
• Depuis 2005, Jean-François Rouquette est aux commandes des cuisines du Park Hyatt Paris Vendôme et en moins de trois ans, il y décroche sa première étoile Michelin. Il fait partie désormais du cercle des chefs médiatiques. • Pourtant, les premières étapes professionnelles du jeune garçon, sportif et au franc parler, n’ont pas été très paisibles. Le contact, parfois rugueux, des grandes brigades et avec des Chefs aux fortes personnalités, ont trempé un peu plus le caractère d’un vrai compétiteur. • Aujourd’hui davantage en quête de nouvelles créations que de compétition aux honneurs, il s’applique à jouer collectif, tout en reconnaissant que le “vedettariat” est devenue une dimension naturelle du métier.
Membre à part entière de la communauté des chefs médiatiques, les projecteurs sont davantage braqués sur lui, mais il tient avant tout à cultiver ses relations amicales. “On prend conscience d’être entré dans un club. Nous sommes un groupe d’amis ; on s’est pas mal côtoyé dans les brigades et donc on se connaît bien. Il reste une certaine forme de compétition entre nous, mais surtout beaucoup de respect dans un métier très difficile”.1982 : Formation à l’école hôtelière de Versailles _ 1983 : Montée à Paris au Petit Riche, passant de commis à demi-chef de partie _ 1984 : Première entrée dans la brigade du Crillon avec Jean-Paul Bonin _ 1986 : Chef de Partie à la Palme d’Or du Martinez avec Christian Willer _ 1987 : Nouveau retour au Crillon avec Christian Constant _ 1988 : Chef de partie poisson auprès de Philippe Legendre au Taillevent _ 1997 : Chef du restaurant Le Bourdonnais La Cantine des Gourmets _ 2003 : Chef des Muses à l’hôtel Scribe _ 2005 : Arrivée au Park Hyatt Paris Vendôme“Au moins tu ne mourras pas de faim”, décrète le père de Jean-François Rouquette quand, très jeune, il décide de faire carrière dans la restauration. Il faut dire que la famille Rouquette tenait un petit restaurant à Montlignon, commune du Val d’Oise, et que le jeune Jean-François, comme tous les gamins, aimait faire des pâtisseries avec sa mère. La vocation est née, encouragée par une famille, persuadée que la dureté du métier va calmer les ardeurs de ce grand gaillard hyperactif, pratiquant très tôt le sport en compétition, et toujours prêt à répliquer à la moindre remarque. C’était sans connaître la force de caractère d’un garçon qu’aucune épreuve ne pourra abattre. Les débuts sont pourtant difficiles. Après une formation à l’école hôtelière de Versailles, Jean-François Rouquette, commis dans un restaurant sur les hauteurs de Domont, passe pratiquement un an à la plonge. “J’ai serré les dents. Sorti du confort du cocon familial, le premier choc avec la profession aurait pu me faire douter, mais je n’ai jamais voulu renoncer. Je faisais déjà de la compétition sportive et ce n’est pas dans ma nature”. Il faudra la vente du restaurant et un second poste au Relais Fleuri de l’Isle-Adam pour démarrer du bon pied. “Le chef avait fait ses classes à bord du paquebot France et il s’appliquait à transmettre son savoir à un apprenti qu’il orientait ensuite vers un grand restaurant. J’ai beaucoup appris auprès de lui, mais j’avais toujours un caractère trop vif pour qu’il ose me recommander dans une grande maison, comme Le Taillevent….. mais j’aurai ma revanche”.Qu’à cela ne tienne, le jeune Jean-François est armé pour affronter Paris. Il débute au Petit Riche et son énergie le propulse chef de partie au bout de six mois. Sa soeur lui permet d’entrer en contact avec le patron des cuisines du Crillon, Jean-Paul Bonin, chef redouté qui épuise ses commis à force d’exigence. Solide, Jean-François ne craint pas l’épreuve et veut se colleter à l’atmosphère d’une brigade. “J’ai été servi. C’est une école dure, où il faut de la résistance physique et morale dans une brigade de 90 personnes constamment en effervescence. En même temps, il y a une grande solidarité qui naît de la pression subie en commun. On rigolait d’un rien comme des potaches”. Il sera vite nommé demi chef de partie avant de continuer son parcours initiatique des grandes maisons : au Grand Véfour avec André Signoret, puis à la Palme d’Or du Martinez à Cannes avec Christian Willer. Nouvelle ambiance survoltée, où le jeune cuisinier turbulent parvient progressivement à canaliser son énergie. “Je me sentais invulnérable et j’aimais bien cet esprit compétitif qui règne dans une brigade pour être le meilleur. Aujourd’hui, dans les entretiens d’embauche, je demande souvent aux jeunes s’ils pratiquent un sport en compétition. Cela développe aussi l’amour-propre. Et il en faut pour surmonter les épreuves en étant sûr de soi”.Retour à Paris, auprès de Christian Constant, nouveau chef du Crillon, dans une ambiance différente. “La brigade fonctionnait comme une équipe de rugby, avec un esprit collectif et une envie de partager. Je me suis beaucoup imprégné de cet esprit-là pour faire travailler ma brigade au Hyatt”, reconnaît Jean-François Rouquette. Mais il n’a pas fini son “apprentissage” de la haute gastronomie, il veut connaître la pression d’un trois étoiles Michelin. Ce sera au … Taillevent (promesse de revanche tenue) comme Chef de partie poisson auprès de Philippe Legendre, qu’il accompagnera pendant six ans dans ses tournées internationales. Nouveau passage au Crillon, comme N°2 de Christian Constant après le départ d’Eric Fréchon,… et Jean-François Rouquette, qui s’est nourri de toutes ses expériences sans perdre de son caractère énergique, se sent prêt à passer Chef. Ce sera Le Bourdonnais, la Cantine des Gourmets de Micheline Coat, où il obtiendra assez rapidement sa première étoile Michelin. Il a droit à ses premières critiques. Un premier papier dans Le Figaro, intitulé “Le Bourdonnais lance Rouquette”, entrant ainsi dans le cercle des Chefs dont on parle et qu’on sollicite quand le jeu des chaises musicales laisse une place à prendre en cuisines. Il succède ainsi à Yannick Alleno au Scribe et au bout de trois années se laisse tenter par l’aventure du Park Hyatt à deux pas de la place Vendôme.“Un Chef cherche toujours un écrin qui lui ressemble et c’est ce qui m’a séduit au Park Hyatt, une ambiance contemporaine qui correspond à mon tempérament et propice à la créativité”. Cette créativité est récompensée par une étoile Michelin en 2008, qui pourrait l’inciter à aller plus loin. “Les étoiles sont des récompenses qui motivent et mobilisent une équipe, mais aujourd’hui garder l’équilibre reste primordial pour moi. Le stress des étoiles et la réussite personnelle ne doivent pas me détourner de l’objectif premier qui est de faire plaisir à mes clients tout en gardant le contact avec le bonheur de créer et de former de nouveaux chefs”.Passée la quarantaine, avec pas loin de trente années en cuisine, le fougueux Jean-François Rouquette semblerait s’être assagi. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il est décidé à s’effacer dans sa cuisine. “Aujourd’hui on ne demande plus seulement à un Chef de faire une cuisine exceptionnelle mais de savoir la vendre. Les clients paient aussi une signature, il faut donc trouver un bon équilibre entre la présence en cuisine et la présence dans les médias. Certains s’y sont brûlés les ailes, moi je m’efforce de conserver cet équilibre délicat.”Membre à part entière de la communauté des chefs médiatiques, les projecteurs sont davantage braqués sur lui, mais il tient avant tout à cultiver ses relations amicales. “On prend conscience d’être entré dans un club. Nous sommes un groupe d’amis ; on s’est pas mal côtoyé dans les brigades et donc on se connaît bien. Il reste une certaine forme de compétition entre nous, mais surtout beaucoup de respect dans un métier très difficile”.