Mathieu Ecollan « Nous sommes un OVNI, il n’y a pas de comparable sur notre activité »

12 min de lecture

Publié le 20/04/23 - Mis à jour le 20/03/24

Staycation

Mathieu Ecollan, co-fondateur de Staycation revient sur la genèse de sa proposition de valeur qui offre une opportunité additionnelle aux hôteliers de remplir leurs établissements. Une formule dans l’air du temps post Covid où le loisir et la détente se consomment plus régulièrement.

Qu’est-ce qui vous attiré dans le secteur de l’hospitality alors que vous venez de l’univers de la communication et du marketing ?

Nous sommes partis de notre envie de monter un projet ensemble. Aucun de nous ne connaissait ce secteur et il avait pour nous un côté « bel endormi ». Airbnb a la hype alors qu’il y a des acteurs géniaux dans le secteur de l’hôtellerie. Nous étions intéressés par l’idée de reconnecter notre génération à cette industrie.

Nous avons rapidement décidé d’aller échanger avec les hôteliers parisiens afin de comprendre leurs problématiques. Ce sont ces échanges qui nous ont mis sur la voie de Staycation. Nous avons vu une forte opportunité business d’aider les hôtels à adresser les millions de personnes qui vivaient autour de leurs établissements toute l’année au-delà des touristes et des clients corporates.

Au-delà de l’intérêt business, nous allions apporter de la valeur et adresser un sujet qui jusque-là ne l’était pas. Il existe un écosystème qui fonctionne très bien avec les OTAs et le travail des hôteliers en direct. Adresser un nouveau marché pour les hôteliers était également pour nous un enjeu de transformation. Connecter les hôtels avec leur clientèle locale, nous ne pouvions pas le faire avec leurs offres d’origine. Il nous fallait les aider à créer ces expériences pour intéresser cette clientèle qui ne vient pas juste pour dormir mais qui vient pour vivre une expérience en dehors de son quotidien.

C’était une idée complètement contre-intuitive de viser la clientèle de proximité pour l’hôtellerie

Tout à fait, elle a émergé quand nous avons échangé avec les hôtels au mois d’août et qu’ils nous ont rapporté être vides pendant cette période sur le marché parisien. L’absence de clientèle corporate ayant un réel impact sur le remplissage des établissements à cette période. Nous nous sommes demandés qui était à Paris pendant cette période. Nous n’avions pas vocation à faire venir plus de touristes ou de clients corporates.

Certains hôteliers nous ont invités à venir passer une nuit dans leurs établissements. En y séjournant, nous avons été frappés par le potentiel lié à ce type de séjour. Les établissements qui proposent des expériences sont très nombreux. Ils ont des piscines, des jacuzzis, des rooftops… Nous avons réalisé que les clients parisiens, voisins de ces établissements, n’avaient aucune idée de la présence de cette offre. Les Parisiens vont au cinéma, au restaurant, au spectacle mais ne poussent jamais la porte des hôtels.

Pour notre travail, nous partons systématiquement des besoins des hôteliers. Nous avons commencé par les accompagner le dimanche qui est un moment creux toute l’année. Nous nous sommes pour cela demandé qui pouvait être disponible le dimanche et qui cherchait à s’occuper. Nous sommes donc partis d’une problématiques hôtelière avec l’objectif d’apporter une réponse différente pour l’adresser. Nous avons commencé par accompagner les hôtels qui disposaient déjà d’infrastructures et de services pour proposer des expériences.

Nous ne sommes ni hôtelier ni start-upper, quand nous avons lancé Staycation, nous avions des process très artisanaux.  Nous avions vu la problématique des hôteliers et en face une communauté susceptible d’y répondre. Au départ, Staycation c’était une simple newsletter où nous présentions des offres pour les dimanches et l’été et nous prenions les réservations par téléphone. Nous avons eu une base de clients actifs de plus de 300 personnes, dès les premiers mois. Cette étape a été pour nous le moment où interroger ces clients. Savoir pourquoi ils nous avaient appelé, ce qu’ils recherchaient, ce qu’ils avaient envie de vivre… En parallèle nous avons aussi noué des partenariats avec de plus en plus d’établissements.

Nous avons également livré des messages personnalisés dans nos hôtels partenaires tous les dimanches. Cela nous a permis d’être très proches des hôteliers à qui nous parlions toutes les semaines. Nous parlions également très régulièrement à nos clients finaux. C’est une culture que nous avons conservée chez Staycation.

Où en est Staycation aujourd’hui ?

Nous sommes une entreprise de la tech. Côté client, nous dépassons aujourd’hui les 2 millions d’utilisateurs, avec une moyenne d’âge entre 25 et 35 ans. Ce sont également des profils très urbains avec des attentes totalement différentes de celles de la clientèle « traditionnelle ». Ils viennent vivre des expériences et pas uniquement prendre un lit pour dormir.

Pour construire cette communauté de 2 millions d’utilisateurs, nous ne nous appuyons pas sur les canaux traditionnels. Nous nous appuyons sur les réseaux sociaux avec comme angles d’approche « comment casser la routine ? » « que faire de spécial ? » « comment s’évader de son quotidien ? » etc… 80% de notre base vient de l’organique et du bouche à oreille. Les personnes qui ont profité de nos offres racontent leurs expériences en arrivant le lundi matin au bureau par exemple.

Nous travaillons avec un peu plus de 1000 hôteliers partenaires, principalement des établissements 4 étoiles à Palaces. Après avoir débuté avec les établissements qui avaient déjà des expériences à proposer, nous avons commencé à accompagner des hôtels qui n’avaient aucune expérience entre leurs murs et qui avaient envie d’attirer les Parisiens.

Tout l’enjeu de Staycation c’est d’aller créer des expériences pour ces hôtels-là. Pour cela nous créons des partenariats avec des marques qui parlent à nos clientèles millennials. Avec Staycation, un hôtel très business peut devenir un hôtel lifestyle. C’est un savoir-faire que nous avons énormément développé pour les hôteliers.

Aujourd’hui nous sommes présents partout en France. Pour le client final notre proposition de valeur est : booster ton quotidien. L’objectif est que notre application soit à côté de Uber, Too Good to Go, Frichti… soit des services utilisés dans sa vie urbaine. Désormais en France, quand on ouvre l’application, il y a forcément un hôtel à moins d’une heure de l’endroit où on se trouve. Les modes de vie changent avec le développement du télétravail. Nos utilisateurs bougent et réservent toujours un Staycation à moins d’une heure de chez eux.

Nous sommes désormais présents à Londres, Bruxelles et Genève. Nous proposons également depuis peu les premières expériences en Espagne. L’enjeu est à chaque fois double : créer une offre et toucher la clientèle locale.

Comment faire en sorte qu’en parallèle du développement du parc d’hôteliers partenaires, l’offre reste aux standards de Staycation ?

Nous avons énormément de chance d’être dans cette industrie. Nous travaillons avec ces hôtels qui ont déjà un très bon standing et qui ont en plus l’habitude de traiter avec des partenaires externes. Ces établissements ont un niveau de service tellement élevés, que l’ont atteint des niveaux de services très performants. La note moyenne des établissements Staycation est de 9,3. Nous avons bien entendu mis en place de nombreux éléments pour accompagner les hôteliers.

Ils arrivent que certains partenaires sortent de notre offre et très majoritairement d’un commun accord. Quand un partenaire à des notes inférieures à 8, nous déclenchons le système d’accompagnement que nous avons mis en place et qui se déploie sur plusieurs semaines. Nous appelons tous les clients et l’hôtel toutes les semaines. L’échange est tellement étroit avec les établissements que si on ne rentre pas dans la norme, cela s’impose à nous et cela se fait naturellement.

Nous sommes aujourd’hui une quarantaine de salariés et allons atteindre 50 personnes d’ici la fin de l’année. Dans nos effectifs nous n’avons pas de profils hôteliers. Nous nous appuyons énormément sur le savoir-faire des hôtels pour la partie opérationnelle.

Notre valeur ajoutée réside dans la partie marketing, technologie et notre capacité à nous mettre à la place de nos clients. Ne venant pas de ce milieu, je me poser les bonnes questions en partant de mes besoins et ainsi fournir aux hôtels des éléments concrets pour progresser et comprendre cette clientèle.

Quel est votre modèle économique ?

Nous prenons une commission sur le chiffre d’affaires que nous générons. Après un process de sélection, une fois que nous décidons de travailler avec un hôtel, notre seule rémunération est cette commission. Nous avons donc tout intérêt à ce que cela fonctionne pour les établissements qui nous voient également comme une vitrine. Pour les établissements situés à Paris, cela leur donne de la visibilité auprès d’un million de parisiens toute l’année.

Staycation, c’est une nouvelle catégorie. Il y a les OTAs d’un côté qui sont sur la partie tourisme et travel, mais la catégorie du staycation est totalement différente. Si un New-yorkais vient dans un établissement, la proportion de chance pour qu’il revienne tous les ans est relativement faible, c’est bien plus envisageable pour un Parisien qui habite à côté et qui peut revenir pour le restaurant, le spa…

Nous sommes un OVNI, il n’y a pas de comparable sur notre activité ce qui a complexifié notre lancement. Nous sommes ce qui s’appelle un category definer. Il nous a fallu convaincre par l’exemple. Les clients qui par exemple consomment plus quand ils sont sur place.

Désormais, il y a des hôtels qui se posent la question entre vendre une chambre nue sur Booking.com et vendre un produit Staycation. C’est notre offre qui peut se révéler la plus intéressante sur certaines périodes. Nous travaillons donc de plus en plus la valeur avec ces offres packagées qui permettent d’aller au-delà de la chambre nue disponible sur les plateformes.

Quels sont vos objectifs ?

Nous ne nous considérons pas du tout comme une entreprise d’hôtellerie. De notre point de vue, nous sommes en train de créer un usage du point de vue des clients et du point de vue des hôteliers. Nous nous sommes donc donnés comme mission de créer une culture du staycation en France et en Europe.

Quand on parle de culture, tout est à inventer. Pourquoi pratiquer le staycation ? Comment se connecter au quotidien des gens et à leurs problématiques ? A quels besoins répond-on ?

Notre enjeu est donc de créer cette communauté côté utilisateur tout en créant ce nouveau marché pour les hôteliers. Comment adresser la clientèle staycation ? Comment proposer des expériences qui ont du sens et comment cela peut-il profiter à mon hôtel ? Quels sont les objectifs ? Améliorer l’occupation de l’établissement ? Rentabiliser les assets en dehors de la chambre ?

Nous travaillons des cibles totalement différentes les hôteliers sont donc bienveillants avec nous, ils savent que nous ne travaillons pas des clientèles qu’ils pourraient toucher en direct.

Nous ne nous voyons pas uniquement comme un site de réservation. Nous avons la volonté de travailler la totalité de l’expérience. Notre objectif est que notre application devienne la télécommande du séjour de notre utilisateur. Nous travaillons aujourd’hui l’amont en aidant les hôtels à penser les expériences. Assez rapidement demain, nous pourrons créer des outils afin d’accompagner l’expérience utilisateur pendant le séjour. Nous pourrons recommander des choses à faire dans l’hôtel ou en dehors, proposer des nouveaux services.

Le choc dû à la pandémie de Covid 19 a-t-il eu une influence sur vos partenaires et clients ?

Le Covid a été pour nous un accélérateur. Les clients finaux ont pris conscience qu’ils pouvaient vivre des expériences autour d’eux. Il y a donc eu une accélération des usages du côté des clients.

Côté hôteliers, après une certaine hésitation à l’idée de créer des expériences qui sortent de l’ordinaire, ils développent désormais des offres qui vont toujours plus loin. Certains hôteliers ont même une approche encore plus novatrice que nous. D’autres reviennent également vers nous après avoir changé d’établissement même dans des établissements très corporates. Il y a des établissements qui fonctionnent extrêmement bien à La Défense ou à l’aéroport Charles de Gaulle par exemple.

Notre démarche permet de remettre les hôtels au centre de la vie de quartier. Avant les hôtels étaient des endroits devant lesquels on passe, désormais cela devient des lieux de divertissement où l’on peut vivre des choses qui sortent de l’ordinaire.

En tant qu’entrepreneur, y a-t-il des messages que vous souhaiteriez faire passer à d’autres entrepreneurs ou aspirants entrepreneurs ?

Mon premier conseil qui peut paraitre basique : parler aux gens. Nous avons mis 6 mois avant de faire cette démarche d’aller parler aux hôteliers et une fois que nous l’avons enclenchée, nous avons appris énormément de choses auprès des hôteliers. Il ne faut pas avoir peur de confronter ses idées et de prendre des feed-backs. C’est ancré dans la culture d’entreprise.

On peut tout apprendre, il suffit d’aller chercher l’information. Nous nous obligeons à échanger avec des hôteliers plusieurs fois par semaine pour prendre des informations. La grande majorité des acteurs du monde professionnel est très ouverte avec l’envie d’aider.

Il faut entretenir sa singularité. Se demander ce qui a déclenché cette création d’activité et y rester fidèle. Par exemple en ce qui nous concerne, viser une clientèle ultra locale, proposer des expériences qui sortent de l’ordinaire, cela nous coupe potentiellement d’une partie du business mais nous croyons à la valeur de notre positionnement à long terme. En apportant des choses très spécifiques et continuant à développer une offre qui n’existait pas encore.

Le fait que les gens disent désormais : « j’ai fait un staycation », c’est une première pierre qui confirme la création de ce nouvel usage.

C’est également intéressant pour le personnel. Les réceptionnistes sont heureux d’accueillir des gens qui ont leur âge, qui viennent pour un moment important pour eux, qui viennent vivre des choses différentes et qui restent dans l’hôtel.

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