
• Quarante ans après avoir quitté le village de Flers de l’Orne, Jochem-Jan Sleiffer revient en France comme Directeur régional pour superviser les hôtels Hilton, voire en augmenter le nombre. • Entré chez Hilton par la porte des cuisines à Amsterdam, il saura en sortir et gravir les marches vers de plus hautes fonctions, suivi de près par son mentor bruxellois. • Imprégné de la culture de tutorat propre au groupe hôtelier, il s’attache à suivre la carrière de jeunes prometteurs, qu’il trouve pourtant bien plus impatients que de son temps.
«C’est mon 28e déménagement depuis que mon père nous a fait quitter les Pays-Bas pour venir en France, travailler pour une usine de Philips. J’avais tout juste 3 ans et nous nous sommes installés à Flers de l’Orne, près de Caen”, raconte Jochem-Jan Sleiffer dans un français impeccable teinté d’accent flamand qui apporte la touche d’exotisme, passant sans distinction du tutoiement au vouvoiement. Fraîchement arrivé de Bruxelles, il y a quitté la direction générale du Hilton, après sa vente au groupe Pandox, pour prendre une fonction nouvelle, celle de Directeur régional pour la France. Il supervise ainsi les 7 hôtels Hilton implantés sur le territoire, en liaison directe avec le vice-président de la zone Europe Ouest et Sud, Jean Faivre. Quelques 40 ans plus tard, cette nomination résonne comme un retour aux sources de sa vocation. ?En quittant la France à 6 ans pour revenir aux Pays-Bas, la première dictée que j’ai faite à l’école expliquait pourquoi je voulais acheter un hôtel pour accueillir mes parents en week-end. Mon père a encadré la dictée dans le salon”.Jochem-Jan Sleiffer en quelques dates -* 1988 – 1990 : Formation Facility Management à Deventer (NL) -* 1990 – 1991 : Chief Steward au Hilton Amsterdam -* 1991 – 1999 : entré comme Chief steward au Hilton Bruxelles… pour devenir Director of business development -* 1999 - 2003 : Directeur du Hilton Athènes -* 2003 - 2004 : Directeur général du Hilton London Olympia -* 2004 - 2005 : Directeur général du Hilton London Paddington -* 2005 - 2006 : Directeur général des Hilton London Paddington & Euston -* 2006 - 2011 : Directeur général du Hilton BruxellesSans doute avait-il entendu des histoires de famille sur l’arrière-grand père hôtelier aux Pays-Bas. Toujours est-il qu’il s’engage dans cette voie, par des chemins détournés. ?J’ai tenté deux écoles hôtelières qui ne m’ont pas accepté, mais je n’ai pas voulu renoncer et j’ai intégré une école qui préparait à l’accueil en milieu hospitalier. Tous les week-ends, depuis l’âge de 15 ans, je faisais des extras dans les restaurants et dans un hôtel d’Amsterdam, De Roode Leeuw. Je suis passé de la plonge à bagagiste et service du petit-déjeuner. Je devais faire une heure de trajet, dont la moitié en vélo, pour être à l’heure”. Visiblement le travail n’a jamais fait peur à ce grand gaillard de 1m99. Entre l’école, ses stages et les extras, il va multiplier les expériences formatrices au Center Parcs local et dans les brasseries d’Amsterdam. En fin d’études, à force de discussion avec la direction de l’école, il n’ira pas dans un hôpital, mais sera engagé au Hilton Amsterdam séduit par son expérience en restauration. Pourtant ce n’est pas comme serveur qu’il est engagé, mais pour diriger la plonge.?Les huit mois passés comme Chief steward seront mon seul poste en Hollande. Il y avait une place identique à prendre au Hilton de Bruxelles. Je n’ai pas hésité”. Entré dans la famille Hilton, il est suivi pendant plusieurs années par un mentor, le directeur général de l’hôtel de l’époque, Fernand David, qui le fera passer tous les huit mois dans un service différent, au restaurant, aux banquets, aux ventes… propulsant le jeune homme comme Assistant F&B Manager. Il reste encore aujourd’hui très imprégné de cette culture du suivi, historique chez Hilton, et désormais organisée à travers des programmes spécifiques. ?A part faire plaisir aux clients et leur faire dépenser leur argent chez nous, le plus intéressant dans notre fonction, c’est de voir comment un jeune homme un peu maladroit avec son plateau peut devenir directeur de la restauration en dix ans quand il est soutenu et encouragé”, raconte Jochem-Jan Sleiffer. “Je regrette aujourd’hui que les jeunes ne prennent pas le temps d’approfondir chaque étape du parcours. Ils sont pressés de passer d’un poste à un autre avec une certaine impatience”.Dans sa période bruxelloise, il ne fera qu’une petite infidélité au groupe Hilton, en passant un an comme directeur de la restauration du Warwick Royal Windsor. Mais il est rattrapé par son mentor qui lui propose un challenge : surveiller la construction et diriger le premier Hilton Résidence, un concept d’apparthôtel testé dans la capitale belge. Il y passera quelques années entre le casque de chantier et la constitution de ses équipes. Encore une expérience où le groupe a testé ses capacités d’adaptation. Il était donc le candidat naturel pour expérimenter la nouvelle organisation Hilton autour de 4 directions, dont celle des Opérations que Fernand David lui confie d’abord avant celle du Business Development.Bien rodé, après près de neuf ans à Bruxelles, il peut se frotter à la direction d’un hôtel. Ce sera le Hilton Athènes, peu de temps après l’attribution des JO de 2004. A 33 ans, il va piloter les travaux de rénovation de 100 millions de dollars pour que l’hôtel soit à la hauteur de son engagement : accueillir le quartier général du Comité olympique. ?J’avais négocié le contrat, je ne pouvais pas rater ce challenge. Il est bon qu’un opérationnel suive de près les travaux et rattrape les projets des architectes et décorateurs qui n’ont pas conscience de toutes les contraintes de l’exploitation d’un hôtel. Et c’est formidable de partir de la feuille blanche pour créer des concepts de restauration et relancer tout le marketing”.Mission accomplie, le périple européen se poursuit avec une étape londonienne, la plaque tournante Hilton en Europe, avec une vingtaine d’établissements. Wolfgang Neumann lui confie le Hilton Olympia et ses 400 chambres à proximité du parc des expositions. ?J’aime les grands hôtels et les grandes villes, peut-être parce que j’ai toujours vécu enfant dans des villages. Il me faut du mouvement, de la foule, de l’animation”. Après avoir boosté l’activité du Hilton Olympia, il passe à celui de Paddington, beau quartier près de la gare du même nom, dont la propriétaire lui confie son second bébé, le Hilton Euston. Il doit inventer des procédures de synergie et des stratégies commerciales pour deux hôtels assez différents l’un de l’autre, malgré l’enseigne commune. Une nouvelle expérience qui lui sera utile aujourd’hui. Il est plongé dans l’animation de son ?cluster” quand la Belgique se rappelle à son bon souvenir. En 2006, le groupe Hilton, propriétaire des murs, a engagé la cession de ses actifs et cherche un directeur général qui connaît déjà l’établissement, peut accompagner les équipes dans les deux langues belges pour que la transition soit sans heurts. Il n’en faut pas plus pour décider Jochem-Jan Sleiffer de retourner ?au pays” qui l’a vu grandir en hôtellerie.?C’est assez particulier de revenir comme directeur général dans un établissement où l’on a commencé à la plonge quinze ans plus tôt, surtout quand il y a une grande fidélité du personnel. Les plus fiers étaient sans doute l’équipe des plongeurs, dont j’avais engagé la plupart des membres. Leur chef d’équipe est devenu le patron ! C’est un bon message aussi à passer aux jeunes qui arrivent dans l’hôtel”, se souvient-il. Dans les bonnes années, et les moins bonnes, il va rester à la tête de ce navire amiral, jusqu’à sa nomination à Paris en février dernier. C’est encore une fonction nouvelle, qui mélange la coordination des opérations, le développement et la stratégie commerciale. Ne plus avoir de liens directs avec les clients lui manque, mais piloter un team de directeurs généraux et de services supports est passionnant. ?Il faut trouver sa place et aborder les choses avec une perspective différente, et faire travailler les gens ensemble, quand on partage les meilleures initiatives des uns et des autres est tout à fait exaltant”, commente le directeur régional qui n’a pas fini son parcours au sein du groupe mondial.


