Bruno Desloques : « La difficulté pour nos clients est que nous vivons dans un monde de plus en plus incertain »

8 min de lecture

Publié le 21/02/23 - Mis à jour le 23/02/23

Bruno Desloques SEMEC

Bruno Desloques a pris la direction générale de la SEMEC en juillet 2022. Il a quitté le plus grand centre de conférence et des congrès de France pour venir diriger un établissement iconique. Retour sur son parcours et ses ambitions aux côtés des équipes de la SEMEC.

Un chemin progressif vers l’événementiel

Cela fait 8 ans seulement que je travaille dans le secteur de l’événementiel. Je viens du secteur de l’exploitation technique. Mon cursus d’ingénieur m’a permis de travailler dans la grande distribution dans un premier temps puis dans le secteur du retail pour une foncière. La foncière hollandaise Rodamco a rejoint le groupe Unibail Rodamco en 2007 où j’ai pris la direction régionale d’exploitation technique. J’avais en charge un tiers des centres commerciaux du groupe. Je voyageais sur tout le territoire français entre 3 et 4 fois par semaine.

Au début des années 2010, Unibail Rodamco était prestataire de l’exploitation des sites pour Viparis. J’ai donc pris en charge tout le portefeuille congrès et événement de Viparis. Christophe Thomas, qui était déjà directeur des opérations de Viparis, est venu vers moi en m’invitant à venir travailler côté production.

J’y ai vu une opportunité professionnelle à double titre. Changer complètement de paradigme en devenant un centre de profit après avoir été un centre de coûts, mais également changer de secteur d’activité pour entrer dans le monde de l’événementiel. Sans oublier que quand on est directeur de site, on a une casquette d’exploitant, je ne m’éloignais donc pas de trop des postes que j’avais pu occuper plus tôt. En 2014 j’ai pris la responsabilité d’exploiter le Palais des Congrès de Paris au sein de la direction des opérations. En 2016 il m’a été demandé de fusionner les directions opérations et infrastructures du site. Ce fut l’un de mes plus beaux projets professionnels et c’est une organisation qui perdure.

J’ai souhaité ajouter la corde des grands événements à mon arc et notamment les parcs d’exposition. Je suis donc arrivé à la tête de Paris Nord Villepinte et Paris Le Bourget avec ici également un projet de réorganisation. J’ai connu là-bas une autre aventure qui est celle d’accueillir entre 200 000 et 300 000 personnes sur 260 000 m². Toutefois, dans le monde des grands événements, les prestations sont limitées et il a peu de possibilités pour aller chercher une activité économique optionnelle.

Vers une nouvelle vie

Quand on m’a approché pour prendre la direction générale du Palais des festivals, j’y ai vu une opportunité et j’ai senti que c’était également le bon moment. Après avoir été patron du Palais des Congrès de Paris et du plus grand parc d’exposition français, vous vous interrogez sur votre devenir professionnel qui devait de mon point de vue être une fonction de direction générale sur un site iconique.

Je me suis engagé dans la démarche de recrutement avec l’approbation de ma femme et j’ai eu la chance d’être le candidat retenu. C’est avec beaucoup de fierté que j’ai rejoint les équipes de la SEMEC et du Palais des Festivals et des Congrès de Cannes. J’ai ainsi signé ma promesse d’embauche et suis allé à Cannes en famille très rapidement pour mieux m’imprégner de la destination. J’ai eu un très grand moment d’émotion quand je me suis mis debout sur les marches. C’est un moment qui reste gravé en moi. C’est pour moi une très grande fierté qui s’ajoute à celle d’être le candidat qui a été retenu pour ce poste.

Je connaissais bien sûr Cannes et les événements que la destination accueille au-delà du festival du film. J’avais des clients communs aux événement cannois.

Ce que j’ai par contre découvert à mon arrivée, c’est la notion de destination. C’est une force absolue que Cannes a. Nous sommes tous derrière la destination. La ville et tous nos partenaires, professionnels de la destination. Hôteliers, taxis, restaurateurs, plagistes… nous sommes tous derrière cette même ambition pour la destination Cannes. C’est unique et cela n’existe pas à Paris dans cette dimension. J’ai découvert une destination unie et une qualité d’accueil extraordinaire.

Une destination tournée vers la RSE

C’est l’initiative de notre président Jean-Michel Arnaud avec le souhait de transformer les statuts de l’entreprise pour devenir société à missions. C’est un travail qui a débuté il y a un peu plus de deux ans et les choses se sont concrétisées en fin d’année. C’est un réel enjeu pour le Palais des festivals mais également pour la destination. Le Palais des Festivals est une locomotive économique mais doit également être une locomotive sur les bonnes pratiques et servir d’exemple.

Sur la notion de destination éco-responsable il y a un vrai enjeu puisqu’il arrivera un jour, pas si lointain, où les visiteurs feront le choix de ne pas se rendre dans certaines destinations qu’ils jugeront pas assez vertueuses. Idem pour les événements. Il peut également y avoir des partenaires ou exposants qui ne voudront pas être associés à l’image d’une destination qui n’est pas durable.  Notre responsabilité, vis-à-vis de la destination mais également de la planète, est donc de prendre ce virage. C’est essentiel et doit être fait sous peu.

Au Palais des Festivals la démarche a été initiée avant mon arrivée. Fin d’année 2022 nous avons ancré dans l’ADN de l’entreprise la mission qui est d’Accueillir durablement le Monde. Aujourd’hui Cannes se qualifie comme un village mondial. Cette mission est articulée autour de trois piliers :

  • Connecter (connecter les gens entre eux)
  • Prendre soin (en interne et en externe)
  • Révéler (notamment des talents, 80% des événements que nous accueillons révèlent des talents.)

Nous avons également engagé une démarche de certification ISO 20121 que nous avons obtenue en fin d’année pour de l’événementiel durable. Nous avons aussi engagé une démarche pour être labellisés destination innovante et durable et serons prochainement audités. Ce qui est intéressant dans cette démarche, c’est qu’il n’y a pas que nous. Nous intégrons nos parties prenantes. Par exemple certains hôtels vont être associés à la démarche qui rayonnera progressivement sur l’ensemble de la destination. L’une de nos force pour ces aspects éco-responsables est qu’à partir du moment où vous avez déposé vos valises à Cannes, vous faites tout à pied.

Très concrètement, depuis le 1er janvier, le Palais des Festivals est alimenté par une électricité 100% hydraulique. Cela représente un surcoût non négligeable mais cela vient apporter des preuves à nos engagements. Nous avons en parallèle mis en place une politique de sobriété énergétique. Ainsi avant chaque début d’événement, nous nous réunissons avec nos clients pour les sensibiliser à ces sujets. Nous leur expliquons par exemple que nous mettrons en route la climatisation 1 heure avant l’arrivée des visiteurs, nous échangeons également avec eux sur les heures auxquelles allumer et éteindre les éclairages…

Nous sommes également engagés dans le projet PRIME de protection de la Posidonie en Méditerranée. Nous avons également demandé à tous nos clients de s’engager sur ce projet qui est aussi porté par la Fondation Cannes. Nous avons choisi ce projet car la Posidonie est un gros capteur de CO2.

Les ambitions 2023

L’année dernière nous avons renoué avec un résultat positif. J’ai pour ambition de pérenniser cela. Nous travaillons tous au quotidien pour faire en sorte que le résultat soit positif en fin d’année.

Nous continuons également à travailler sur notre force qui est la coactivité. Par exemple le 9 février, nous inaugurions le World AI Cannes Festival, nous avions au niveau -1 le Forum pour l’emploi, nous avions également dans le Grand auditorium deux projections en avant-première mondiale du nouveau film de Jason deCaires sur les statues immergées au large des îles de Lérins. Nous avions également une équipe à Genève qui faisait la promotion de la destination auprès de clients suisses. Ce même jour nous resignions aussi la charte sur la diversité. Tout ceci n’est possible que grâce aux équipes. C’est l’occasion pour moi de leur rendre hommage car cette coactivité implique un travail considérable. Cela ne serait pas possible s’ils n’étaient pas aussi investis dans leur travail.

Les gros enjeux sont ensuite dans l’incubation de nouveaux événements. Nous espérons que ces événements seront les MIPIM de demain. Nous avons déjà pu constater qu’un événement a un cycle de vie. Il nait, il grandit, devient gros voire très gros pour peu que l’on ait pris les bonnes options et les bonnes décisions, il peut aussi devenir leader sur son marché et ensuite le secteur d’activité passe à autre chose. Notre mission est d’aller incuber des événements qui sauront les remplacer demain. A l’image du World AI Cannes Festival ou encore du MIDEM que nous allons reprendre en 2023 alors qu’il était à l’arrêt depuis 2019.

Les relations avec nos clients et partenaires sont bonnes. Tout le secteur d’activité événementiel a grandement souffert. Nous sommes je pense parmi les secteurs d’activité qui ont le plus souffert durant la pandémie. Sous couvert du Revenge Travel, nous avons eu la chance d’avoir une année 2022 extraordinaire pour tous nos clients, et tous nous le disent.

Pour 2023, nous sommes sur une année de vigilance car le contexte économique pourrait laisser entendre un ralentissement ainsi que le contexte diplomatique. Il est certain que nous manquons de visibilité. La difficulté pour nos clients est que nous vivons dans un monde de plus en plus incertain. Il leur faut appréhender ces incertitudes. Face à la montée des conflits sociaux, c’est un atout d’être à Cannes, loin des épicentres des manifestations et sans trop d’impact sur des grèves de transports.

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