à la hausse des arrivées de touristes sur ce premier trimestre 2019, avec 6% de touristes en plus par rapport à la même période l’an dernier. Le trafic aérien à destination de l’Europe confirme cette croissance observée puisqu’il est lui aussi à la hausse. Le passager-kilomètre payant (unité de mesure correspondant au Revenue Passenger Kilometer – RPK – en anglais) a en effet augmenté de 5,9%. Le marché asiatique a connu la plus forte augmentation avec 7,5% de passagers supplémentaires par kilomètre, suivi de celui européen qui n’a été que faiblement impacté par les incertitudes du Brexit, avec une belle croissance de 7,3%. Les américains ont été quant à eux 4,9% plus nombreux, et les africains +3,3%.
Autre fait étonnant, les résultats des hôteliers de cette saison sont en demi-teinte. Le RevPAR des hôteliers européens pour les trois premiers mois de 2019 n’a été maintenu que par une hausse du prix moyen : en janvier le RevPAR a progressé de +3,2% pour une augmentation de +2,7% du prix moyen ; en février le RevPAR augmente de +2,2 % alors que les prix montent de +1,8% ; et en mars, le RevPAR évolue légèrement, à hauteur de +1,1%, pour des prix tirés à la hausse de +1,2 point. De son côté la croissance du taux d’occupation stagne, passant de +1,0% en janvier à +0,3% en février et +0,6% pour mars.
Globalement il y a donc une dichotomie entre les performances hôtelières et les arrivées touristiques, puisque l’on observe une baisse de la fréquentation des hôtels alors que de nouveaux touristes continuent de voyager vers ou en Europe. Ce paradoxe est visible dans la comparaison que fait la Commission Européenne entre les deux dynamiques à l’échelle nationale. La Croatie enregistre par exemple une croissance en arrivées touristiques (+4,7%) alors que le nombre de nuitées réalisées sur son territoire a décru (-2,7%). Le phénomène est curieusement inversé pour Chypre, avec des touristes qui ont été moins nombreux (-3,2%) alors que les séjours dans des hébergements marchants ont augmenté (+4,2%). Pour l’Autriche, la situation est encore différente. Son nombre d’arrivées a diminué (-1,3%) tout comme son nombre de nuitées, mais de bien plus encore (-2,8%) alors que ses performances restent positives. C’est le même cas pour l’Estonie, qui a reçu moins de touristes (-3,9%) et moins de nuits réalisées dans l’hôtellerie (-4,6%).
Il existe aussi des cas à part ne permettant pas de faire cette comparaison, les destinations n’ayant pas encore communiqué leurs performances hôtelières dans le cadre du rapport. Il y a par exemple l’Islande et la Roumanie qui ont rencontré des pertes importantes en nombre de touristes (respectivement -4,7 et -6,5%) mais aussi la Turquie et la République d’Irlande, qui font partie du top 6 avec une belle croissance des arrivées touristiques (+7,4 et +7,0%).
La question est donc de savoir, dans le cas où le nombre d’arrivées croit alors que le taux d’occupation stagne ou va à la baisse, où vont dormir tous ces touristes qui ne séjournent pas dans les hôtels de la région ? La Commission Européenne confirme la piste des hébergements homesharing (type Airbnb) concurrençant significativement l’hôtellerie, tous segments confondus, alors même que la capacité d’accueil des destinations continue d’augmenter avec de nouvelles ouvertures d’hôtels qui ne cessent d’affluer. Malgré cela, 60% des lits sont disponibles dans des hébergements loués en Europe. Cela veut dire que l’hôtellerie ne correspond qu’à 40% de la capacité d’accueil de l’Europe, soit 8,7 millions de lits, face à 14,3 millions pour les hébergements disponibles à la location. D’autant plus que les chambres sont concentrées dans les grandes destinations : la France, l’Italie et l’Espagne représenteraient à elles trois la moitié de cette capacité d’accueil. Ce qui est surprenant, puisque ces trois marchés font partie de ceux les plus pénétrés par les hébergements à louer. L’hôtellerie ne serait ainsi visiblement pas en mesure de répondre à la totalité de la demande d’hébergement à l’échelle de l’Europe, comme la prolifération des appartements et maisons disponibles à la location temporaire le laisse à penser. Mais cela ne suffit pas à expliquer la baisse du taux d’occupation des hôtels généralisée à l’échelle du Vieux continent.
