Entretien avec Anne-Cécile Mailfert présidente de la Fondation des Femmes et Brune Poirson, directrice du développement durable du Groupe Accor. Un partenariat dans la durée pour accompagner les femmes victimes de violence conjugale.
La vocation de la Fondation des Femmes
C’est la fondation de référence en France pour les droits des femmes et la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous pouvons redistribuer les dons que nous recevons partout en France. Cela peut-être des dons d’entreprises comme des nuitées d’hôtels soit ce que nous avons mis en place avec Accor.
Le dispositif Abri d’Urgence
Brune Poirson : C’est une plateforme sur laquelle nous mettons à disposition des associations qui travaillent avec la Fondation des Femmes un certain nombre de chambres. Le dispositif a pour vocation à pallier cette situation d’urgence pour des femmes qui en ont besoin mais qui n’ont pas de réponse via le 115 ou par d’autres biais. Cela permet de mettre à disposition immédiatement un logement où elles sont abritées le temps nécessaire pour ensuite s’engager dans un départ de chez elles qui soit plus long. Pendant 12 jours en moyenne, elles ont un endroit où elles peuvent être en sécurité avec leurs enfants loin de leur conjoint violent.
Anne-Cécile Mailfert : Nous sommes très fières de ce partenariat avec Accor et très heureuses de voir également que cela va se pérenniser. Pour les femmes c’est un logement immédiat, qui est partout, qui peut être de proximité. Cela peut leur éviter d’avoir à déscolariser leurs enfants. Des hôtels Accor il y en a dans toute la France, comme des femmes victimes de violences. Ce sont des hôtels dans lesquels les touristes vont.
Ces femmes qui sont victimes de violence, vont dans des endroits accueillants, où elles sont traitées comme tout le monde, elles font parties des client(e)s de l’hôtel. Elles peuvent ainsi imaginer la suite un peu plus sereinement. Quand elles partent de chez leur conjoint violent, si elles se retrouvent dans un lieu très éloigné, ou avec un public mixte sorti de prison ou en grande précarité, cela peut être effrayant.
Les résultats du programme le montrent, moins de 3% des femmes qui sont passées par un hôtel Accor, retournent chez leur conjoint violent. Habituellement, c’est une femme sur trois. En plus d’être digne et beau, nous sommes sur un dispositif qui est efficace.
Brune Poirson : Cela permet de faire la preuve que ce genre de collaboration fonctionne. En tant qu’entreprise privée nous n’avons pas vocation à nous substituer aux pouvoirs publics qui doivent s’engager encore plus largement.
Anne-Cécile Mailfert : C’est une sorte de plaidoyer par l’action. On essaie, on fait la preuve que ça fonctionne et cela donne envie aux autres de faire plus. En voyant les résultats de ce programme, l’état a augmenté les nuitées d’hébergement.
Brune Poirson : Cela souligne l’importance d’évaluer les programmes. Cela permet de nourrir les politiques publiques sur de la preuve. Notre action en tant que groupe est non seulement sur le terrain au quotidien, mais elle permet aussi de construire des programmes à plus long terme et d’embarquer d’autres entreprises privées, d’autres associations, les administrations et l’état.
C’est très fort pour le groupe de travailler main dans la main avec la Fondation des Femmes. Cela donne du sens pour tous ceux qui travaillent pour nous. C’est pour moi essentiel.
Plus largement, cela participe d’une réflexion sur l’hôtellerie qui nous différencie de certains de nos concurrents qui sont plutôt digitaux. Nous sommes sur le terrain concrètement, à accueillir toutes les personnes qui sont victimes de violence.
Nous parlons ici des femmes mais il ne faut pas oublier que pendant le Covid nous avons également travaillé avec d’autres publics. Nous voyons que ce sont des besoins qui malheureusement ne vont pas décroissants au sein de la société. Nous voulons être au rendez-vous, forts de ce que nous avons appris pendant le Covid.
Anne-Cécile Mailfert : Nous sommes dans une période très particulière où nous fêtons les 5 ans de #Metoo. Nous avons incité les femmes à parler, cela fait partie des raisons pour lesquelles il y a plus de 30% de femmes en plus qui sollicitent les associations. Nous sommes encore dans cette vague. Le groupe Accor participe de cette libération. A partir du moment où les femmes vont parler, cela va entraîner des conséquences et il faut être au rendez-vous.
C’est un engagement qui concerne les 98 femmes qui ont été hébergées depuis le début du programme en 2022 mais également plus largement, l’impact du groupe Accor est sociétal.
Quelles sont les perspectives d’accompagnement ?
Brune Poirson : Notre engagement en faveur des femmes ne date pas d’aujourd’hui. Il date de plusieurs années, avant le Covid. C’est un engagement au sein de l’entreprise pour favoriser de façon extrêmement active l’égalité femmes, hommes. Nous sommes très actifs sur le sujet. Au-delà de ça nous soutenons des associations à travers la fondation Accor Solidarity, en travaillant avec des femmes qui sont victimes de violence et qui ont des problèmes de santé avec La Maison des Femmes et dans l’urgence avec la Fondation des Femmes.
Ce que nous voulons c’est avoir une approche systémique où nous soyons à tous les niveaux. Nous influençons à la fois les politiques publiques en France mais également à l’échelle internationale en participant activement à des initiatives comme la Coalition contre les violences faites aux femmes.
Notre objectif en 2022 est d’avoir 4500 nuitées offertes, pour pouvoir accueillir 250 familles. C’est bien sûr une femme qu’on accueille mais aussi une famille.
Anne-Cécile Mailfert : L’engagement qui était bien antérieur à notre rencontre fait que le groupe Accor sait de quoi nous parlons. La violence conjugale, la violence faite aux femmes est un sujet qu’ils ont déjà travaillé en interne. Nous avons fait coïncider le métier d’Accor avec l’engagement d’Accor.
C’est un programme qui a permis de sauver des vies. Les associations sur le terrain nous le disent. C’est vraiment quelque chose d’important que nous avons fait ensemble.
Brune Poirson : Je remercie les équipes qui sont sur le terrain au quotidien. Pour à la fois convaincre nos propriétaires d’hôtels mais aussi pour se débrouiller afin de trouver une solution coûte que coûte dès qu’il y a une femme victime de violences qui arrive dans nos hôtels.
Un enjeu national qui dépasse ce partenariat
Anne-Cécile Mailfert : Toutes les femmes victimes de violence conjugale n’ont pas forcément besoin d’un hébergement. On estime qu’une femme sur six va avoir besoin d’un hébergement dans son parcours de sortie. Aujourd’hui en France, lorsque ces femmes appellent le 115, pour quatre femmes sur dix, la réponse est négative.
Mais quand une femme a pris la décision de partir, qu’elle a fait ses bagages et qu’elle a ses enfants sous le bras, si vous lui dites « revenez demain », cela peut énormément la décourager. Cela peut également la mettre en danger car quand une femme décide de partir, c’est là que le conjoint devient encore plus violent car il ne supporte pas qu’elle ait envie de partir.
Elle est en danger et elle va potentiellement perdre l’élan qu’elle avait pris dans sa décision de départ. Être présent à ce moment là et avoir ce soutien supplémentaire, c’est capital et décisif dans son parcours et nous sommes vraiment sur un besoin réel.
En France aujourd’hui, on dit à des femmes victimes de violence conjugale, il n’y aura pas de chambre pour vous ce soir. C’est insupportable pour nous. Grace à Accor, les associations qui reçoivent ces femmes n’auront jamais à dire « on n’a pas de solution pour vous ». Elles ont ce joker Accor, si elles ne trouvent pas ailleurs, elles savent qu’elles ont cette possibilité. Il y aura toujours une nuitée Accor qui va leur permettre de ne jamais avoir à dire non à une dame qui est en détresse et en danger.
Brune Poirson : Nos équipes sont mobilisées au quotidien. S’il y a besoin de parler directement avec l’association pour trouver une solution et aller au-delà de ce qui est possible. Au-delà de la plateforme, les équipes répondent aux associations et les aident autant que possible.
Anne-Cécile Mailfert : C’est un réel effort d’Accor en plus des nuitées, il y a beaucoup de sur mesure. Il y a une implication personnelle forte qui peut parfois être assez lourde, en ayant la responsabilité de trouver une chambre dans l’immédiat pour quelqu’un qui est en grand danger. C’est comme ça que l’on sent cet engagement présent en interne chez Accor.
Brune Poirson : L’hospitality c’est le cœur de notre métier. Nous avons la chance d’être une entreprise qui porte sa mission par le nom même de son secteur. Nous essayons d’aller au bout de cette mission de l’accueil et de l’hospitalité.
