
Après moulte débats au parlement pour la loi Mobilité adoptée le 18 juin dernier, le gouvernement s’est enfin arrêté sur une solution. Elle prend la forme d’une écotaxe sur les billets d’avion, ce qui ne plait guère au secteur aérien, se sentant lésé.
Quelques jours seulement après la fin du salon du Bourget, le plane bashing, causée par le "Flygskam" (néologisme suédois pour désigner cette honte de prendre l’avion), a finalement eu raison du transport aérien. La signature par 93 parlementaires d'une tribune dans Le Journal du Dimanche pour la défense de ce mode de transport, perçu comme « une nécessité vitale » étant « le seul moyen pour certains de nos territoires de leur éviter un isolement mortifère », n’aura pas suffi à retenir le deuxième Conseil de défense écologique, présidé par Emmanuel Macron, de prendre une mesure pour la restriction de ce dernier.
Cette « écocontribution » annoncée par la ministre des transports Elisabeth Borne s’échelonnera de 1,50€ à 18€ et s’appliquera seulement aux liaisons aériennes au départ de la France. Pour les vols intérieurs et domestiques (territoire européen) les billets recevront 1,50€ de plus sur le prix final en classe économique, ou 9,00€ en classe affaire. Pour ce qui est des vols long-courrier ou en dehors de la zone UE, le montant sera de 3,00€ en classe éco et 18,00€ en classe affaire. Quelques exceptions : les vols vers la Corse et les territoires d’outre-mer, ainsi que ceux en correspondance en France, en seront exemptés.
Cette solution rapporterait un total de 180 millions d’euros à l’année, selon les estimations. Ce montant devrait être réinvesti dans le déploiement de solutions plus écologiques, à commencer par le train. Cela devrait combler en partie les 500M€ dont a besoin la Loi Orientation Mobilité adoptée mi-juin pour permettre, entre autres, la rénovation de voies ferroviaires.
Par conséquent cette « écotaxe » rejoindra dès 2020, année de son application, le banc des autres taxes et contributions déjà appliquées aux vols au départ des aéroports français. Pour l’Union des Aéroports Français (UAF), il s’agit d’une action contre-productive qui pénalisera avant tout la compétitivité des aéroports et l’attractivité des régions en France : « Rien dans les conclusions des Assises et dans la stratégie nationale du transport aérien 2025 ne laissait présager une telle mesure. Cette nouvelle taxe est un non-sens économique et environnemental. La mesure a pour seul but de remplir les caisses de l’AFITF [l’Agence de financement des infrastructures de transport de France] et n’aidera en rien à la transition écologique du secteur. L’amélioration des performances environnementales du transport aérien doit être recherchée avant tout dans le transport aérien lui-même et non dans une fiscalité punitive » (Thomas Juin, président de l’UAF).
Premier acteur impacté par cette mesure, Air France, dont « 50 % de l'activité est réalisée au départ de l'Hexagone », réagit également. La compagnie aérienne estime que l’impact de celle-ci « représenterait un surcoût de plus de 60 millions d’euros par an pour le groupe Air France, soit l’équivalent des mesures prises dans le cadre des Assises du Transport Aérien qui avaient vocation à renforcer la compétitivité du pavillon français ».
Ces Assises (clôturées le 8 mars 2019) avaient en effet annoncé des allègements de charges évalués à 118M€ pour renforcer la compétitivité de l’aérien à l’échelle de la France. D’où une mesure jugée contre-productive, puisque, comme l’exprime Alain Battisti (président de la Fédération nationale de l'aviation marchande – la FNAM), « on nous reprend ce qu'on nous avait donné ». Il rappelle également qu’il était initialement question d’adopter une taxe à l’échelle européenne « afin d’éviter des distorsions de concurrence intra-européenne trop importantes ».
Dans tous les cas la question est plutôt de savoir si cela aura des répercussions sur la destination France, et à l’échelle plus micro, sur les différentes régions de l’Hexagone. Comme le dit Georges Panayotis (Fondateur de Hospitality On) « ce n’est pas en rendant une destination moins compétitive à coup de taxes et de mesures que les vrais problèmes seront adressés durablement ». Ce dernier rappelle ainsi que l’enjeu de l’accessibilité est primordiale pour toute destination qui se veut attractive : « Si l’on veut que le tourisme prospère en France et en Europe, il faut continuer à rendre le voyage toujours plus accessible comme ce fut le cas ces 40 dernières années avec le développement de la concurrence dans les transports et les nouvelles solutions proposées ».
