Diplômée d’école de commerce, spécialiste du conseil en stratégie, Sophie Flak est arrivée au développement durable via l’innovation considérant que s’ouvrait à elle un vaste champ d’expérimentation et de remise en cause des pratiques habituelles. Avec des résultats mesurables.
Peut-être, mais on voit aussi que c’est une approche qui génère la création de nouveaux métiers pour analyser, piloter des actions, allouer des ressources et se préparer aux réglementations spécifiques ou taxes carbone. Il y a donc encore des missions à poursuivre.Dès 1994, le groupe Accor s’est impliqué dans une démarche de développement durable qui s’inscrit désormais dans un programme élaboré de CSR ou Responsabilité sociale de l’entreprise, qui comporte deux volets distincts et complémentaires, un aspect sociétal qui concerne toutes les actions menées par le groupe pour la lutte contre le tourisme sexuel, contre les maladies, en faveur du développement local (notamment grâce au commerce équitable) ; et un aspect environnemental qui englobe toutes les actions de maîtrise des consommations d’énergie, et d’eau, de gestion des déchets et de la protection de la biodiversité… C’est une démarche globale qui s’appuie sur trois piliers, trois P indissociables : People, Planet, Profit.Il peut paraître étrange que vous associez la notion de profit à une démarche de l’ordre de l’humanitaire…Je ne crois pas aux «coups» de communication en matière de développement durable. Ce que nous avons entrepris en matière de commerce équitable, de plantation d’arbres, de formation des communautés et de notre personnel… ne peut s’inscrire que dans la durée, au moins à 5 ou 10 ans, et peut donc s’avérer pérenne parce que les actions intègrent une dimension économique solide. C’est sans doute plus délicat lorsque l’on touche l’aspect sociétal ou la formation, mais chaque projet donne lieu à un chiffrage avec des objectifs et une forme de business plan qui garantit qu’il ne sera pas remis en question au moindre coup de grisou.Votre rattachement à la direction des Ressources humaines ne limite-t-elle pas la portée de vos actions ?La direction du Développement durable est effectivement rattachée aux Ressources humaines. Le sujet est ainsi représenté au sein du Comité exécutif du groupe. Notre vision dépasse cependant ce cadre : le rôle de la Direction Développement Durable est de contribuer à préparer l’hôtellerie du futur, en recherchant de nouveaux modèles économiques qui permettent un progrès continu et partagé. Nous agissons de manière extrêmement transversale dans l’entreprise. Nous travaillons en étroite collaboration avec les services techniques pour faire des expérimentations, en matière de compostage par exemple, de construction naturellement. Sur les sujets environnementaux, nous sommes en permanence en recherche de solutions pour réduire noter empreinte et neutraliser les coûts. Nous sommes en liaison étroite également avec les enseignes pour leur démarche propre, et avec les opérations. … La mesure de vos actions donne-t-elle lieu à une évaluation ?Nous sommes tenus de faire un reporting sur les plans mis en œuvre qui impulsent la politique du groupe. Ce rapport est audité et les résultats publiés en toute transparence. Dans le dernier rapport, nous avons comparés nos résultats aux ambitions affichées entre 2006 et 2010. Sur le bon côté des choses, nous avons aujourd’hui 85% de nos établissements filiales équipés en ampoules basse consommation, 116 établissements équipés de panneaux solaires, 1 100 hôtels proposent des produits bio et nous sommes passés en cinq ans de 187 tonnes à 335 tonnes de produits du Commerce équitable distribuées par an en France. Nous avions espéré baisser la consommation globale d’eau de 10% en cinq ans et nous sommes arrivés à 12% avec 93% des hôtels filiales équipés de réducteur de débit. Du côté des déceptions, nous étions bien partis pour réaliser les 10% d’économies en énergie sur cinq ans et la seule année dernière a fait déraper la performance énergétique en raison des longues périodes de grand froid. Nous n’atteignons que 5,5% de réduction ce qui est une déception. Pour autant, nous affinons notre outil de pilotage pour identifier ce qui est de notre responsabilité et ce qui tient à des perturbations climatiques difficiles à maîtriser. Enfin, nous poursuivons la certification de notre réseau. 12% de nos hôtels sont déjà certifiés EarthCheck ou ISO 14001, les deux programmes de certification que nous avons retenus. L’objectif est d’atteindre 70% de certification en 2015 et 100% pour Novotel qui fait figure de pionnier en la matière, tout comme Ibis.Et sur le plan sociétal, le bilan peut-il être chiffré de la même façon ?Ce sont des actions d’une autre nature. Nous sommes très engagés dans la lutte contre le tourisme sexuel avec l’ONG Ecpat. Nous avons mené des formations dans 33 pays au lieu de 16 en 2006 et nous sommes passés de 2 000 à 10 000 collaborateurs formés chaque année. Dans la prévention contre les épidémies, nous atteignons aussi le chiffre de 40 000 collaborateurs formés sur la période. C’est une expertise que nous souhaitons partager largement avec les autres chaînes hôtelières. Eviter la prostitution enfantine dans nos hôtels n’a pas de sens si elle se pratique dans les autres hôtels de la station touristique. Nous cherchons à boucler la boucle en insérant les enfants menacés dans des programmes d’accès à l’éducation, qui peuvent finalement les conduire à travailler dans l’hôtellerie, en leur offrant un autre avenir. C’est pour cela que nous avons coopéré avec la Direction française de la coopération internationale de police, avec les ONG pendant la Coupe du monde en Afrique du Sud et que nous ferons de même au Brésil pour la Coupe de football et les Jeux olympiques. Pour les années à venir, nous irons encore plus loin dans la promotion d’une alimentation équilibrée et responsable dans nos établissements.Comment réagit la clientèle à ces actions ? Lui offrez-vous à bon compte une possibilité de se déculpabiliser ou vous suit-elle au-delà de vos recommandations ?J’aurai l’occasion de vous répondre bientôt plus en détail car nous venons de mener la première grande enquête mondiale sur le sujet et nous finalisons les résultats. Mais il ressort à l’évidence que le développement durable est intégré comme un élément important de la consommation et du choix des consommateurs.Considérez-vous que votre mission sera réussie quand votre direction aura disparu parce que l’approche en développement durable aura été intégrée dans toutes les dimensions de gestion d’un groupe comme Accor ?