Entretien avec Pablo Nakhlé Cerruti, Directeur Général de Viparis. Le groupe exploite les plus grands centres de congrés en Île-de-France et a fait face comme de nombreux professionnels du secteur à l'arrêt complet de ses activités. Quelles perspectives et quels objectifs de reprise pour l'un des plus grandes destinations congrès et salons européennes ?
Je dirige Viparis qui est l’entreprise qui gère des centres d’expositions, des grands parcs du Grand Paris (la Porte de Versailles, Paris Nord Villepinte ou Le Bourget) et des sites de congrès (le Palais des Congrès de Paris et le Carrousel du Louvre).
Comment êtes-vous arrivé à prendre la direction d’un groupe comme Viparis ?
Viparis est une filiale co-détenue par le groupe Unibail Rodamco Westfield, spécialiste mondial de l’immobilier commercial, des centres commerciaux, des bureaux et des centres de congrès et la CCI de Paris et de la région Ile-de-France. Nous avons le meilleur des deux mondes. Ils sont à 50-50, d’un côté l’ingénierie immobilière et de l’autre la destination, l’attractivité et la rencontre des entreprises.
Pouvez-vous nous décrire comment se sont déroulées ces dernières semaines [depuis début juin] ?
Notre industrie [celle des grands événements] a fait face à période particulière parce que nous avons été sans doute les premiers à devoir fermer. C’était le weekend du 8-9 mars avec le salon de l’agriculture à la Porte de Versailles qui a fermé avec une journée d’avance.
Compte tenu des ruptures d’évènements, nous serons probablement les derniers à rouvrir étant donné que les événements avec plus de 5000 personnes seront de nouveau autorisés à partir du 1er septembre en France. Le vrai déconfinement aura donc lieu dès le 1er septembre pour notre activité.
Toutefois dans les zones vertes et à partir de la fin de l’urgence sanitaire, c’est-à-dire du 11 juillet, nous serons autorisés à accueillir à nouveau des événements compris entre 10 et 5000 personnes. A ce moment-là, une partie de l’activité redémarra.
Tous nos sites n’ont pas été complètement fermés pendant cette période de confinement : le Palais des Congrès de Paris à une partie commerce qui est restée ouverte notamment pour l’alimentaire. A Paris Nord Villepinte, nous avons accueilli des examens de grandes écoles de commerces et d'ingénieurs pendant tout le mois de juin et une partie du mois de juillet. Pour l’anecdote, nous avons également des cours de zumba tout l’été à Portes de Versailles.
Quel est votre plan de reprise progressif pour les différents établissements ? Et à quel horizon ?
Nous envisageons la réouverture de tous nos lieux à partir du 1er septembre dans des conditions de sécurité sanitaire extrêmement strictes. C’est la raison pour laquelle nous avons développé un label de certification (Safe Vi) qui inclut des procédures internes à Viparis et des procédures avec nos clients et nos prestataires. Puis dans un métier comme le nôtre, il s’agit de notre capacité à compter, voire à tracer les visiteurs qui viennent sur notre site.
Les premières initiatives vont arriver dès début septembre parce que nous avons le congrès national de l’ordre des experts comptables au Palais des Congrès de Paris.
Il est certain que le deuxième semestre sera différent à cause des quelques annulations de grands événements, par exemple Maison & Objet qui a pris la décision de ne pas faire son édition de septembre. C’est également le cas pour Paris Games Week ou le Mondial de l’Auto. D’autres en revanche, se tiendront dans des formats qui seront nécessairement différents, je pense à Première Vision dans le secteur de la mode ou SIAL dans l’agroalimentaire qui sont des salons qui vont se tenir au deuxième semestre.
Quel est impact en termes de chiffre d’affaires sur l’activité de Viparis ?
L’impact est fort. Unibail Rodamco Westfield a publié le premier trimestre de Viparis, c’est-à-dire fin mars 2020 par rapport à fin mars 2019. Et fin juillet, nous publierons le chiffre d’affaire du premier trimestre de fin mars à fin juin donc rendez-vous fin juillet.
Compte tenu du nouveau contexte, avez-vous envisagé de diversifier les possibilités de location de vos espaces ?
Je crois fondamentalement que cette crise valide la stratégie de Viparis. C’est sur notre activité historique que nous excellons. Nos clients (les organisateurs d’événements, de salons et de congrès) vont nous demander de plus en plus de flexibilité et de connectivité pour nos lieux. Cela veut dire être capable de changer un format, par exemple un congrès va avoir lieu dans des amphithéâtres, mais également dans des petites salles de réunion et/ou des espaces de démonstration. C’est un salon qui va nous demander plus d’accompagnement et de proposition des espaces, pour faire des happenings ou des keynotes.
Vivatech est l’exemple le plus probant sur la façon dont les salons se métamorphosent. Vous allez voir apparaître de plus en plus d’événements qui vont s’annoncer comme hybrides. Qu’est-ce qu’hybride signifie ? Hybride veut dire un rassemblement physique et une transmission en digital ou du contenu qui est poussé en parallèle pour les communautés.
Les deux ne sont pas forcément incompatibles. Donc que cela signifie-t-il pour Viparis ? Cela signifie que nous devons être une plateforme à la pointe de la technologique. Par exemple, cela commence par le réseau GSM. Nos sites sont bien évidemment en 4G et nous commençons la 5G avec des tests d’ici la fin de l’année. Nous sommes également les premiers sites en Europe a avoir installé le wifi haute densité à la fois à la Porte de Versailles et au Palais du Congrès de Paris. Je descends d’un cran jusqu’au Bluetooth qui permet le tracing et de mesurer le parcours client. Et si je descends encore plus finement avec le monde de l’internet des objets, c’est LoRA. Ce sont quatre réseaux que nous mettons à disposition de la manière la plus performante possible à nos clients.
Vous savez que la Porte de Versailles est en cours de rénovation depuis 2015 pour un projet d’une dizaine d’années en trois phases. Nous avons fini les deux premières phases et la deuxième qui vient de s’achever est de faire de la Porte de Versailles un tiers-lieu, c’est-à-dire que les voisins et les riverains peuvent venir à la Porte de Versailles. Evidemment lorsqu’il y a des activités liées aux salons, aux congrès, aux grands événements mais également lorsqu’il ne se passe rien. Nous avons installé des hôtels, une ferme et un restaurant et vous pouvez désormais venir à la Porte de Versailles. Et de fait, c’est une notion que nous allons développer dans les années à venir.
Pour rester dans la stratégie de Viparis, comment voyez-vous le groupe dans 5 ans et à quel point votre vision a pu évoluer et changer ces dernières semaines ?
L’expérience passée montre que le voyage d’affaire est toujours un peu plus résilient que le tourisme d’agrément. Aujourd’hui à Paris, le voyage d’affaire représente plus de la moitié des nuitées d’hôtel et nous avons donc un destin lié avec nos camarades hôteliers.
C’est vrai que la donne est un peu différente. Mon métier est simple, si je devais résumer, c’est de mettre des gens dans des avions pour les faire venir à Paris en masse. Il ne vous a peut-être pas échappé qu’il s’agissait de deux facteurs aggravants de la circulation de la pandémie donc nous verrons comment va se passer le deuxième semestre. L’état du trafic aérien donne les clés sur la façon dont les touristes pourront revenir à Paris dans de bonnes conditions.
De notre côté et pour nos partenaires (Paris Aéroport, Accor, Galerie Lafayette, etc), ce qui est important c'est que quand vous venez à Paris, vous n’alliez pas uniquement dans un hôtel, dans un restaurant, dans un parc expo mais que vous ayez une expérience complète de visite. Ce que nous les acteurs du tourisme de Paris et du tourisme d’affaires devons collectivement faire, c’est assurer une protection sanitaire de bout en bout. Ce sera clé dans les choix de destinations.