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Portrait de Philippe Renard, Chef des cuisines au Lutétia Paris: La gourmandise du Renard rouge

7 min de lecture

Publié le 28/09/10 - Mis à jour le 17/03/22

• Depuis 1991, Philippe Renard est le Chef des cuisines du Lutétia Paris, une longévité qui lui a permis de donner une âme gourmande à cette restauration mise au diapason de l’esprit de St-Germain. • Derrière le Chef attentif aux évolutions des goûts, des saveurs et désireux de partager le plaisir d’une cuisine bourgeoise revisitée, se cache un père de famille présent régulièrement dans les écoles, qui considère les enfants comme les ambassadeurs de demain. •Avec en permanence une dizaine d’apprentis dans la brigade et 5 ou 6 stagiaires dans le département Restauration, Philippe Renard privilégie la transmission du savoir autour d’un système organisé de parrainage.

La première chose qui frappe dans le petit bureau du Chef des cuisines du Lutétia, à deux pas des fourneaux, c’est ce grand tableau, une tête de renard rouge, offert à Philippe Renard par son ami, Thierry Bisch, peintre animalier, et qui domine sa table de travail. Il l’aime et l’admire ce renard rouge, espèce désormais protégée, qu’il a adopté définitive­ment comme mascotte et étendard. Dans quelques semaines, les assiettes du restaurant l’afficheront en déclinaison autom­nale et sa veste de Chef s’ornera de la figure du goupil, animal rusé qui s’est adapté à la vie urbaine, curieux et un rien charognard, lais­sant place nette derrière lui.-*1974-1976 : apprenti au restaurant Lefebvre Louveciennes -*1976-1978 : commis au Grand Hôtel Café de la Paix -*1979-1981 : Chef de partie au Mayflower Paris VIIe -*1981-1989 : Chef des cuisines au Sofitel Sèvres -*1989-1990 : Chef des cuisines au Sofitel Invalides -*1990-1991 : Chef des cuisines en charge de la restauration au Scribe Paris -*1991 : Chef des cuisines en charge de la restauration au Lutétia ParisLe parcours de Philippe Renard tranche un peu par rapport à ceux de ses confrères étoi­lés Michelin, chefs itinérants de palace en palace. Lui joue plutôt la fidélité à une famille Taittinger, qui lui a confié les clés des cuisines du Lutétia il y a vingt ans, et à une Rive Gauche dont il apprécie l’atmosphère, la culture et l’envie de dévorer. “La Rive Gauche a toujours été celle des bons repas où les différences d’estompent entre hommes politiques, écrivains et artistes. On y aime la bonne nourriture bourgeoise, revisitée et allégée pour être dans l’air du temps, mais toujours généreuse et inventive. C’est là qu’on vient s’encanailler et s’amuser autour de la table. On y parle plus de la vie, de la littérature que des cours de la Bourse et des résultats des entreprises”, explique Philippe Renard qui jure qu’il ne retournera pas sur la Rive Droite. “Chef des cuisines du Scribe, j’ai bien vu comment les repas d’affaires étaient expédiés sans plaisir évident. Ici, je peux faire une cuisine gourmande et j’ai institué le principe du demi met, qui permet, sans faire de tort à son régime, de prendre entrée, plat et dessert pour le plaisir d’un repas complet et équilibré”.Bon sang ne saurait mentir. On voit mal com­ment il pourrait en être autrement connais­sant le parcours du jeune Philippe, élevé dans une grande famille bretonne qui ne concevait pas les repas autrement que tous réunis autour de la même table, ali­mentée généreuse­ment par une grand-mère cuisinière hors pair. “Ma grand-mère me réservait le privilège de goûter tous ses plats en premier”, se souvient le Chef qui est poussé naturellement dès 15 ans vers le lycée hôtelier. Il enchaîne ses premiers postes d’apprentis et de commis à Louveciennes, puis au Café de la Paix à Paris, auprès de Georges Dury, chez Lameloise, Troigros, Loiseau… jusqu’à cette première étape déci­sive, Chef de partie au Sofitel Sèvres, engagé par Roland Durand, qui l’emmènera dans ses voyages autour du monde et le propulse sous-Chef. Il reste dans la famille Sofitel, nommé Chef exécutif au Bourbon, où il fré­quente les hommes politiques, puis Chef des cuisines du Scribe. On lui demande de dépas­ser son métier de cuisinier pour piloter toute la restauration, impliqué dans tous les détails de la gestion.C’est ce challenge réussi qui attire l’attention de la famille Taittinger, en quête de l’homme providentiel pour remettre d’aplomb la res­tauration un peu vacillante du Lutétia. “Je devais optimiser l’espace et les moyens humains, mettre les installations en confor­mité sans perdre d’argent. Malgré toutes les difficultés, j’ai réussi à maintenir la cohésion sociale, la qualité de service et le bon fonc­tionnement de l’établissement, même s’il a fallu faire face à une rotation des directeurs de restauration et des directeurs généraux”. Fort de cette expérience, Philippe Renard veut entretenir la stabilité au sein de la bri­gade. Il est entouré d’adjoints qui ont au moins dix ans d’ancienneté avec lui et qui constitue la colonne vertébrale d’une équipe qui peut accueillir des jeunes en formation et appelés à évoluer ensuite dans d’autres brigades. “En perma­nence, j’ai une dizaine d’apprentis avec un système de parrainage qui garantit qu’ils ne sont pas laissés à eux-mêmes. La formation et la transmission sont essentielles dans nos métiers. Il faut préparer demain”. C’est ce qui l’a conduit naturellement à s’impliquer dans la Semaine du Goût, mais une semaine qui dure toute l’année. “Je vais une fois par mois dans une école. Celle de mes enfants et de mes collaborateurs. Je les initie au goût, aux vertus du bien manger en donnant un sens concret au terme «alicament». Et puis cette année, avec le maire du VIe, nous avons fait venir une centaine de jeunes des écoles dans les salons du Lutétia avec un grand buffet pour leur donner du plaisir tout en les éduquant. J’ai instauré un Casse-croute des Galopins à la Brasserie, gratuit pour chaque enfant accompagné d’un adulte pour le faire venir au restaurant. Ce sont nos ambassa­deurs pour notre activité de demain”. Le rusé Renard, solitaire dans sa quête, révèle aussi une face cachée, celle d’un homme attentif aux autres. D’abord dans sa corporation, comme vice-président des Cuisiniers de France, organisant le foyer des jeunes, la retraite des anciens et la gestion du patrimoine. Mais au-delà en se mettant au service d’œuvres caritatives, à travers le Restaurant de l’Espoir, 800 couverts au profit de la lutte contre la mucoviscidose à l’appel de l’un de ses collaborateurs atteint par cette terrible maladie, mais aussi en organisant le dîner de gala de Care… “Comment voulez-vous faire de la belle et de la bonne cuisine si vous n’êtes pas géné­reux”, résume t-il tout simplement. Cette géné­rosité le conduit à voya­ger beaucoup. “Je veux aller sur place voir comment vivent et goû­ter ce que mangent les clients que je vais rece­voir à l’hôtel. Je leur dois ce respect pour leur culture. Je ne vais surtout pas chercher à faire de la World Cuisine, mais plutôt à adapter ma cuisine bourgeoise avec un clin d’œil sur un produit, une épice, une cuisson… ”.La curiosité du Renard rouge et le contexte de la Rive Gauche l’ont conduit à accepter la présidence du prix littéraire Antonin Carême, un prix dédié à la cuisine et sa mise en valeur par le livre. “Je lis environ 80 livres par an, ce qui m’ouvre l’esprit et m’oblige aussi à me remettre en question en permanence”. A 51 ans, dont une vingtaine au Lutétia, Philippe Renard attend aujourd’hui avec impatience de voir son hôtel magnifié par ses nouveaux propriétaires pour en faire l’adresse incontournable de St-Germain.Philippe Renard en quelques dates...

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