Yann Caillère, Directeur Général du Groupe Pierre & Vacances Center Parcs et Frédéric Le Guen, Président de Belambra Clubs partagent leurs expériences et leurs visions du secteur en ce temps de confinement. Une discussion avec Vanguélis Panayotis, CEO MKG Consulting.

Quel bilan de l’atterrissage de vos activités et quelles perspectives pour la saison estivale ?

Yann Caillère : Nous nous préparons. Nous ne savons pas à quoi ni à quelle date. Nous sommes en train de travailler sur différents scénarios pour nos différents produits.

Pour le produit Pierre et Vacances, cela sera plus facile car il s’agit d’appartements privatifs. […] Pour le produit Center Parcs, c’est plus compliqué notamment avec l’offre Aqua Mundo. Nous ne savons pas sous quelque forme que nous allons pouvoir le rouvrir. Nous bénéficions de l’expérience acquise suite à la fermeture progressive. Nous étions autorisés à accueillir 1000 personnes, puis 500, puis 100 à chaque fois nous nous sommes adaptés. Nous avons réussi à adapter à la fois l’offre restauration et l’expérience dans le bassin. La grande différence dont nous sommes sûrs maintenant, c’est que les normes sanitaires vont énormément évoluer. Elles seront encore plus strictes qu’avant. C’est attendu par nos équipes et par les clients.

Nous aimerions connaître la date de reprise. Nous ne disons qu’il pourrait y avoir une reprise progressive en juin. Il faudrait que nous retrouvions au moins en juillet et août une activité quasi normale. Avec bien sûr quelques bémols, mais que nous puissions démarrer de manière convenable.

Nous avons commencé interroger nos clients, pour comprendre dans quel état d’esprit ils étaient et quel niveau d’attente ils avaient. […]

Frédéric le Guen vous avez également une activité saisonnière hiver été. La saison hivernale a été amputée, comment voyez-vous la perspective de l’été ?

Frédéric le Guen : nous avons fermé l’hiver un peu en catastrophe, nous avons évacué plus de 1000 collaborateurs et 5000 clients en trois jours. Je tiens à souligner que tout s’est bien déroulé à la fois du côté des clients et grâce à la super implication de nos collaborateurs. Ils ont permis que cette fermeture se passe le mieux possible avec un tel niveau d’urgence et dans des conditions assez inattendues.

Notre saison d’hiver était bien partie malheureusement elle s’est arrêtée bien avant la fin. Nous avons environ 25 % de la saison qui n’a pas été réalisé. Dans un secteur où les marges sont aussi faibles que les nôtres, si nous ne faisons pas rentrer 25 % de chiffre d’affaires il est évident que nous n’atteignons pas la rentabilité de la saison.

Concernant la perspective de l’été, nous savons que cela va être difficile avec beaucoup d’incertitudes. La première incertitude c’est la date de réouverture. Nous comprenons qu’il faut du temps, qu’il y a des protocoles à mettre en place pour le déconfinement. Nous avons une vraie confiance dans les autorités, ce qui aiderait toutefois les professionnels ce n’est pas d’ouvrir le plus tôt possible mais de savoir quand nous ouvrirons. […] Il n’y a évidemment une inertie des réservations, ce qui est normal étant donné que les clients ont besoin de se projeter.

Il s’agit bien et nous le comprenons d’encadrer cette réouverture, et nous comprenons que toutes les réponses n’existent pas encore. Il est en revanche important d’avoir la possibilité de se projeter rapidement.

Il y a bien sûr une réflexion autour des standards d’ouverture et de nouveaux protocoles. Nous savons nous adapter et nous saurons nous adapter. Il faut faire beaucoup de pédagogie, les villages et clubs de vacances sont habitués à mettre en place des standards très exigeants [….] Nous savons mobiliser les ressources, nous avons la possibilité d’assurer la sécurité physique, au sens large, des clients nous avons des personnels qui sont extrêmement bien formées. Nous sommes formés à de nombreux protocoles, rajouter des gestes supplémentaires est assez simple car nous disposons du personnel nécessaire. Il s’agit plutôt d’adapter des protocoles existants plutôt que de les créer de toutes pièces. Nous sommes des partenaires reconnus des autorités sanitaires sur ces sujets. Nous savons opérer dans un environnement de procès se voire de contraintes. Dans les clubs de vacances, nous avons aussi des infrastructures qui permettent de respecter les gestes barrière.

De grands espaces, du plein air, nous pouvons aussi déporter des restaurants pour respecter les distances. Nous connaissons également assez bien nos clients et nos collaborateurs. Nous avons donc cette capacité à les évacuer rapidement si nécessaire. […]

Nous avons besoin de pouvoir nous projeter pour réentamer un cycle de réservation, pour les clients et les collaborateurs. Il faut également de la pédagogie pour rappeler que nous saurons opérer dans des conditions sanitaires encore plus strictes que celles que nous respections avant.

La communication, que ce soit en interne ou vis-à-vis du grand public, sera un des grands enjeux. Vous avez une exposition tournée très majoritairement ouvert le marché domestique français. Constatez-vous que vos clients français commencent à se renseigner pour leurs vacances ?

Yann Caillère : il est vrai que nous sommes dans un marché domestique pour 80 à 90% de notre clientèle. C’est pour cela que nous allons rentrer dans une phase critique. Nous allons donc entrer dans une phase critique pour nous car c’est le moment où nous commençons à engranger les réservations pour juillet et août. A date, nous avons un retard de réservation de 10 à 12 % pour le mois d’août. Ce qui est somme toute assez modéré. Par contre, les réservations se font habituellement dans cette période. Le fête de ne pas avoir de visibilité actuellement, est très problématique. 78% des clients Maëva disent qu’ils vont partir en vacances mais ils attendent de connaître les règles que vont imposer les différents gouvernements pour pouvoir réserver. Résultat à partir du moment où nous savons qu’ils ont la volonté de partir en vacances, nous sommes obligés de mettre en place des offres extrêmement flexibles, y compris sur les acomptes. […] Dès que nous aurons une meilleure visibilité sur la reprise, nous saurons quelle est la vraie tendance. La tendance restera domestique dans tous les pays européens.

La destination que nous programmons qui risque de souffrir le plus, c’est l’Espagne. En effet nos résidences espagnoles sont remplies par des touristes étrangers.

Frédéric le Guen : Il n’y a quasiment pas de nouvelles réservations. La saison s’annonçait bien mais rien n’a bougé depuis le 15 mars. Nous sommes confiants sur le fait que les français vont vouloir partir en vacances. Mais il faut une date pour pouvoir se projeter et commencer à réserver. Aujourd’hui, nous ne traitons pas de réservation, nous traitons uniquement des questions auxquelles souvent nous ne savons pas répondre. […]

Notre plus grande attente est de gagner en visibilité avant même de connaître une date de reprise.

Concernant les protocoles sanitaires, quid des coûts de formation et de mise en place d’équipements ? Cela va venir à la fois alourdir les coûts d’exploitation et créer du frottement dans l’exécution du service. Pouvez-vous chiffrer tous ces coûts qui sont liés au monde de demain ?

Frédéric le Guen : Aujourd’hui, nous avons quelques axes mais pas de chiffres précis. Ce sont des surcoûts qui s’imposent. Nous allons faire le ménage beaucoup plus souvent dans les parties communes, nous allons désinfecter encore plus souvent certaines surfaces, nous allons agrandir les plages d’ouverture des restaurants pour limiter le nombre de personnes présentes. Par rapport aux charges que nous avons aujourd’hui et que nous avons tellement mal à couper, ma priorité est plutôt de travailler sur les charges fixes que nous avons aujourd’hui. Ce sont par exemple les loyers, qui pèsent très lourd, 25 % du chiffre d’affaires.

Ces coûts sanitaires qui s’imposent à nous, sont aussi une question de responsabilité pour nos collaborateurs et nos clients.

Que nous devons faire avec, nous ferons avec. Ce qui est plus difficile, c’est d’avoir des charges qui sont importantes et qui sont fixes avec un chiffre d’affaires à zéro.

Le gros sujet, n’est pas tant dans les équipements acheter, je me demande d’ailleurs comment nous allons en procurer. Il s’agit plus pour moi d’un sujet d’approvisionnement que de coût. Le sujet coût se situe sur la variabilisation des charges fixes. Les loyers, les taxes, y compris les taxes locales… Nous avons évidemment mis au chômage partiel une grande partie de nos collaborateurs. Il y en a encore beaucoup qui travaillent, et je les en remercie d’ailleurs, mais il est vrai qu’ils travaillent beaucoup pour faire des annulations.

Les réponses des pouvoirs publics ont été très fortes. Il faut le saluer. Nous avons une grande écoute et beaucoup de pragmatisme. […] Il faut continuer à travailler sur la variabilisation des charges. Cela devrait être zéro si nous sommes fermés puis en fonction de l’activité.

Yann Caillère : Bien que nous soyons fermés, dans chacune des résidences nous avons des coûts. Par exemple du personnel de maintenance et de gardiennage. Ce qu’il faut bien avoir en tête, c’est que ces coûts ne pèsent pas uniquement en période de fermeture. Nous aurons une période de ramp up qui ne va pas se borner à 3/4 mois. Nous sommes partis sur une aventure qui va durer un bon moment, avant que l’on reprenne nos réflexes et notre activité normale. Tant que nous n’aurons pas trouvé le vaccin, nous aurons les risques liés au virus. […] Ce qui serait terrible pour tout le monde, serait que l’on se prenne une deuxième vague. La période de ramp up va traîner, nous n’allons pas démarrer au quart de tour. Si nous ne sommes pas en capacité d’adapter une grosse partie de nos coups par rapport à cette montée en puissance, ce sera mortel. Nous aurons également des coûts supplémentaires. Nous sommes dans une estimation autour de 5 millions tous les trimestres. […] Notre responsabilité ce sont les clients bien sûr mais aussi le personnel. […] Ce qui semblait une vie normale d’entreprise ou d’établissement devient un casse-tête. Nous avons refait tout le cheminement du client, tous les points de contact que nous allons avoir avec le client. Soit en essayant de les éviter au maximum, le numérique nous aide beaucoup. […]

Notre secteur pèse pour 8 % du PIB, c’est une locomotive et un fleuron industriel, nous avons une forme de leadership au niveau européen. Quelles sont vos craintes sur le cycle d’investissements, pour renouveler les produits et les adapter aux évolutions des attentes des clients ?

Frédéric le Guen : C’est un sujet majeur. Nous sommes une industrie à CAPEX très élevés, temps long et marges très faibles. Cette industrie est en plus en train de faire des pertes et de s’endetter de manière très importante pour tenir et survivre. Il y aura donc forcément un énorme ralentissement de l’investissement si rien n’est fait. Très souvent, les opérateurs en résultat net c’est 2 ou 3%. […] Si nous devions supporter six mois de loyers pendant cette période, il faudrait que toute l’entreprise travaille pendant cinq ans juste pour rembourser ces six mois de loyer. […] C’est donc un vrai sujet sur le court terme et sur le long terme. […] Il va aussi falloir travailler la demande. Nous avons réfléchi à des propositions. On peut par exemple imaginer un retour de la TVA appliquée à nos métiers de l’année prochaine. On peut facilement imaginer que le pouvoir d’achat des français ne sera pas le même. […] Pour l’offre il faut trouver un moyen de maintenir les investissements. Nous avons trois projets majeurs qui sont à l’arrêt. Sans parler de l’existant et de sa montée en gamme. Pour continuer à ouvrir, continuer à opérer dans des standards internationaux, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. S’était déjà difficile dans notre secteur car c’est très saisonnier. […] Il faut trouver des mécanismes qui vont faire que les taux de rendement attendus diminuent. Il va falloir une politique majeure des pouvoirs publics ou de leurs institutions. On pense à la BPI ou à la Caisse des Dépôts qui ont un rôle absolument déterminant dans les trois ou quatre prochaines années pour faire que l’investissement perdure.

Yann Caillère : Nous allons tous sortir rincés de cet épisode. Que ce soit à titre individuel ou au niveau des entreprises. La question pour tous dans un premier temps, sera de reconstituer son cash. Les coûts seront revus au minimum, les CAPEX seront revus. Il y a un point sur lequel il faut que nous fassions très attention, il ne faut surtout pas que l’industrie entre dans une guerre tarifaire. […] Nous allons revoir nos modes de fonctionnement. Le numérique permettra de simplifier au maximum toutes les procédures d’accueil. Il y aura un arbitrage sur le « must to have » versus le « nice to have». […] Tout le monde va faire ça, l’économie va reprendre très lentement.

Nous ne sommes pas sur des produits très haut de gamme, qui dépendent surtout d’une clientèle internationale. Eux vont souffrir énormément. […] Tout ce qui est activité MICE va également être terriblement impacté. […] Nous avons eu une première étape qui était une étape sanitaire, nous abordons maintenant une étape sanitaire et économique, nous aborderons après l’économique.

Le gouvernement a réagi très vite de manière dynamique. La deuxième étape, il ne faut pas s’imaginer que dès que ça repart la crise est derrière nous. Pour mémoire, après la guerre du Golfe dans les années 1990, nous avons mis 7 ans à récupérer le RevPAR de Mercure. Suite au 11 septembre, l’hôtellerie américaine a mis pratiquement huit ans pour retrouver ses niveaux de RevPAR. […] On ne peut pas dire que nous sommes entrés dans une guerre et ne pas mettre en place une économie de sortie de guerre. […] La particularité de notre secteur, c’est que le produit qui n’est pas vendu aujourd’hui, je ne pourrai pas le vendre demain. Toutes les journées perdues, le sont définitivement. […] En ce moment, nous avons zéro chiffre d’affaires. Le doute qui s’installe pour nous, s’installe aussi pour nos équipes. C’est extrêmement stressant. Il y a une catégorie de gens qui sont surchargés, il y a ceux qui sont dans l’inaction et qui attendent. Nous sommes dans un environnement général anxiogène.

Frédéric le Guen : C’est également dur chez nous. Les équipes de villages de vacances aiment profondément les gens. C’est pour ça qu’ils font ce métier. […] Ils sont profondément affectés dans leurs émotions. Ce sont des gens qui bossent avec leurs tripes, qui prennent leur énergie à travers le lien avec les gens. […] C’est profondément un mal être terrible pour eux. On essaie de garder contact le plus possible avec eux et de leur donner du courage. Nous avons fait des actions de solidarité ce qui est important pour eux. C’était aussi important pour nous en tant qu’entreprise. […] Pour tout séjour qui sera réservé pour cet été, une partie sera reversée à la Fondation des Hôpitaux de France. […]

Yann Caillère : Ils ont le stress lié à leur activité professionnelle, mais aussi le stress personnel. Certains dans dans nos équipes ont eu le Corona virus, tout le monde aujourd’hui connaît quelqu’un qui l’a. […] On sent aujourd’hui une vraie volonté d’entraide. Les gens sont dans les starting-blocks. […] Beaucoup de gens se réalisent par leur travail.

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