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Cambriolage dans les hôtels : comment se prémunir ?

11 min de lecture

Publié le 18/09/13 - Mis à jour le 17/03/22

Après les récents vols de bijoux au sein des hôtels Carlton de Cannes et Grand Hôtel de Saint Jean Cap Ferrat, Hospitality ON a fait appel aux avocats spécialisés, Christopher Boinet et Anne Epinat, pour revenir sur les questions de responsabilité et de prévention en cas de cambriolages.

Une semaine après le braquage de l'hôtel Carlton de Cannes, au butin de 136 millions d'euros, une nouvelle affaire de cambriolage a frappé l'hôtellerie de la Côte d'Azur ce weekend. Des bijoux et autres objets, d'une valeur estimée à 40 000 euros, ont été volés dans l'enceinte du Grand Hôtel de Saint-Jean-Ferrat le 2 août dernier. Les faits interviennent à quelques semaines de l'interpellation du suspect dans le vol des bijoux de la maison Chopard, survenu en plein Festival de Cannes au Novotel de la ville. Au vu des actualités inquiétantes pour les hôteliers, Christopher Boinet et Anne Epinat, avocats associés chez Bmd Associés, reviennent sur la législation en cas de vol dans un établissement hôtelier, et notamment sur la question de la responsabilité des professionnels. "La caractéristique des vols est différente selon les établissements hôteliers qu'ils soient haut-de-gamme, de luxe ou économiques : les vols avec effraction ou les vols à main armée sont relativement marginaux. Les vols à la tire ou à la roulotte qui surviennent dans les espaces publics de l'hôtel ainsi dans les parkings sont plus fréquents. Que dit la loi ? 1 - L'hôtelier est responsable de plein droit et sans qu'il soit besoin d'établir sa faute, des biens de ses clients dans les lieux placés sous la surveillance de son établissement, notamment en cas de vol, ou de dommage causé aux effets des voyageurs, qu'il ait été commis par un employé ou par un étranger (articles 1952, 1953 et 1954 du Code Civil et article L.311-10 du Code du Tourisme). L'obligation de dépositaire de l'hôtelier telle qu'énoncée par l'article 1952 du Code Civil est certes renforcée, mais prend néanmoins nécessairement sa source dans un contrat : le contrat d'hôtellerie, ce qui implique que le client loge dans l'hôtel. Ainsi, le client venu seulement prendre un repas dans l'hôtel ne peut bénéficier des règles applicables à la responsabilité des hôteliers. Il en est de même lorsqu'un salon de l'hôtel a été loué pour une réception. Manifestement s'agissant de l'épisode cannois et du Carlton du 28 juillet où il y eut un vol de bijoux d'un montant de 102 millions d'euros, appartenant à un client-exposant, les conditions n'étaient pas réunies pour engager la responsabilité éventuelle de l'hôtelier sur la base des articles 1952 et suivants du Code civil, au-delà de son obligation de surveillance générale de cet établissement de luxe dans le cadre de cet événement exceptionnel. En général l'hôtelier et l'exposant conviennent à l'avance de mettre en place un dispositif de sécurité privée et à l'exposant, de recourir à une assurance particulière pour l'événement. La presse et la police ont souligné que les règles de sécurité étaient insuffisantes, notamment " La fenêtre aurait dû être normalement verrouillée ". Les compagnies d'assurance exigent généralement la présence d'un dispositif de sécurité privé. Outre des présentoirs blindés pour les bijoux, un événement exceptionnel comme celui-ci nécessitait un nombre suffisant d'agents pour sécuriser le transport. En outre, au moment de l'exposition, ces derniers devaient en principe rester en contact permanent avec la sécurité de l'hôtel, équipée de vidéosurveillance. Or il semble que le dispositif mis en place ait été déficient et qu'il pourra être reproché à l'hôtel un défaut dans son obligation générale de surveillance. Il est évident que les compagnies d'assurance chercheront les failles dans la surveillance et la sécurité pour s'exonérer en tout ou partie du versement des indemnités qui sont énormes (préjudice estimé à 102 millions d'euros. Heureusement ces événements sont exceptionnels. Enfin, et alors que le parc hôtelier a connu une modification avec le développement des résidences de tourisme, il a été jugé que les articles 1952,1953 et 1954 ne s'appliquaient pas aux exploitants de ces résidences lorsque les résidents n'étaient plus de simples voyageurs mais occupaient durablement les lieux. La responsabilité de l'hôtelier - stricto sensu - s'applique donc uniquement à l'égard du voyageur - client qui fait un séjour bref et effectif dans un hôtel/ ou une résidence, d'une localité où il ne réside pas habituellement. 2 - L'hôtelier ne peut pas se dégager de sa responsabilité sauf s'il démontre un cas de force majeure ou la faute du client (clé laissée sur la serrure, fenêtre ouverte...). Ainsi, les affichettes présentes dans les chambres excluant sa responsabilité ne sont donc pas légales En revanche, dès lors que ces affiches invitent le client à respecter des règles de sécurité, le non respect de ces préconisations par le client peut permettre de limiter la responsabilité de l'hôtelier avec un partage de responsabilité. Cela suppose toutefois que ces règles de sécurité ne soient pas excessives, ni anormalement contraignantes pour le client, et que l'hôtel les aient officiellement portées à sa connaissance. La question ultérieure du partage de responsabilité ressort - il faut bien le reconnaître - d'une appréciation purement subjective des tribunaux appelés à statuer ! Il sera noté que La Cour de Cassation a confirmé par arrêt du 12 juin 2012 une Cour d'Appel qui avait retenu la faute du voyageur qui ne s'était pas conformé aux consignes de sécurité affichées dans les chambres invitant les clients à déposer dans le coffre-fort de l'hôtel leurs biens d'une valeur supérieure ou égale à 22 400 euros, de sorte qu'une part de la responsabilité a été laissée à la charge du client. Cependant, il est aisé de constater que, dans l'hypothèse de vol de bijoux, d'objets ou d'argent laissés dans une chambre, même si la jurisprudence est divisée, une majorité de décisions excluent la faute du client. Enfin, il importe de préciser que l'hôtelier ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait d'autrui (préposés, étrangers allant et venant dans l'hôtel). Pour l'anecdote, certains hôteliers nous interrogent régulièrement si une attaque à main armée ou un vol dit aggravé, peuvent constituer un cas de force majeure permettant aux hôteliers de faire valoir une cause d'exonération. Néanmoins la jurisprudence l'exclut systématiquement, car le vol fait avec force armée n'en présente pas les caractéristiques (Cour de Cassation - 1ère Chambre Civile du 17 décembre 1991). En effet, le juge considère le plus souvent que le caractère irrésistible du fait armé n'est pas démontré. Il fait valoir l'insuffisance des mesures mises en place par l'hôtelier et l'absence de contrôle strict aux entrées. Enfin le vol à main armée n'est également pas d'avantage considéré comme étant imprévisible, compte-tenu des mœurs actuelles... 3 - L'indemnisation est limitée à 100 fois le tarif journalier de la chambre : elle sera donc plafonnée à 10.000€ si le tarif de la chambre est de 100€ la nuit. (Article 1953 du Code Civil). Selon les informations parues dans la presse, il y a tous lieu de penser que ce plafond sera applicable dans le cadre des vols commis au Grand Hôtel de Saint Jean Cap Ferrat alors que les objets volés sont estimés à 40.000 euros. Ce plafond de dommages-intérêts est abaissé à 50 fois le prix de location du logement par journée, pour les objets laissés par les voyageurs dans les véhicules stationnés dans un lieu, dont l'hôtelier à la jouissance privative. Il faut entendre par " prix de location du logement par journée ", le prix public pratiqué, sans tenir compte des remises commerciales consenties aux clients de l'hôtel. Lorsque le montant du logement est fixé à la semaine ou à la quinzaine, le prix de référence est déterminé par une simple division. L'indemnisation est illimitée, si les biens du client avaient été confiés à la réception de l'hôtel contre reçu (pour les mettre au coffre, par exemple). A cet égard, il a été jugé que l'hôtelier devait faire un inventaire des valeurs déposés dans le coffre et par ex, marquer la valeur des devises sur le contenu de l'enveloppe qui lui étaient confiées et non pas seulement le nom et le n° de la chambre du client. En résumé, les principes prévoient que le montant de la réparation est plafonné pour les objets introduits et illimités pour les objets confiés. La responsabilité de l'hôtelier est également Illimitée pour les objets introduits, lorsque le client démontre que l'hôtelier a commis une faute. Les décisions jurisprudentielles acceptent avec une certaine facilité d'écarter la limitation posée par l'article 1953 al 3 du Code civil, comme l'attestent les divers exemples ci-après :

  • La faute de l'hôtelier peut être engagée si l'hôtel avait refusé les biens du client sans motif légitime : objet volumineux, dangereux ou d'une valeur excessive, ou bien si le client démontre que l'hôtelier ou ses employés ont commis une faute (clés laissées sans surveillance à la réception, clés remises à un tiers se faisant passer pour le frère / ou le conjoint du client, l' impossibilité de garder les fenêtres fermées pour des raisons diverses, l'absence de climatisation obligeant à ouvrir les fenêtres, la surveillance étant de plus insuffisante, l'absence de placement dans un endroit sûr d'objets de valeur, l'absence de surveillance dans le hall ou la réception, la faute du préposé de la réception, l'insuffisance du service de sécurité :le parking laissé ouvert la nuit et des rondes insuffisantes toutes les deux heures, etc...)
  • La faute de la victime a permis parfois d'exonérer la responsabilité de l'hôtelier, voire de la partager Il importe qu'elle soit caractérisée.

En conclusion, la diligence requise de l'hôtelier est fonction des prestations que le voyageur est en droit d'attendre, eu égard à la catégorie à laquelle appartient l'établissement où il séjourne.
4 - La mise en cause de la responsabilité de l'hôtelier par le client Quand il s'agit d'un vol, le client doit faire une déclaration de vol auprès de la police ou de la gendarmerie avec une description complète et cohérente des objets volés et des factures d'achat de certains bijoux. La preuve est libre, c'est-à-dire qu'elle peut être rapportée par tous moyens et notamment par témoins, photos... Le client doit prouver la réalité du vol ou la détérioration de ses effets. Il doit rassembler tous les éléments en sa possession pour prouver le vol (factures, photos, témoignages, train de vie du client, classement et notoriété de l'hôtel...). Ces informations doivent corroborer les affirmations du voyageur pour créer des présomptions suffisantes. Le montant du dommage réparable est d'abord le préjudice matériel, c'est-à-dire le coût du remplacement du bien, en cas de vol ou de destruction totale, ou les frais de remise en état en cas de dégradation partielle. La jurisprudence peut accorder également la réparation du préjudice moral subi par le voyageur. Comment se prémunir ? Formation et équipement : L'hôtelier investira d'abord dans l'humain et dans le renforcement de la formation du personnel et sa vigilance. Il en ira de même dans la communication entre les hôtels eux-mêmes et avec les services de police avec des consignes générales au sein du personnel de l'hôtel et des consignes particulières dans les offices du personnel concerné lors d'événements particuliers et selon les clientèles spécifiques de l'hôtel.Le deuxième axe d'investissement porte sur la technologie en améliorant la surveillance des locaux relevant de l'hôtel, grâce aux nouveaux systèmes électroniques avec les systèmes de caméras permettant de retracer les mouvements, des systèmes de fermeture sophistiquée avec des clefs magnétiques permettant de savoir quelle clé a ouvert quoi et à quelle heure ... En conclusion, l'importance particulière des obligations mises à la charge des hôteliers du fait de leur responsabilité présumée implique d'être attentif aux règles de sécurité et de surveillance, et à l'installation de systèmes de surveillance adaptés au sein de l'hôtel et de ses annexes (parking...) mais aussi - et peut-être surtout ! - à la négociation d'un contrat d'assurance équilibré entre la couverture garantie compte tenu des risques auxquels l'hôtelier peut être exposé du fait de sa clientèle, et la charge financière des primes d'assurances."

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