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Intervention lors de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale

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Publié le 09/04/14 - Mis à jour le 17/03/22

Georges Panayotis, président du groupe MKG, était parmi les cinq acteurs du Tourisme a avoir été entendu par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale pour inspirer les travaux des députés dans le cadre d’une réflexion sur " le tourisme français à l'épreuve de la concurrence".

L’industrie hôtelière française en quête du cercle vertueux

On a coutume de dire que la France cultive les paradoxes. Elle a tendance à dénigrer ses atouts et à négliger ses forces, tant elles semblent couler de source. Le seul mot de Tourisme, synonyme de loisirs, est presqu’indécent au regard des problèmes de restructuration industrielle, de désertification des campagnes ou d’alternative énergétique.Et pourtant, ce n’est pas faute d’aligner des chiffres qui devraient inspirer l’intérêt, voire le respect.Je ne reviendrais pas sur les 7% du PIB, les 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le million d’emplois directs, les 300 millions de nuitées marchandes des 80 millions de visiteurs étrangers qui ne demandent qu’à se multiplier, et autant de nuitées «domestiques» des Français.Alors que beaucoup de secteurs traversent une période difficile, depuis la crise de 2009, l’industrie hôtelière résiste. Elle a même progressé jusqu’à 2013 qui marque un sérieux début d’alerte sérieux.Le poids de la fiscalité, des prélèvements sociaux, les coûts exorbitants de la commercialisation, les nouvelles réglementations ont porté le coup de grâce à de nombreux comptes d’exploitation. Face à un accroissement attendu de la clientèle, la capacité hôtelière française régresse et la pénurie incite les consommateurs à se tourner vers des formes alternatives d’hébergement, dont le développement rapide n’est bénéfique ni à l’emploi, ni à la sécurité, ni aux recettes fiscales. Sans compter que cette pénurie entraîne une spirale spéculative sur les transactions immobilières.L’industrie hôtelière française souffre d’une lente érosion de son offre Depuis le point culminant de 2008, et les 672 000 chambres disponibles, toutes catégories confondues, le parc s’étiole comme peau de chagrin. Il est aujourd’hui inférieur à 635 000 chambres, soit un solde négatif net de 37 000 chambres en cinq ans, malgré l’arrivée d’une offre moderne des chaînes hôtelières, inférieure à 20 000 chambres.La disparition d’hôtels obsolètes, à la localisation décalée par rapport aux flux des clients est dans la logique des choses. Mais cette disparition touche aussi des établissements qui n’ont pas trouvé le bon modèle économique. Le maillage de la France par une hôtellerie de charme, dans les grandes régions touristiques et les centres-villes, fait partie des atouts d’une stratégie touristique nationale.Il n’en reste pas moins que le rythme entre disparitions et créations doit être inversé grâce à une politique volontariste de développement de l’offre, qui est porteur de croissance pour l’ensemble de l’économie. Par rapport à ses voisins, la France est le pays dont la croissance des chaînes a le moins progressé. En l’espace de dix ans, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont devenus des poids lourds, en dynamisant considérablement leur offre. Dans ces pays, la hausse de la capacité hôtelière des chaînes s’est accompagnée d’une hausse quasi-équivalente du nombre de nuitées vendues.Le parc hôtelier français souffre d’un grave déséquilibre géographiquePlus d’un quart de la capacité d’accueil hôtelière française est concentré en région parisienne et si l’on ajoute les régions PACA et Rhône-Alpes on dépasse largement la moitié des nuitées consommées. Le modèle allemand appuyé sur les capitales régionales des «länder» est nettement plus équilibré.La volonté affichée il y a cinq ans de lancer une nouvelle politique d’aménagement touristique en favorisant l’éclosion de nouveaux pôles d’attraction n’a même pas connu un début de réalisation. Aujourd’hui les capitales régionales mènent en ordre dispersé leur propre schéma de développement à l’instar de Lyon ou de Marseille, sans coordination nationale qui pourrait les rendre plus efficaces, notamment en matière de liaisons et d’équipements structurants. Une commercialisation mal maîtrisée par une grande partie de l’hôtellerieLa distribution commerciale sur les canaux électroniques est sans conteste le défi majeur auquel doit faire face l’industrie hôtelière. Pour certains, le seuil de la dépendance est même dépassé.Les groupes hôteliers ont vu venir trop tard le développement du Web 2.0, qui a transformé la Toile en une série de réseaux sociaux alimentés par les internautes eux-mêmes. Mais l’ampleur prise par un site comme TripAdvisor a généré des dérives difficilement maîtrisées par le site lui-même.En matière de réservation hôtelière, une autre dérive est tout aussi préoccupante. Les agences de réservation en ligne (ou OTA) sont apparues comme un nouveau canal de distribution, en parallèle aux circuits habituels et aux centrales de réservation des groupes hôteliers. Elles ont mis en œuvre des moyens considérables pour occuper le terrain publicitaire et envahir les moteurs de recherche.Ce nouveau canal de distribution a joué un rôle indéniable pour apporter une clientèle nouvelle aux hôteliers, mais la concentration progressive des OTA a fini par créer des acteurs planétaires, qui dictent aujourd’hui leurs exigences et font payer très cher leur intermédiation. A elles seules, Expedia, Booking et Travelocity concentrent 75% du volume mondial des réservations hôtelières en ligne. Elles ont progressivement racheté leurs concurrents nationaux pour peser sur tous les marchés.Fascinés par leur efficacité, les hôteliers ont très largement ouvert ce canal de ventes. Ils ont fait l’expérience, un peu trop tard, du transfert de leurs clientèles, et donc de leur fonds de commerce, vers les sites de réservation en ligne.La puissance des groupes hôteliers mondiaux a limité leur dépendance vis-à-vis des Expedia, Booking et consorts, mais ils s’aperçoivent aujourd’hui qu’ils perdent la bataille sur les moteurs de recherche, dominés par les OTA et leurs centaines de millions de dollars. Une régulation plus rigoureuse en Europe est souhaitable dans ce domaine.Dans cette bataille de géants, les hôteliers indépendants en sont réduits impuissants à observer le jeu. C’est pour eux qu’il est nécessaire de constituer une plateforme qui leur permette de sortir des griffes commerciales des acteurs mondiaux. La destination est un critère essentiel de choix de l’internaute. Il appartient donc aux destinations (grandes métropoles et régions) de constituer le rempart en se coordonnant. Le moteur de réservation de l’ex-Maison de la France, devenu Atout France, a connu bien des ratés et des pannes. Il a pourtant une légitimité à reprendre le flambeau, en coordonnant les moyens de ses adhérents.Renforcer le tissu économique et la rentabilité des entreprises hôtelièresLa France compte déjà dans le secteur Hôtellerie quelques champions internationaux, qui méritent un soutien sans faille pour leur rôle de chefs de file d’une industrie particulièrement concurrentielle. Mais ces leaders laissent peu de place à l’émergence d’autres entreprises à dimension nationale. Sans intervenir dans le fonctionnement d’une économie libérale, il serait bon de valoriser et d’accompagner les entreprises hôtelières qui sont les futurs champions nationaux.La stabilité du chiffre d’affaires est trompeuse. Elle a été assurée par une progression importante des prix moyens sur les dix dernières années, sans que l’on retrouve cette progression dans les marges des entreprises fortement dégradées. Le danger est de voir la clientèle rejeter une forme jugée coûteuse d’hébergement et d’accélérer la disparition d’entreprises hôtelière.Pour les rendre compétitives il serait bon de : - Garantir une plus grande stabilité fiscale : pour le seul secteur de l’hôtellerie, la fiscalité a plus que doublé depuis 3 ans.- Chercher à limiter l’inflation normative sur les bâtiments (sécurité incendie, environnentale, accessibilité…) dont les impacts financiers sont très lourds. - Renforcer un dispositif proche des Business Angels pour accompagner les jeunes porteurs de projets.- Encourager la dissociation entre la propriété des murs et l’exploitation, qui permettrait de faciliter les financements. - Stimuler la mise en place des fonds d’investissements de proximité (FIP) en dirigeant leur intervention vers l’investissement hôtelier.Inciter au développement du parc des hébergements marchandsPour tenir son rang comme destination d’accueil, la France doit pouvoir aligner un million de chambres dans les cinq ans qui viennent. Si l’on prend en considération les 635 000 chambres hôtelières et les quelque 150 000 unités en résidences de tourisme, auxquelles on peut ajouter 100 000 chambres ou équivalentes dans les établissements marchands, type meublés et chambres d’hôtes, il manque 115 000 chambres de nouvelle génération à développer rapidement.En 2012, l’investissement hôtelier représente moins de 2 milliards  d’euros, très nettement en-dessous du niveau des années 2000.Dans le modèle économique adopté par la plupart des groupes hôteliers, qui privilégie la gestion et la franchise cette nouvelle offre ne peut être portée que par des investisseurs exploitants, des promoteurs ou des institutionnels. Il est urgent de créer les conditions de développement de cette nouvelle offre.Grâce à la base de données mise en place depuis 1985 par MKG Hospitality, le marché hôtelier français est parfaitement analysé en termes de performances. Il est aisé d’identifier les zones où le marché est en attente de nouvelles capacités. A l’inverse d’autres pays européens, la France a évité l’arrivée anarchique de nouveaux projets qui ont créé des poches de surcapacité, qui perturbent l’équilibre financier des investisseurs.Cette politique volontariste doit se concentrer sur les points de friction essentiels :- Inciter les collectivités locales à la mise à disposition de foncier réservé aux infrastructures touristiques et hôtelières en zone urbaine. L’Etat peut avoir un rôle pilote en la matière. - Prendre en compte plus systématiquement le Tourisme dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). - Créer de nouveaux mécanismes de financement et d’incitation à l’investissement.- Rendre plus facile l’utilisation des prêts de BPI France par une révision des périmètres géographiques, un élargissement des montants et des taux plus attractifs.   - Lancer un véritable programme de création de nouveaux pôles touristiques en partenariat public privé pour diriger les investissements structurants vers de nouvelles zones touristiques. La France doit pouvoir générer la création de nouvelles méga-destinations qui assurent la complémentarité tourisme de loisirs et tourisme d’affaires. Disneyland Paris est le dernier investissement de cette nature, il y a 20 ans.Développer et valoriser la dimension humaine de l’industrie hôtelièreIl est anormal que l’hôtellerie-restauration constate un déficit de 50 000 emplois non pourvus quand le chômage des jeunes dépasse les 20%. Le taux de rotation du personnel dans les entreprises hôtelières est trois fois supérieur à la moyenne des autres secteurs.En matière de formation initiale, la voie de l’apprentissage doit être une «voie royale», perçue comme telle. Le modèle n’est pas limité aux formations initiales, mais applicable à l’enseignement supérieur en management hôtelier, public ou privé, pour associer les étudiants à la vie en entreprise à travers les stages ou les contrats de professionnalisation.On  doit pouvoir simplifier la règlementation via la création d’un contrat qui couvre aussi bien l’apprentissage que la professionnalisation en unifiant et en simplifiant les régimes financiers et les aides qui s’appliquent aux contrats actuels.Engager une réflexion permanente sur l’évolution du secteur pour anticiper les mutations«Mieux connaître pour décider» est depuis sa création la signature de MKG Hospitality. Si «gouverner, c’est prévoir», en matière de gestion d’entreprise le décryptage des tendances de fond, l’analyse des marchés, la découverte des nouveaux concepts, l’arrivée de nouveaux acteurs, le comportement des investisseurs... sont autant de paramètres indispensables pour ne pas passer à côté des mutations qui touchent chaque secteur de l’économie. La France se doit d’être le théâtre de cette réflexion permanente. Les Assises du Tourisme ne peuvent pas se limiter à un exercice ponctuel et politique. Elles doivent être alimentées par de véritables «think tank» catégoriels qui poussent la prospective au-delà des intérêts particuliers.En quête du cercle vertueuxPour en revenir à la question initiale, l’industrie hôtelière (et plus largement le Tourisme) peut-elle efficacement contribuer à la relance économique de la France ? La réponse est Oui, sans conteste.  Elle porte en elle les germes de réponses à plusieurs des faiblesses actuelles de la croissance : - la relance des investissements qui alimentent tous les métiers liés au bâtiment ;- la création d’emplois pérennes et évolutifs pour les jeunes générations ;- l’alimentation de la balance des paiements par l’accueil de clientèles prêtes à dépenser davantage selon la qualité de leur séjour ;L’industrie hôtelière française est au cœur d’une chaîne dont il ne faut négliger aucun maillon : transport, accueil, culture, attractions, commerce. D’où une véritable coordination interministérielle en faveur du développement touristique et hôtelier.L’industrie hôtelière française pourra pleinement jouer son rôle d’entraînement si un cercle vertueux se met en place qui passe en priorité par l’augmentation de l’offre en capacités nouvelles, qui va générer la création d’emplois qualifiés, augmentant le pouvoir d’achat des salariés et attirant une clientèle de plus en plus internationale, dont les retombées économiques se déversent dans les caisses des entreprises et de l’Etat.Les principaux obstacles à lever sont d’ordre - financiers, avec un coup de pouce appuyé à la libéralisation des crédits et à la mobilisation de nouvelles structures d’investissement ;- fonciers, en recensant et en libérant tous les terrains propices à de nouvelles constructions, dans des conditions telles qu’ils ne soient pas soumis à la spéculation ;- réglementaires, en s’assurant d’un cadre concurrentiel équitable et sain, qui évite le détournement de clientèle et le rapt des fonds de commerce ;- éducatifs, en faisant en sorte que la filière hôtelière soit considérée, à juste titre, comme une filière d’excellence,- promotionnels, pour accompagner par une communication renforcée la mise en valeur de la destination et de l’amélioration de ses produits touristiques.

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