
• Coup sur coup, Julia Oudill vient de décrocher la première place aux concours de sommellerie Mumm et Chapoutier, nouvelles victoires dans un jeune parcours déjà semé de médailles. • Plongée dans le milieu de la restauration depuis sa plus tendre enfance, elle a hérité du gène, mais veut tracer son propre sillon dans l'univers du vin qui la fascine, malgré un environnement encore trop misogyne. • Disciplinée comme une athlète de haut niveau quand elle est en phase d'entraînement, elle n'oublie pas que la finalité de son métier est de partager le plaisir du vin, un monde qu'elle est prête à explorer sous toutes les coutures.
Et maintenant alors ? “Je vais continuer à me perfectionner en préparant d’autres concours, comme le Meilleur jeune sommelier de France dans deux ans et puis après on verra bien. Dans 15 ans, je serai peut-être dans le négoce ou j’aurai ma propre exploitation. Le monde du vin est tellement immense qu’on ne peut pas en faire le tour”.1980 : Naissance en pays basque _ 2005 : Entrée au lycée hôtelier de Biarritz pour passe le bac techno _ 2007 : Premières victoires en sommellerie et bar _ 2008 : Mention complémentaire Sommellerie au lycée de Talence _ 2009 : Lauréate du Trophée Mumm des jeunes sommeliers, remis par Jean-Luc Petitrenaud (photo ci-contre), et du Trophée Chapoutier du meilleur étudiant en vins et spiritueux de France“Ne fais surtout pas ce métier de fou”, lui ont répété avec insistance son père et sa mère dès que Julia a manifesté de l’intérêt pour la cuisine. Et tous les deux savent de quoi ils parlent. Didier Oudill est un chef réputé qui a obtenu deux étoiles Michelin dans son restaurant Pain Adour & Fantaisie de Grenade-sur-l’Adour et est aujourd’hui installé Au Dauphin, place du Palais Royal à Paris, et sa mère tenait un restaurant coté à Bayonne. Mais quand on cumule les gènes de l’entêtement basques et landais, naviguant au gré d’une famille recomposée entre Biarritz et Mont-de-Marsan, entourée de demi-sœur et frère restauratrice à New York et Second de cuisine chez Dutournier, l’appel de la restauration se joue des avertissements des parents. Julia Oudill s’inscrit au lycée hôtelier de Biarritz, bien résolue à tracer son propre sillon. “Je ne voulais surtout pas vivre dans l’ombre de mon père, alors je me suis rapidement orientée vers le service de salle. C’est ce qui me correspondait le mieux, le contact direct, l’aspect commercial”. A Biarritz se produit une rencontre décisive avec Gil Galasso, professeur de service en salle, par ailleurs Champion du monde des maîtres d’hôtel, Meilleur ouvrier de France et lauréat de la Coupe Georges Baptiste. On ne peut rêver mieux comme mentor pour apprécier la richesse de ce métier. “Il nous faisait comprendre la nature du service ; qu’un serveur n’est pas un porteur d’assiette mais l’ambassadeur de la cuisine qu’il doit vendre au client. Cela exige autant de qualité et de professionnalisme”. Au cours de ses trois années au lycée de Biarritz pour décrocher son bac techno, Julia concentre toute son attention sur les cours de Gil Galasso, qui repère en elle une jeune fille déterminée à s’imposer “Si j'osais une comparaison avec le football, Julia, c'est la Zinédine Zidane du service. On ne voit qu'une personne de ce niveau par génération”, explique-t-il . “Il m’a proposé de m’inscrire dans les concours pour approfondir ma technique et j’y ai pris goût”. Sélectionnée aux finales régionales en 2007 pour représenter l’Aquitaine aux Olympiades des Métiers, elle échoue à une marche du podium sur la route de Tokyo en finale nationale à Amiens. “Je n’avais que 17 ans et j’étais encore un peu jeune, mais l’expérience a été fantastique. Pour se préparer on doit emmagasiner une somme énorme de connaissances en peu de temps. On apprend à se dépasser et à se discipliner dans l’entraînement”.Qu’à cela ne tienne, Gil Galasso ne renonce pas à faire gagner son élève. Sa première victoire - en catégorie Cadet - sera au concours de sommellerie des vins du Sud-Ouest, en 2007 toujours. Nouvelle révélation. “J’aimais beaucoup l’univers du vin déjà au lycée de Biarritz et je voulais renforcer ma connaissance, mais comme il n’y avait pas de mention complémentaire Sommellerie, je me suis inscrite au lycée hôtelier de Talence-Bordeaux. Pour aller plus loin dans les concours, il faut un gros bagage technique qui me faisait défaut”.Gil Galasso n’est plus son professeur, mais il suit de loin sa formation, la conseille et la pilote toujours pour préparer les futures compétitions. “Je le tenais au courant de ce que je faisais et je suivais aussi son propre parcours pour gagner des titres comme maître d’hôtel. On s’encourageait. Dans la période intense de préparation, on a besoin de partager”. Une nouvelle victoire vient s’inscrire au palmarès de Julia à Grenoble en avril 2008. Elle emporte le trophée de créativité pour son cocktail sur le thème des Fables de La Fontaine. Mais elle voit bien que son niveau technique en sommellerie n’est pas encore au top, sans compter un environnement dans la sommellerie encore passablement misogyne. “A Talence, nous étions exactement le même nombre de garçons et filles en cours, mais quand il s’agissait de décrocher un stage, plusieurs maisons refusaient de prendre des filles en sommellerie”.Julia y trouve une raison de plus pour s’accrocher et imposer son talent. Elle prépare alors le concours Mumm qui se déroulera en mars 2009 à Reims. Etape par étape, elle franchit toutes les sélections pour décrocher le titre, son premier titre “adulte” en sommellerie. Emportée par l’élan de la victoire, elle est sélectionnée naturellement comme l’une des 30 meilleures élèves de France pour participer au concours de la Maison Chapoutier à Tain l’Hermitage. Nouvelle progression sans faille, se jouant des épreuves régionales, dominant les épreuves théoriques comme les dégustations à l’aveugle, elle arrive encore première des six finalistes le 15 mai dernier. Il faut reconnaître qu’elle a profité d’un stage au Crillon à Paris pour se faire coacher par David Biraud et Antoine Pétrus, l’un comme l’autre Meilleur jeune sommelier de France, et Meilleur sommelier de France et Meilleur ouvrier de France pour David Biraud. “Je ne pouvais pas avoir de meilleurs préparateurs et je leur dois beaucoup”, reconnaît Julia Oudill, qui aime l’intensité de l’entraînement. “Je me considère comme un athlète de haut niveau avec un programme précis, des gestes à recommencer cent fois, des connaissances à accumuler, une hygiène de vie irréprochable avant la compétition. Il est vrai qu’on se coupe un peu du monde et de ses amis pendant un mois, mais c’est le prix de la passion. Moi je veux être au top, je veux voir ce que je vaux. Et puis, c’est bien de revenir avec la victoire qu’on peut partager entre amis”.Le partage est un mot qui revient souvent en écoutant cette jeune femme d’à peine vingt ans qui ne veut surtout pas risquer d’être blasée, ou pire arrogante, en accumulant les victoires. “Si je fais des compétitions en ce moment, c’est pour atteindre la perfection car c’est comme ça que je vois mon engagement. Mais je n’oublie pas que la base de mon métier, c’est de faire partager le plaisir du vin aux clients, sans étaler son savoir sans même les corriger quand ils pensent faire de bons choix”. En tout cas, ses victoires lui ouvrent les portes des meilleures maisons. “Il y a un changement de mentalité car les femmes apportent une sensibilité à la connaissance du vin, beaucoup plus de femmes s’y intéressent aussi comme clientes et les grands restaurants en ont pris conscience”, se félicite la jeune sommelière.Et maintenant alors ? “Je vais continuer à me perfectionner en préparant d’autres concours, comme le Meilleur jeune sommelier de France dans deux ans et puis après on verra bien. Dans 15 ans, je serai peut-être dans le négoce ou j’aurai ma propre exploitation. Le monde du vin est tellement immense qu’on ne peut pas en faire le tour”.