France : Vers un repli de l'activité brutal au T4 mais moindre que durant le premier confinement

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Publié le 12/11/20 - Mis à jour le 17/03/22

Woman coming out of the subway

Dans notre précédente note macrospitality[1] publiée fin octobre, nous anticipions déjà pour le quatrième trimestre une contraction de l’activité dans le secteur des services, à l’image de l’hôtellerie, et plus globalement de l’économie française. Le durcissement des mesures de restriction dans les grandes métropoles a eu un impact immédiat dans un contexte où les entreprises ont montré dès le mois de septembre qu’elles ne pourraient pas prendre le relais des ménages dans la phase actuelle de reprise économique. Même si un durcissement des contraintes était à attendre, l’annonce du second confinement a été plus brutale que prévu en raison d’une détérioration extrêmement rapide de la situation sanitaire.

Cette analyse est également consultable sur https://www.christophe-barraud.com/france-repli-activite-brutal-t4-2020

Les premières données d’ores et déjà disponibles pour le mois de novembre confirment que l’activité va reculer significativement mais dans des proportions moindres que durant le premier confinement, dans le secteur de l’hôtellerie comme dans l’ensemble de l’économie. La réelle difficulté consiste désormais à se projeter au-delà du mois de novembre. Selon les experts sanitaires, il apparait qu’un confinement de quatre semaines ne sera pas suffisant. Même si le mois de décembre ne constitue pas un mois décisif pour l’activité hôtelière à l’échelon national3, il est particulièrement important pour les ventes au détail. Chaque semaine supplémentaire de confinement aura un impact exponentiel sur le PIB du 4ème trimestre. Ainsi, selon nos estimations, ce dernier devrait se contracter de l’ordre de 7% en rythme trimestriel si un relâchement des contraintes sanitaires intervient mi-décembre. Autrement, ce chiffre devra être revu en baisse.

I-IMPACT DU CONFINEMENT SUR L’HÔTELLERIE EN FRANCE & EN EUROPE

Avant le confinement qui y a été déclenché dans la nuit du 29 au 30 octobre 2020, dans le secteur hôtelier la France faisait preuve d’une meilleure résilience par rapport aux autres pays européens comme l’illustre le graphique ci-dessous.

EVOLUTION DU REVENU PAR CHAMBRE DISPONIBLE (REVPAR) EN 2020 EN EUROPE, PAR PAYS (Evolution exprimée en % par rapport au même jour de l’année 2019)

EVOLUTION DU REVENU PAR CHAMBRE DISPONIBLE (REVPAR) EN 2020 EN EUROPE, PAR PAYS (Evolution exprimée en % par rapport au même jour de l’année 2019)
Sources : christophe-barraud.com, MKG Consulting – 11/2020

Ce phénomène s’expliquait :

  1. par la chute plus limitée de son RevPAR (Revenu par chambre disponible) en Province, et
  2. par la meilleure résilience des gammes hôtelières budget & économique (dont le poids dans le parc hôtelier est plus important en France que dans les autres pays) :

EVOLUTION DU REVENU PAR CHAMBRE DISPONIBLE (REVPAR) EN 2020 EN FRANCE, PAR GAMME (Evolution exprimée en % par rapport au même jour de l’année 2019)

EVOLUTION DU REVENU PAR CHAMBRE DISPONIBLE (REVPAR) EN 2020 EN FRANCE, PAR GAMME (Evolution exprimée en % par rapport au même jour de l’année 2019)
Sources : christophe-barraud.com, MKG Consulting – 11/2020

EVOLUTION DU REVENU PAR CHAMBRE DISPONIBLE (REVPAR) EN 2020 EN FRANCE, PAR ZONE (Evolution exprimée en % par rapport au même jour de l’année 2019)

EVOLUTION DU REVENU PAR CHAMBRE DISPONIBLE (REVPAR) EN 2020 EN FRANCE, PAR ZONE (Evolution exprimée en % par rapport au même jour de l’année 2019)
Sources : christophe-barraud.com, MKG Consulting – 11/2020

Mais, depuis la mise en place du confinement, la France est rentrée dans le rang et la chute de son RevPAR s’est accentuée. Alors que la baisse oscillait entre -45% et -60 % par jour à la fi n du mois d’octobre, au 1er novembre elle a atteint 82% par rapport à son niveau de 2019, et semble désormais se stabiliser autour de -75% à -80% par jour.

L’impact de ce second confinement est donc marqué, même si l’activité des hôtels semble tout de même emprunter un chemin moins laborieux qu’en avril, mois pendant lequel le revenu par chambre avait en moyenne reculé de 96,5% par jour.

Cet impact du 2nd confinement a été particulièrement perceptible en Province, où l’hôtellerie a vu son revenu par chambre chuter de -35% à date du 29 octobre à -65% à partir du 2 novembre. A Paris, où l’activité hôtelière perdait déjà plus de -80% par jour en octobre, le passage en-deçà du seuil de -90% par jour en novembre a logiquement enclenché une nouvelle vague de fermetures d’hôtels.

II-IMPACT IMMÉDIAT DU CONFINEMENT SUR L’ENSEMBLE DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

La résilience de l’activité hôtelière par rapport au premier confinement illustre une tendance plus générale qui a également été observée sur les données de mobilité mises à disposition par Apple. Ces dernières ont mis en exergue un retour au niveau de début mai (début du déconfinement).

APPLE : INDICES DE MOBILITÉ

APPLE : INDICES DE MOBILITÉ
Sources : Apple, christophe-barraud.com, MKG Consulting – 11/2020

Dans ce contexte, selon la première estimation de la Banque de France, « la perte de PIB pour une semaine-type d’activité (par rapport au niveau normal d’avant la pandémie) serait de –12 % en novembre, contre –4 % en octobre mais –31% en avril ».

BANQUE DE FRANCE : INDICE D’ACTIVITÉ PAR RAPPORT AU NIVEAU NORMAL D’AVANT LA PANDÉMIE

BANQUE DE FRANCE : INDICE D’ACTIVITÉ PAR RAPPORT AU NIVEAU NORMAL D’AVANT LA PANDÉMIE
Sources : Banque de France, christophe-barraud.com, MKG Consulting – 11/2020

Cette contraction de l’ensemble de l’économie moins marquée que celle observée en mai (-17%), s’explique par plusieurs facteurs :

  1. les mesures de protection sanitaire mises en place depuis plusieurs mois ont permis d’assurer la poursuite du fonctionnement des sites industriels et des chantiers dans le bâtiment
  2. la généralisation du télétravail a facilité la résilience des services aux entreprises
  3. le maintien d’activité dans les services publics
  4. la résilience de la croissance mondiale avec une demande toujours robuste en provenance d’Asie,
  5. le niveau modéré des défaillances d’entreprises

Même s’il faut rester très prudent, l’estimation de la Banque de France de -12% (par rapport au niveau normal d’avant la pandémie) pour le mois de novembre semble cohérente avec d’autres indicateurs que nous suivons notamment le trafic autoroutier, aéroportuaire ou encore la consommation d’électricité.

III-FOCUS SUR LE MOIS DE DÉCEMBRE

Pour l’hôtellerie française, les mois de novembre et décembre sont généralement des mois de faible activité, qui ne représentent respectivement que 7,6% et 6,9% du chiffre d’affaires annuel. Cependant, il existe des nuances locales importantes comme nous pouvons le voir ci-dessous.

PART DES MOIS DE NOVEMBRE ET DÉCEMBRE DANS LE CHIFFRE D’AFFAIRE ANNUEL DE L’HÔTELLERIE FRANÇAISE, PAR TYPE D’ESPACE ET PAR AGGLOMÉRATION (en % moyen du Revenu par chambre Annuel sur la période 2016-2019)

PART DES MOIS DE NOVEMBRE ET DÉCEMBRE DANS LE CHIFFRE D’AFFAIRE ANNUEL DE L’HÔTELLERIE FRANÇAISE, PAR TYPE D’ESPACE ET PAR AGGLOMÉRATION (en % moyen du Revenu par chambre Annuel sur la période 2016-2019)
Sources : christophe-barraud.com, MKG Consulting – 11/2020

C’est notamment le cas de la montagne, où le mois novembre est marginal (0,8% du CA annuel) mais où le mois de décembre est particulièrement important (15% du CA annuel) : cela correspond au début de la saison hivernale et à l’ouverture des stations de skis puis aux vacances d’hiver, notamment durant la deuxième quinzaine de décembre. Plus spécifiquement, la semaine de Noël au Nouvel An (du 25 au 31 décembre), représente à elle seule près de la moitié du CA mensuel soit 7,4% du CA annuel de l’hôtellerie de montagne.

La dernière semaine de décembre est aussi d’habitude un peu plus active que le reste du mois dans les hôtels parisiens grâce à la demande de clientèles internationales, mais du fait des restrictions de mobilités celles-ci seront cette année moins susceptibles de venir y séjourner. Cela dit, le mois de décembre dans son ensemble reste globalement peu important pour l’hôtellerie de la capitale (7,6% du CA annuel).

En revanche, décembre est d’ordinaire un mois qui compte à Lyon (8,2% du CA annuel) et surtout à Strasbourg (14%), mais moins pendant les vacances de Noël qu’au cours de la première quinzaine de décembre. Cela s’explique par l’activité évènementielle qui d’ordinaire y est riche à cette période, avec notamment à Lyon la Fête des Lumières et Pollutec (un salon professionnel biennal), et à Strasbourg les marchés de Noël qui se cumulent aux sessions du Parlement Européen.

Ces deux métropoles seront donc plus particulièrement touchées par le 2ème confinement aujourd’hui à l’oeuvre, tandis que l’impact sur l’hôtellerie sera plus modéré dans les villes littorales comme Marseille et globalement la Province dans son ensemble, car pour les hôtels la haute saison y est plutôt centrée sur les beaux jours et les périodes d’activité d’affaires. En revanche, pour l’économie et particulièrement pour les ventes au détail, décembre est un mois d’importance critique.

Selon une étude publiée par l’Insee l’année dernière5, « avec les fêtes de fin d’année, décembre est le mois le plus important ». Concrètement, en 2018, il représentait « 10 % des ventes en volume du secteur, une part stable au cours des dernières années ». Néanmoins, certains segments sont beaucoup plus exposés, à l’image des magasins de jeux et jouets (28% en 2018).

INDICES MENSUELS BRUTS DE VOLUME DES VENTES DANS LE COMMERCE DE DÉTAIL ENTRE 2016 ET 2018

INDICES MENSUELS BRUTS DE VOLUME DES VENTES DANS LE COMMERCE DE DÉTAIL ENTRE 2016 ET 2018
Sources : DGFiP, calculs Insee, christophe-barraud.com, MKG Consulting – 11/2020

Dans ces conditions, les mesures actuelles de restriction auront un impact plus important sur l’économie à partir du mois décembre et si elles sont maintenues au-delà de mi-décembre, tout phénomène de rattrapage sera minoré, ce qui conduira à de nouvelles révisions à la baisse des perspectives pour le 4ème trimestre.

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1https://www.christophe-barraud.com/france-vers-une-rechute-de-la-croissance-au-quatrieme-trimestre

3Ce constat n’est pas forcément vrai dans certaines régions fortement dépendantes de la saison de ski.

Ce document est une note de conjoncture donnant un avis sur l’orientation de la tendance économique. Elle présente un regard croisé sur les perspectives macroéconomiques et celles de l’industrie touristique à travers l’analyse de ses deux auteurs, bénéficiant d’expertises solides et reconnues ainsi que d’indicateurs spécifiques et exclusifs.

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