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Le nouveau visage de l'hôtellerie de plein air

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Publié le 21/07/11 - Mis à jour le 17/03/22

Les chiffres du phénomène en France : ? Avec 935 000 emplacements la France se classe deuxième pays au monde, après les Etats-Unis ? 10 430 terrains sont recensés sur le territoire ? Avec 3 millions de lits en haute saison, le camping est le premier mode d’hébergement touristique marchand en France ? 6 millions de campeurs français ? 2 millions d’étrangers (majoritairement néerlandais, allemands et britanniques)

Après une décennie de développement marquée par une profonde mutation, l’hôtellerie de plein air se révèle un secteur solide et porteur, inventif et naturellement tourné vers l’écologie, qui parvient même à se décliner aujourd’hui dans le luxe. Ce développement tous azimuts demeure centré sur les grands groupes et les grands opérateurs vacances. Le secteur attire aussi de nouveaux investisseurs. C’est l'évolution des hébergements qui a joué un rôle clé: toujours plus chics et plus accessibles pour une clientèle non initiée, y compris de cadres qui n'avaient pas pour habitude de camper. C'est la crise qui a également érigé le camping en dernier rempart pour partir en vacances avec un budget plus serré, sans pour autant sacrifier la qualité. Le changement d’image a enfin servi de levier pour mobiliser des investisseurs en quête d’une excellente rentabilité. Tirant son épingle du jeu durant la crise, l’hôtellerie de plein air (HPA) se transforme, élargit sa clientèle et s’adapte au plus près des exigences nouvelles des touristes. Une des clefs de ce succès: le mobil-home et plus globalement l’HLL, l’habitat léger de loisir. Le paysage de l’hôtellerie de plein air se recompose également à l’aune de nouveaux comportements économiques, écologiques, le tout accompagné par une transformation des mentalités.Les campings Indigo ont été créés en 2002 et la marque Huttopia en 2005. Notre philosophie c’est le vrai camping. C’est le côté éphémère qui nous séduit. Nous ne cherchons pas à toucher les clients qui sont intéressés par une version camping club avec toutes les activités ludiques qui vont avec. Notre vision du luxe, c’est d’offrir la nature et l’espace. Nous pratiquons peu l’activité locative. Sur un terrain sur 200 emplacements, nous avons en moyenne 40 HLL en locatifs (20 à 30 %). Ce sont des chalets en bois, que nous fabriquons nous même. Qui s’implantent de manière très légère. Notre préoccupation première est de ne pas abimer l’environnement. D’où l’utilisation du bois non traité. Il y a encore plein de zones sur le territoire qui refuse l’implantation d’un camping de peur de voir s’installer les mobil-homes. Nous limitons leur installation sur nos campings Indigo et, à ce titre, la charte est un vrai progrès. Le marché est en train de se structurer. Sur ce plan là, la Fédération a fait du très bon travail. Elle a mis le secteur en lumière pour en faire désormais un acteur majeur du tourisme. Le secteur s’est considérablement professionnalisé et le marché est de plus en plus segmenté. En matière de commercialisation, Huttopia n’aurait pas pu se monter sans Internet. 95% de nos ventes se font sur notre site et 50% de la clientèle sont des étrangers. L’année 2011 s’annonce excellente, globalement avec des progressions de 50% sur l’ensemble du réseau. C’est de l’ordre de +70% pour Huttopia et +35% pour Indigo.Alors que les voyagistes sont aux prises avec une situation internationale plus que tendue, les professionnels de l’hôtellerie de plein air (HPA) ont le vent en poupe en ce début d’année 2011. C’est le cas chez Huttopia : "l’année s’annonce excellente, globalement à + 50% pour l’ensemble de notre réseau, pour Huttopia, seul, nous sommes à +70% et pour Indigo, la seconde enseigne, à + 35%", déclare Céline Bossane, à la tête de ce réseau de campings prônant l’équilibre avec la nature avec son mari Philipe.Populaire par essence, le camping a longtemps été méprisé par ceux qui ne le pratiquaient pas, mais les temps changent et les mentalités évoluent... Notre société de l’hyper technologie rêve de nomadisme, de retour aux sources et à la nature. La recherche de l’authentique conduit à redécouvrir les choses simples, tout en restant connecté 24/24h à son smartphone. A la croisée de tous ces chemins, le camping nouveau serait-il devenu tendance ?Force est de constater que le secteur de l’hôtellerie de plein air a connu une mutation et continue d’explorer de nouveaux concepts. Certains campings actuels n’ont plus grand chose à envier au confort des hôtels clubs. Le camping a évolué pour devenir une hôtellerie de plein air offrant confort et formule sur mesure (les établissements 3 étoiles et 4 étoiles captent 80 % des séjours). Entre crise financière et désir écolo, le camping devient donc l’hébergement de vacances préféré des Français et un formidable produit d’appel pour la clientèle étrangère. Et l’apparition de nouveaux campings séduisent même des clients inhabituels en rivalisant d'imagination : yourtes, cabanes dans les arbres ou sur l’eau, tentes indiennes plantées dans les champs…Convivial, économique et écolo, le camping séduit déjà un Français sur dix pour ses vacances. Un autre chiffre aux antipodes de la représentation traditionnelle du campeur: 36% des adeptes de cet hébergement de loisirs sont d’origine CSP+, et le niveau d’étude des campeurs serait supérieur à la moyenne nationale. Ils sont aussi très mobiles (58% d’entre eux seraient partis à l’étranger ces 5 dernières années) et plébiscitent habituellement les hébergements 3 et 4 étoiles. Les nouveaux campings ciblent également une toute nouvelle clientèle en séduisant les classes aisées qui trouvent dans ce nouveau mode de vacances le moyen de rompre avec un modèle de vacances plus classique.Selon les chiffres de la Fédération Française de Camping et Caravaning (FFCC), l’hôtellerie de plein air est le premier mode d’hébergement touristique marchand en France. Avec ses 8 600 campings aménagés et ses 940 000 emplacements (chiffres Insee), la France arrive en tête de liste en Europe avec 40% des campings européens, soit autant de terrains que l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne réunies. On constate toutefois depuis le début des années 90 que le nombre de sites français ne cesse de diminuer (-5% depuis 1990). Le nombre des emplacements connaît, lui, une certaine stabilité depuis 2005. Cette capacité permet d'accueillir chaque année environ 6 millions de Français et 2 millions d'étrangers. Les campings 3 et 4 étoiles, dont le nombre a augmenté de 15% en 10 ans, représentent 70% des nuitées et 60% de l'offre globale contre 30% pour les 1 et 2 étoiles qui totalisent 40% des emplacements. 104 millions de nuitées ont été vendues dans les campings entre mai et septembre 2010, contre 103 millions au cours de la même période en 2009 (66% concernent des Français et 34% des étrangers, essentiellement des Européens). Les Néerlandais représentent la première clientèle étrangère avec 43%. Sur l’ensemble de l’année, le taux d'occupation était de 34,6% en 2009, déjà en hausse de 1,2 point par rapport à 2008. Activité par nature saisonnière, le taux est passé à 59,8% en été 2009 (+2,6 points par rapport à 2008).L’Hôtellerie de plein air française poursuit sa montée en gamme. "Nous assistons à une diminution du nombre de campings mais à une augmentation du nombre d'étoiles, et donc de la qualité d'accueil et des infrastructures ", souligne Guylhem Féraud, Président de la Fédération Nationale de l'Hôtellerie de Plein Air (FNHPA). "Jusqu’en 1980, le secteur a connu une évolution quantitative, en gagnant 16% de capacité par an. A partir des années 80, ce fût le début de la progression de la qualité qui s’est peu à peu généralisée dans les années 90". La crise financière à contraint bon nombre de vacanciers à changer leurs habitudes et à effectuer des coupes budgétaires : séjours plutôt en France qu’à l’étranger, réservations longtemps à l’avance ou au contraire au dernier moment, départs hors saison, réduction du nombre de séjours et sur des durées plus courtes, formules tout compris pour éviter les mauvaises surprises. Grâce à une offre accessible qui a su s’adapter aux usages des vacanciers, l’hôtellerie de plein air se démarque donc dans un paysage économique marqué lourdement par la crise.Le secteur de l’hôtellerie de plein air affiche un chiffre d'affaires supérieur à 1,6 milliard d'euros. De quoi aiguiser l'appétit des investisseurs qui voient dans ce marché une nouvelle poule aux oeufs d'or du tourisme. De 211 millions d'euros en 1998, les investissements en France ont atteint 365 millions d'euros en 2008. C'est représentatif de l'évolution du marché et d'autres acteurs du tourisme qui ont également montré leur intérêt pour le secteur. La société Fram, par exemple, traditionnellement portée à envoyer les Français à l'étranger, a ouvert en juin 2010 dans les Landes son premier village "Framissima Nature" composé de bungalows et autres tentes-lodges. Ce n’est pas tout : Look Voyages, Opodo et Voyages-sncf.com proposent eux aussi depuis peu des séjours en bungalow. De nouveaux sites de ventes de séjours apparaissent comme camping-and-co.com qui propose même des solutions pour les séminaires d'entreprises. On voit ainsi des groupes financiers et touristiques investir dans une profession qui était auparavant la chasse gardée des chaînes volontaires et des indépendants. D’autre part, des investisseurs purs achètent des campings déjà équipés de mobil-homes. Année après année, les entreprises privées gagnent du terrain, près des trois-quarts des exploitations commerciales tandis que les associations et les collectivités territoriales perdent du terrain. Selon la FNHPA, les seules chaînes et groupes intégrés regrouperaient déjà près de 15% du chiffre d’affaires du secteur.Plusieurs acteurs français et européens se sont durablement installés dans ce nouveau paysage touristique. Au carrefour de l’immobilier et des loisirs, le premier opérateur intégré européen, coté en bourse, est Village Center du groupe Promeo (près de 15 000 emplacements exploités, soit 67 000 lits). Avec l’exploitation de plus de 30 sites de loisirs (camping-villages de niveau 3 et 4 étoiles, et résidences de tourisme), ce groupe s’est imposé en quelques années comme un acteur majeur de l’hébergement de loisirs en France. Vacansoleil, créé lui en 1969, est leader du marché européen avec 360 campings haut de gamme dans 16 pays européens. Le numéro 1 français des vacances en mobile-homes, Homair Vacances, possède 6 100 mobile-homes répartis sur 102 sites, dont 21 sites sont exploités en propre, dans plus d’une dizaine de régions en France ainsi qu'en Europe (11 en Espagne, 10 en Italie, 5 en Croatie et 1 au Portugal). Le groupe, soutenu par le fonds d’investissements Montefiore, a réalisé un chiffre d’affaires de 42,7 M€ pour l’exercice clos le 30 septembre 2009, avec près de 60 000 familles clientes.Campéole suit avec 13 000 emplacements. Cette chaîne intégrée de camping-caravaning est membre du groupe André Trigano (la CIAT) depuis 1996. Notons encore le groupe Sunêlia qui réunit 31 campings et encore Yelloh! Village, de Bernard Sauvaire, ex-président de la FNPHA, qui s’affiche comme le premier réseau de camping-villages haut de gamme, sous forme de franchise. Il regroupe à ce jour 39 villages, suivi par Flower du groupe Saur qui possède 76 campings.Les professionnels s’accordent à dire que le mobile-home a été le déclencheur de la mutation que connaît l’HPA depuis une dizaine d’années. En effet, le profil des nouveaux adeptes de la formule est assez différent de celui du campeur traditionnel. La majorité des "néo-campeurs" sont en fait des clients qui jusque-là choisissaient des hôtels ou des résidences de vacances. Il s’agit de familles principalement, pour lesquelles la formule club «tout compris» est devenue trop onéreuse, mais qui ne sont pas encore prêtes à dormir sous une tente ni à partager des sanitaires… Pour cette clientèle, le mobile-home représente donc le compromis idéal. Victime de son succès, la prolifération de mobiles-homes que la France connaît depuis une décennie trouve ces aussi détracteurs sur le plan écologique. Sur certains sites naturels, il sera même de plus en plus difficile d’installer librement ces roulottes d’un nouveau genre. La révision de la loi sur le Tourisme, prévue pour la prochaine session parlementaire, devrait s’en préoccuper pour limiter les emplacements aux seuls terrains de camping officiels et pour exiger l’existence d’un contrat commercial de location touristique. Il s’agit d’éviter la dérive vers un phénomène de résidences secondaires ou principales, qui exempterait les utilisateurs de taxe de séjour ou de taxes d’habitation.De fait, les problèmes environnementaux sont devenus incontournables et l’écologie est devenue à la fois créatrice de concepts et arme marketing redoutable. Le camping se retrouve en adéquation avec les évolutions profondes de notre société : le retour à la nature, l’écologie, le retour sur soi, la recherche de la zénitude, les valeurs de la famille, le tout en gardant un certain confort. C’est ce qu’on senti dès 1999 Céline et Philippe Bossanne en créant Huttopia. Il s’agissait pour eux, de réhabiliter "le vrai camping : celui qui privilégie le moindre impact sur la nature par des équipements légers et réversibles ; celui qui permet un contact direct avec la nature ; celui qui induit des comportements respectueux envers l’environnement". Huttopia veut permettre à ses clients d’expérimenter ces nouvelles façons de mieux vivre avec la nature. A la fois concepteur, constructeur et opérateur de campings-nature situés dans des espaces naturels sensibles, la société s’est spécialisée dans la conception et l’exploitation de campings-nature situés dans des espaces naturels privilégiés. Exploitant aujourd’hui un réseau de campings-nature sous les marques Huttopia et Indigo, elle appuie son développement sur des partenariats comme ceux noués avec Lafuma, spécialiste des équipements outdoor, ou l’Office National des Forêts (ONF). Déjà à la tête de 14 campings, Huttopia reprend la gestion du terrain du Bois de Boulogne à Paris dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public.Une autre alternative, plus chic, aux parcs de mobile-homes : les nouveaux campings hauts de gamme. Parfois appelé «Glamping » (mélange inattendu du glamour et du camping), c’est la nouvelle tendance du tourisme de plein air. Ecolo-chic, ce nouveau mode de tourisme tente de concilier luxe et nature, confort et rusticité. Leur objectif est de tenter un retour au tourisme de plein air (synonyme de tente, d’inconfort et de vie dans les bois) mais sous une forme luxueuse : du confort et de l’authentique, dans le style des lodges (un mélange de luxe anglais et de savane africain). L’un des pionniers français de ce nouveau camping n’est autre que Alain-Dominique Perrin, ancien patron de la célèbre marque de joaillerie et par ailleurs président de la Fondation Cartier pour l'art contemporain. Il a repris, il y a deux ans, le Camping des Moulins, situé sur l’Ile de Noirmoutier (où il passe ses vacances depuis son enfance), pour y développer un concept unique alliant l’innovation dans le respect et la préservation de l’environnement, la valorisation du patrimoine local et une très haute qualité de services. En résumé, des bungalows et tipis de bois ou de toile et des installations écologiques dans une perspective 100% développement durable, qui offre cependant tout le luxe et le confort. Deux ans après l’ouverture du camping Les Moulins, Alain Dominique Perrin reprend même un deuxième camping sur l’île, le Camping du Midi à Barbâtre.La crise a également érigé le camping en dernier rempart pour partir en vacances avec un budget plus serré, sans pour autant sacrifier la qualité. Mais au-delà, le changement d’image sert de levier pour mobiliser des investisseurs en quête d’une excellente rentabilité.INTERVIEWS Guylhem Féraud (Président de la Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air (FNHPA))Jusqu’en 1980, le secteur a connu une évolution quantitative, en gagnant 16% de capacité par an. Depuis 25 ans, les campings ont fait des investissements importants. A partir des années 80, on constate le début d’un mouvement vers une plus grande qualité qui s’est peu à peu généralisé dans les années 90. On assiste à une transformation progressive de l’offre. Après le regroupement dans les chaînes volontaires, on constate que des groupes investisseurs interviennent depuis cinq ans, des groupes qui investissent sur les plus gros terrains. La période récente est celle du succès du mobil-home avec le phénomène locatif. La location d’un mobil-home à la semaine - entre 500 et 1 000 euros la semaine -, cela génère du chiffre d’affaires. Entre 20 et 25% du nombre des emplacements sont réservés aujourd’hui aux mobil-homes. Auparavant sans existence juridique légale, c’est désormais un produit réglementé et nous avons contribué à créer une norme. Il est vrai qu’il y a eu des abus dans le passé, mais une charte dans le code de l’Urbanisme a été adoptée. Sur tous les nouveaux terrains, le respect de cette dernière est obligatoire. Le secteur a traversé la crise sans grandes difficultés et nous avons gagné de nouveaux clients sur l’hébergement locatif 3* et 4*. Cela concerne notamment ceux qui partaient à l’étranger et qui restent désormais en France. Cette année, nous espérons une saison à l’identique. Les vacanciers réservent plus tôt depuis la crise, c’est le retournement d’une tendance qui se développait depuis 20 ans. Le camping du XXIe siècle est plus diversifié : il touche aussi le luxe, apporte des produits originaux avec un nombre de nuitées plus court ! On voit de nouveaux sites comme celui de Framissima dans les Landes. Fram arrive avec son savoir faire développer dans le plus haut de gamme de son activité. Les HLL (habitat léger de loisir) d’Huttopia orientent vers le haut l’ensemble du marché. Les opérateurs individuels ont aussi gagné en niveau, ce qui tempère la concurrence.Céline Bossane (Co-fondatrice des campings Huttopia)

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