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Représentation du personnel :Contestation des modalités d'élection du délégué syndical

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Publié le 21/12/10 - Mis à jour le 17/03/22

Le président du tribunal d'instance de Brest a écarté un texte de la législation française au motif qu'il était en contradiction avec les textes européens sur la liberté d'expression syndicale. Il a refusé l'application des seuils minima pour valider une élection de délégué syndical au sein d'une entreprise.

Au premier tour des élections professionnelles dans une entreprise de plus de 11 salariés, un syndicat de salariés n'a obtenu que 7 % des suffrages exprimés, tous collèges confondus. Contrairement aux dispositions du Code du travail, applicables aux élections du représentant du personnel, le syndicat a néanmoins désigné un délégué syndical, lequel a également été désigné comme représentant syndical au comité d'entreprise.A noter que la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé à deux reprises sa position sur l'interprétation des dispositions de l'article 11 IV de la loi du 20 août 2008 concernant la représentativité des organisations syndicales de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel (arrêts Cass. Soc. des 8 juillet et 21 octobre 2009). _ Affaire à suivre.Contestant la décision prise par le syndicat minoritaire, l'employeur saisit le tribunal d'instance pour faire annuler cette double désignation en se référant aux conditions posées par la loi du 20 août 2008 et l'article L. 2143-3du Code du travail concernant la désignation du délégué syndical.Devant le tribunal d'instance de Brest, le conseil de l'entreprise rappelle que suivant les dispositions des articles L 2121-1 et L 2122-1 du Code du travail, les listes déposées par les syndicats de salariés doivent obtenir au moment de l'élection au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des titulaires au comité d'entreprise pour désigner un délégué syndical (Code travail art L 2143-3).Or, contre toute attente, le Président de ce tribunal d'instance, statuant sur la légalité de la désignation par le syndicat d'un délégué syndical n'ayant pas passé la barre des 10 %, a rendu une décision particulièrement singulière.En reprenant l'argumentaire développé par l'avocat du syndicat de salariés, le juge a estimé que les articles L. 2324-2, L. 2122-1, L. 2143-3 et L. 2143-22 du Code du travail, issus de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, étaient contraires au droit communautaire et les a écartés.Dans sa décision n° 11-09-000634 rendue le 27 octobre 2009, le tribunal a rappelé les pouvoirs du juge judiciaire. S'il n'entre pas dans ses prérogatives de supprimer un texte contraire aux dispositions internationales ou aux règles communautaires, il peut, en revanche, en vertu de la primauté du droit communautaire, écarter la règle nationale. Il a jugé qu'elle était contraire à l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la liberté syndicale (CEDH), à l'article 6 de la charte sociale européenne de 1961 sur l'exercice effectif du droit de négociation collective, à la convention 98 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et à l'article 28 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.Ainsi, le magistrat estime discriminatoire et contraire aux règles communautaires l'article 2 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (dispositions relatives à la représentativité syndicale au niveau de l'entreprise et de l'établissement)…Ainsi, le tribunal a conclu en première instance que : -* l'obligation de choisir le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % est contraire à la liberté syndicale et constitue une ingérence dans le fonctionnement syndical ; -* l'obligation de recueillir au moins 10 % des suffrages exprimés a pour effet d'empêcher un syndicat de participer à toute négociation au sein de l'entreprise. Il estime que s'il s'agit d'une organisation représentative au niveau national, cette restriction n'est pas nécessaire ; -* cette restriction peut inciter les électeurs à se détourner d'un syndicat non présent déjà dans l'entreprise en l'empêchant de s'implanter, favorisant ainsi les situations acquises, voire les monopoles ; -* cette restriction peut réduire progressivement le nombre des organisations syndicales contrairement aux dispositions internationales susvisées qui tendent au contraire à favoriser la liberté d'expression, et l'adhésion à un quelconque syndicat ; -* la limitation donne prépondérance aux représentants élus au détriment de la représentation désignée, contrairement aux dispositions susvisées qui sont destinées à contrebalancer les pressions susceptibles d'être exercées sur l'électorat au sein des entreprises.Il s'agit là d'un véritable revirement. Pour les juristes spécialisés en droit du travail, il s'agit désormais de savoir la position qu'adoptera la Cour d'appel suite au pourvoi formé par l'employeur contre cette décision. “C'est stupéfiant, le Conseil constitutionnel saisi par les parlementaires, n'a pas émis d'avis contraire à la loi portant réforme de la démocratie sociale qui définit clairement les règles de représentativité syndicale au niveau de l'entreprise et pourtant, un magistrat la conteste et l'écarte dans sa décision”, a précisé l'avocat de l'entreprise.Interrogée sur cette affaire, la Direction générale du travail constate, pour sa part, “une tendance forte” des tribunaux à remettre en cause la législation française au moyen de textes internationaux. “Ce jugement met en cause les dispositions législatives récemment votées par le législateur et nous nous interrogeons si la Haute Cour de Justice validera les critères retenus par ce tribunal en matière de représentativité du personnel au sein de l'entreprise”.Quoi qu'il en soit et en attendant la décision du juge de fond en dernière instance, le ministère du Travail nous indique qu'il déposera au Parlement courant premier trimestre 2010, un projet de loi sur les moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d'y mesurer l'audience des organisations syndicales.A noter que la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé à deux reprises sa position sur l'interprétation des dispositions de l'article 11 IV de la loi du 20 août 2008 concernant la représentativité des organisations syndicales de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel (arrêts Cass. Soc. des 8 juillet et 21 octobre 2009). _ Affaire à suivre.

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