En octobre prochain, derrière les murs de la prison des Baumettes à Marseille s'installera un site unique en France : Les Beaux Mets, le tout premier restaurant semi-gastronomique en milieu carcéral, accessible au public, et géré par les détenus.
Organisé par l'administration pénitentiaire à travers sa structure d'accompagnement vers la sortie (SAS) aux côtés de l'association Festin, engagée en faveur de l'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté, ce nouveau lieu vise à permettre la réinsertion des détenus à la fois à la vie sociale et au monde du travail. De longs travaux de rénovation et d'aménagement ont été entrepris pour transformer le deuxième étage d'un bâtiment, dernier vestige des Baumettes historiques, en un restaurant à part entière.
Le concept architectural a été conçu par le cabinet d'architecture « Rougerie + Tangram » et le studio « Mai Atelier ». Le restaurant de 100 m2 avec une capacité d’une quarantaine de couverts, vise à exprimer la transition entre l'enfermement et l'ouverture. C'est à travers le décor, le choix des matériaux, des formes et des couleurs que celui-ci se transforme d'un lieu froid, sombre, rigide et droit en un espace fluide, ouvert et éclairé qui prépare le passage à la liberté.
Aux commandes de la cuisine, Sandrine Sollier, qui a précédemment travaillé chez Passédat, restaurant trois étoiles au Michelin, a imaginé des recettes bistronomiques aux saveurs méditerranéennes. Le menu se compose de trois entrées, trois plats et trois desserts qui changeront tous les six mois. On y retrouve une variété de créations culinaires préparées avec des produits frais, locaux et de saison.
Afin de favoriser les circuits courts, les fruits et légumes du potager du SAS seront cultivés par les détenus en collaboration avec l'association Graines de Soleil, qui œuvre pour la réinsertion sociale et professionnelle à travers des projets de jardinage.
La valorisation et la formation des détenus sont au centre du projet. Une équipe de 13 prisonniers accompagnée de trois encadrants techniques et d'un conseiller en insertion professionnelle sera organisée en deux groupes. D'une part, en cuisine pour la réalisation des plats et d'autre part, en salle, afin d’assurer le service.
L’objectif de ce projet est de faire connaître aux clients les rouages de l'univers carcéral et des métiers pénitentiaires tout en faisant découvrir aux détenus les métiers liés à la restauration. Il s’agit en fait de créer des passerelles pour les détenus, mais aussi pour le public. Les visiteurs doivent donc se conformer aux règles spécifiques de l'univers carcéral. Les réservations ne peuvent être effectuées qu'en ligne via un site dédié, les pièces d'identité et casier judiciaire seront contrôlés à l'entrée, les téléphones portables et la monnaie ne sont pas autorisés. Les mineurs et l'alcool sont également interdits.
Le F&B se trouve au cœur de la déconstruction de l'image de l'univers carcéral. À travers une expérience particulièrement immersive, le visiteur a le sentiment de traverser le monde pénitentiaire le temps d'un repas. Lors de ce passage éphémère, son regard sur la détention est transformé. La prison est ainsi réhabilitée par le F&B en tant que lieu d’insertion, de réflexion, d’échange de rédemption, ce qui contribue à casser son image de lieu de délinquance et de récidive.
Le F&B au-delà de son rôle social, nous incite à repenser la prison grâce à la création de lieu hybride, profitable non seulement à chacun des prisonniers, mais plus encore à l’ensemble de la société.
Si la finalité de la peine est bien la réinsertion du prisonnier, le F&B offre une possibilité inestimable pour la réaliser dans les meilleures conditions. Un restaurant peut faciliter un retour dans la vie sociale. Il est utile de savoir cuisiner. Cela permet d'acquérir des règles d’hygiène, le travail en groupe, la responsabilisation, le sens de la hiérarchie et l'organisation des tâches.