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A Nantes, vert est l’estuaire…

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Publié le 20/07/09 - Mis à jour le 17/03/22

• Il y a deux ans, Nantes ouvrait son Château des Ducs de Bretagne et lançait la Biennale d’Art Contemporain " Estuaire 2007 " en même temps que la création des Machines de l’Ile, structures géantes en mouvement. • Si cette nouvelle offre évènementielle et muséale fut financièrement coûteuse, elle a néanmoins permis d’accroître considérablement la notoriété de la ville. • Après l’élargissement de son offre touristique, Nantes veut aujourd’hui poursuivre sur sa lancée en se donnant un nouveau cheval de bataille :l’éco-responsabilité.

Le pari était osé. Tel est avec le recul le sentiment de Jean-Marc Devanne, le directeur de l’Office de Tourisme de Nantes Métropole au sujet du lancement en 2007 de la nouvelle offre touristique nantaise. Il y a deux ans, en effet, Nantes enrichissait son catalogue de trois nouveautés majeures : le Château des Ducs de Bretagne rénové à hauteur de 60 millions d’euros, la Biennale d’Art Contemporain "Estuaire 2007 " (7,3 millions d’euros de budget dont 2 millions de fonds privés) et les Machines de l’Ile (6 millions d’euros), constructions géantes et mobiles. Mais le bilan fut à la hauteur des aspirations : très satisfaisant. Nantes manquait d’une offre de produits de première classe. Aujourd’hui, grâce à son éventail d’activités extrêmement large et varié, la ville se positionne en 3ème place après Paris et Lyon pour la richesse de son catalogue touristique.Des chambres qui pour plus de la moitié sont des unités de résidences de tourisme… _ Oui, et cela grâce au vide juridique qui entoure ce mode d’hébergement doublé d’une fiscalisation qui fausse les règles d’implantation. Ce vide est tel que l’on arrive à des aberrations. Ainsi, certaines centrales de réservation vont même jusqu’à vendre comme produits de location saisonnières des chambres dans des maisons de retraite ! Imaginez un peu la tête du client lorsqu’il fait face à la réalité de son achat ! Aujourd’hui, le problème est tel que même les résidences de tourisme déjà implantées s’inquiètent de l’ouverture annoncée d’autres unités de ce type. A Nantes, le plan d’urbanisme est plus favorable pour ces résidences que dans d’autres villes. Nos élus sont bien au courant du sujet et ont commencé à prendre des mesures (taxe de séjour sur les résidences, une étude sur le sujet). Certaines municipalités sont plus vigilantes. J’ai cru comprendre par exemple que Toulouse les a limitées."Avec Estuaire et les Machines de l’île, nous confirmons notre image de ville culturellement effervescente, nous restons dans cette lignée d’une créativité à la nantaise à la fois ludique, innovante et décalée", souligne Jean-Marc Devanne. La Biennale d’Art Contemporain, bien que difficile à mesurer en termes de retombées économiques car d’accès gratuit, bénéficie d’une très importante visibilité médiatique au niveau national comme européen. "C’est un événement qui fonctionne davantage comme un catalyseur d’image, alors que les Machines de l’île s’inscrivent plutôt dans la permanence", rappelle le directeur de l’Office de tourisme et des congrès de Nantes. Cette année, un dragon géant viendra enrichir la collection de machines, complétant ainsi la liste déjà impressionnante de ce bestiaire fantasmagorique, à mi-chemin entre l’imaginaire d’un Jules Verne et d’un Léonard de Vinci. Depuis son lancement en 2007, l’Eléphant - seul animal pouvant se déplacer dans l’espace public – et le musée des Machines ont permis de générer quelque 500 000 entrées payantes. "Les Machines de l’île sont le reflet de nos émotions intimes. Ce sont des oeuvres poétiques et universelles. Elles s’inscrivent dans le mouvement et non dans une imagerie figée et nostalgique".D’autres temps forts animent le calendrier évènementiel nantais : la Folle Journée, plus grande manifestation de musique classique en Europe a accueilli en janvier dernier plus de 130 000 spectateurs ; le festival de musique actuelle Scopitone a également drainé pas moins de 6500 passionnés de sons électroniques. Enfin, rendez-vous musical à rayonnement national et même européen, le Hell Fest, festival de musique heavy metal, a accueilli pour sa 4eme édition plus de 60 000 personnes.Sur ces trois dernières années, la fréquentation touristique nantaise n’a cessé de croître. La progression à deux chiffres de la clientèle étrangère, avec 43 % de visiteurs supplémentaires, et celle tout aussi importante (+23 %) de la clientèle hexagonale sont les meilleures illustrations d’une politique touristique alerte et innovante.Aux côtés des flux désormais " classiques " de touristes espagnols et anglais, d’autres nationalités commencent à se dégager. Les visiteurs canadiens arrivent ainsi en 4ème position après les Italiens. "La compagnie canadienne Air Transat a doublé son trafic hebdomadaire en provenance de Montréal assurant ainsi deux liaisons par semaine. Et Corsair vient d’ouvrir une troisième ligne vers Québec", explique Jean-Marc Devanne. La Suisse aussi fait partie des nouvelles destinations desservies par les lignes low-cost avec une ouverture très récemment par Easyjet d’une ligne Nantes- Genève. Enfin, conséquence de l’impact de la Coupe du monde de rugby, les Australiens commencent à pointer leur nez. Sur le marché français également, Nantes continue de marquer des points : + 8% de croissance annuelle moyenne depuis 2005. Au traditionnel bassin émetteur -Bretagne, Normandie, Ile de France- s’ajoute " une bonne progression des régions Rhônes- Alpes et Centre Val de Loire ".La dynamique créée autour du segment loisirs est-elle la principale explication de la bonne résistance de l’agglomération nantaise depuis le début de la crise ? Pour Jean-Marc Devanne, cela ne fait pas de doute. Comme dans la plupart des villes françaises, la part du tourisme d’affaires à Nantes représente plus de 2/3 de l’hébergement marchand, soit 66 % de part d’un marché composé pour beaucoup du trafic corporate. "Or, la crise a d’abord affecté le segment affaires. Le marché des congrès arrivé aussi à saturation d’offre dans toute l’Europe, s’est particulièrement tendu tout au long de ces derniers mois. Si Nantes a réussi à maintenir le cap, c’est surtout grâce au soutien apporté par son segment Loisirs”, développe Jean-Marc Devanne avant d’ajouter : " et une sensibilité à l’international moindre comparée à d’autres grandes villes comme Paris et Nice qui ont beaucoup souffert de la contraction des clientèles étrangères ".En matière d’hébergement, Nantes va devoir prochainement faire face à un afflux de nouvelles chambres, dont la majorité viendront des résidences de tourisme. Deux adresses hôtelières et une résidence de tourisme ont ainsi récemment enrichi le parc nantais depuis deux ans : un hôtel Kyriad de trois étoiles à Saint-Herblain (périphérie ouest) de 70 chambres ouvert depuis mars, un hôtel de charme de trois étoiles, haute qualité environnementale, le Régate (50 chambres) opérationnel depuis mai dernier sur Atlanpole, le technopole nantaise et un City Suite de 101 unités ouvert depuis fin 2007.Mais ce n’est pas tout. Le parc, qui compte actuellement 110 établissements et 5325 chambres, devrait faire face à l’arrivée de près de 700 unités supplémentaires d’ici au printemps 2010. Un Brit Hôtel de catégorie deux étoiles et de 50 chambres, le Belfort, doit ouvrir dans les deux prochains mois en centre-ville, dans le quartier du Champs de Mars, et un complexe multienseigne Accor comprenant un All Seasons de 70 chambres et un Etap Hotel de 70 unités est par ailleurs attendu début 2010 dans la périphérie sud de Nantes. Côté résidences de tourisme cette fois-ci, trois nouveaux établissements sont programmés : une résidence Adagio (Accor-Pierre & Vacances) de 90 unités en septembre 2009, un Quality Suite de 296 chambres, début janvier 2010, et un Résid Home de plus de 100 chambres dont la date d’ouverture devrait se situer autour du printemps 2010.Enfin, à une échéance un peu plus lointaine, en 2011, un hôtel Radisson SAS de 4* et de 136 chambres verra le jour en lieu et place de l’ancien palais de justice.Comment les professionnels de l’hébergement réussiront-ils à absorber cet afflux de chambres ? C’est la question actuellement au centre des débats de la profession (voir interview de Gilles Cibert, président du club hôtelier nantais). " Malgré l’ouverture des résidences de tourisme et un climat économique particulièrement tendu, les professionnels hôteliers ont réussi à tenir leurs tarifs. Cela prouve que nous avons un parc hôtelier solide. Néanmoins, j’espère vivement que les vieux produits de résidences de tourisme sortiront bientôt du marché. Avec la crise, les investisseurs se sont calmés. Encore heureux, car cette explosion du nombre de chambres en résidences n’avait plus de sens ", souligne Jean-Marc Devanne. Le site Marcel Saupin, un quartier mixte en devenir Début des années 80, le stade Marcel Saupin cédait la vedette au site de La Beaujoire pour l’accueil des rencontres sportives, essentiellement footballistiques. Mais le site Saupin n’avait pas dit son dernier mot. Ainsi, en 2003, la Ville de Nantes et Nantes Métropole lançaient une étude sur la requalification de cet espace cher aux Nantais avec trois objectifs : " conserver l’activité sportive du stade, repenser le bâtiment et son insertion dans la ville et le quartier, évaluer ses potentialités à accueillir de nouvelles activités ". A terme, ce site privilégiant des usages mixtes devrait ainsi compter : un stade avec une seule tribune (les trois autres ont été démolies en 2006 pour des raisons de sécurité), un ensemble immobilier de 5 800 m2 bureaux construit sur un socle de parking, une résidence tourisme et un pôle d’excellence en sciences humaines et sociales, inauguré en février 2009, et comprenant un Institut d’Etudes Avancées (I.E.A.), la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) ainsi que des logements pour les chercheurs. Finalisé à l’horizon 2010, ce programme de requalification urbaine répond aux objectifs de la ville en matière de développement d’équipements sportifs municipaux, participe à l’ouverture et au développement du quartier, à travers le grand Projet de Ville (GPV) du Nouveau Malakoff et s’inscrit dans la dynamique EuroNantes dont l’ambition est " de développer l’activité tertiaire au coeur de la ville et des quartiers ". Tous éco-responsables à l'horizon 2010 ! Les hôteliers nantais se sont fixés un enjeu de taille : être tous éco-certifiés d’ici la fin 2010 ! Une réunion de sensibilisation a déjà eu lieu en décembre 2008, suivie tout récemment (début juillet), par une nouvelle rencontre avec feuille de route. "Notre idée est que tous les hôtels de l’agglomération puissent arborer avant deux ans un label écologique parmi les quatre plus connus : Clé Verte, Ecolabel Européen, Green Globe ou ISO 14000", développe Gilles Cibert, président du club hôtelier nantais, à l’origine de la démarche, avant de poursuivre : " à travers ce travail collectif nous voulons rendre plus attractive la destination et prouver aux pouvoirs publics que les hôteliers sont capables d’avoir une démarche moderne et dynamique ". Nantes Métropole, très sensible aux politiques de développement durable depuis le lancement en 2004 de son Agenda 21 a déjà donné son appui. D’autres acteurs de la sphère publique ont suivi : l’Office de tourisme, la CCI, l’Ademe, l’Agence de l’Eau qui subventionnera à hauteur de 40% les équipements de recyclage de l’eau. Parmi les autres partenaires, on trouve également l’entreprise Veolia et plusieurs écoles : l’Ecole des Mines de Nantes, Audencia (Ecole de Commerce de Nantes) et Sciences-Com, très avancées sur les problématiques de développement durable, et Le Lycée Nicolas Appert. Ce processus de labellisation se fera au rythme de trois promotions d’ici à 2010. " Nous avons contacté Philippe Gloaguen, créateur du Guide du Routard, pour qu’il soit le parrain de la première. Il s’est montré intéressé mais nous attendons sa confirmation ", précise Gilles Cibert. Actuellement sur l’ensemble du parc hôtelier (100 établissements), huit établissements sont déjà labellisés ou en cours de labellisation. Dernier hôtel construit récemment, l’hôtel de la Régate (42 chambres, 3 étoiles) a ouvert ses portes dans un cadre bucolique aux bords de l’Erdre. Il a choisi de minimiser au maximum son empreinte énergétique et environnementale en optant pour un toit végétalisé, en se dotant d’un dispositif de récupération et rétention des eaux pluviales et de panneaux solaires, et en optant pour une solution de chauffage basse température par pompes à chaleur à géothermie profonde. Ce sont les frères Pérou qui sont à l’origine de ce projet jouxtant leur restaurant gastronomique, le Manoir de la Régate. Autre exemple : l’hôtel Amiral dont la démarche éco-responsable a été lancée à l’été 2008 vient juste de déposer son dossier de labellisation Clé Verte. L’hôtel, qui a rénové son hall d’entrée en installant notamment des ampoules led basse consommation, a également équipé les sanitaires de double chasse d'eau à volume réduit, et a installé des mitigeurs thermostatiques dans chaque douche et posé des robinetteries de classe 1, aux nouvelles normes de classification Produit Vert. Pour réduir déchets et emballages, les produits d’accueil classiques ont été remplacés par des distributeurs intégrés et des produits biodégradables sont utilisés pour l' entretien de l’hôtel. 3 questions à Gilles Cibert, Président du club hôtelier nantais Comparée à d’autres villes françaises, l’activité hôtelière nantaise résiste plutôt bien en cette période de crise. Comment pouvez-vous expliquer ce phénomène ? _ Effectivement, si l’on compare l’évolution des chiffres de la fréquentation de Nantes à celles d’autres villes françaises, on peut dire que nous résistons beaucoup mieux. Mais cela ne veut pas dire que les hôteliers ne sont pas impactés. Les établissements situés en périphérie notamment s’en sortent moins bien que ceux du centre-ville. Si l’on regarde les statistiques publiées par MKG, depuis le début d’année et en cumulé jusqu’à fin mai, notre taux d’occupation global a baissé de -2,12 points. En revanche, par rapport à l’année dernière sur la même période, le Prix moyen global est en hausse de +2,54 euros. Quant au RevPar global, il n’a pas bougé, tournant autour des 41 euros. Trois facteurs peuvent expliquer la bonne résistance de l’hôtellerie nantaise. La première raison, et la plus évidente, est l’impact généré par les Floralies sur le nombre de nuitées hôtelières. Cette rencontre qui attire aussi bien des professionnels que le grand public est organisée tous les cinq ans au mois de mai par la Fédération Nationale de l’Horticulture Française. En moyenne, elle permet de soutenir l’activité durant une quinzaine de jours. L’autre raison est la diversité du tissu industriel nantais qui nous permet de ne pas dépendre d’un seul secteur d’activité, contrairement à d’autres villes comme Rennes plus largement impactée par la crise du secteur automobile.Le problème de l’hôtellerie nantaise semble se situer davantage au niveau du nombre très important d’ouvertures de nouvelles chambres… _ Oui, et c’est cela qui tourmente le plus les hôteliers. Ils vont devoir dans les deux prochaines années absorber pas moins de 1 300 nouvelles ouvertures de chambres sur un parc existant de plus de 5 000 unités. La cote d’alerte est largement atteinte et nous savons déjà que nous devrons faire face à un déséquilibre très brutal de l’offre et de la demande. Ceci est bien plus inquiétant que la crise économique. En 2004, une étude avait été faite sur l’évolution de la capacité hôtelière nantaise avec une hypothèse haute (+ 640 chambres) et basse (+ 480 chambres). Aujourd’hui, l’évolution du marché est inférieure à l’hypothèse basse. Lorsqu’on regarde l’évolution ces dernières années des statistiques de remplissage, on voit que Nantes a enregistré une légère baisse de son TO. Or, si le parc d’hébergement était réellement saturé, on aurait augmenté nos chiffres de fréquentation.Des chambres qui pour plus de la moitié sont des unités de résidences de tourisme… _ Oui, et cela grâce au vide juridique qui entoure ce mode d’hébergement doublé d’une fiscalisation qui fausse les règles d’implantation. Ce vide est tel que l’on arrive à des aberrations. Ainsi, certaines centrales de réservation vont même jusqu’à vendre comme produits de location saisonnières des chambres dans des maisons de retraite ! Imaginez un peu la tête du client lorsqu’il fait face à la réalité de son achat ! Aujourd’hui, le problème est tel que même les résidences de tourisme déjà implantées s’inquiètent de l’ouverture annoncée d’autres unités de ce type. A Nantes, le plan d’urbanisme est plus favorable pour ces résidences que dans d’autres villes. Nos élus sont bien au courant du sujet et ont commencé à prendre des mesures (taxe de séjour sur les résidences, une étude sur le sujet). Certaines municipalités sont plus vigilantes. J’ai cru comprendre par exemple que Toulouse les a limitées.

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