• Depuis une dizaine d’années, Marseille a pris place dans le club des destinations majeures. Son tourisme a connu un essor considérable. Ils étaient moins de 3 millions à visiter la cité phocéenne en 1996 et plus de 4 millions ont fait le déplacement en 2009. Résultat : 12 000 emplois directs et 700 millions d’euros de retombées. • Alors la ville ne cache pas son ambition : elle n’en restera pas là. Elle a d’ailleurs décroché l’organisation de très gros évènements dans les années à venir, dont elle espère des retombées en matière d’image comme de fréquentation. • Marseille continue donc sa transformation pour proposer aux touristes d’agrément, congressistes et croisiéristes un cœur de ville attractif et accessible, des infrastructures adaptées et une offre hôtelière répondant à leurs attentes.
Depuis l’arrivée du TGV, il y a une dizaine d’années, le tourisme marseillais est sur une dynamique de croissance. La «jeune» destination n’a eu de cesse d’aménager au mieux la ville et d’agrandir son parc hôtelier. Mais elle vit actuellement une période difficile. A la crise, subie ici à retardement, sont venues s’ajouter les pluies de la Toussaint et surtout les grèves d‘octobre, particulièrement suivies à Marseille. A la télévision française comme étrangère, on a découvert une ville bloquée et observé les poubelles s’accumuler sur les trottoirs… Une image loin d’être attractive. Alors les annulations se sont enchainées. Pour les 4 et 5 étoiles de la ville, les pertes s’élèveraient à 800 000 euros. Pour Alain Paulin, président des hôteliers indépendants à l’Umih13, c’est «un vrai sinistre. Nous avons vu le TO moyen de la ville descendre de 20 à 35%. Et toutes les catégories ont été touchées, même si les hôtels économiques ont un peu moins souffert». Et puis une autre mauvaise nouvelle est également tombée en octobre. Ryanair a annoncé son "départ" en janvier, à la suite d'une déconvenue législative (voir encadré). Ce qui ne sera pas sans conséquence pour la cité phocéenne. «La compagnie nous avait apporté une nouvelle clientèle et avait permis de développer le tourisme de court séjour. Et les clients lowcost, contrairement aux idées reçues, sont des touristes très intéressants. Ils ont de l’argent, simplement, ils ne souhaitent pas le mettre dans les transports. Alors forcément, le fait que Ryanair abandonne certaines de ses lignes est une très mauvaise nouvelle». Mais les professionnels du tourisme restent confiants. Pour eux, la situation de l’aéroport devrait s’arranger, et la mauvaise image à l’étranger se faire oublier grâce à leur dynamisme.Valérie Ribet, Directrice de l’Etap Hotel Marseille Aéroport _ “En 2010, je n’ai pas trop subi la crise. En tout cas beaucoup moins que les hôtels du centre ville. Quant aux grèves, alors qu’elles pénalisaient mes collègues, pour moi, je dois avouer que c’était plutôt positif… Dès que des avions sont annulés, les gens doivent rester sur place. Et donc je vends d’avantage de chambres. Il en a été de même avec le nuage du volcan islandais. Et puis grâce à Ryanair, nous avons assisté à une très belle évolution de la clientèle internationale. J’ai aussi vu la proportion de voyages de loisir augmenter. Aujourd’hui, cela représente environ 50% de ma clientèle. Maintenant, il faut attendre mi-janvier pour voir réellement l’impact qu’aura l’arrêt de nombreuses lignes de cette compagnie. Nous savons déjà qu’ils ont surtout retiré des liaisons franco-françaises, ce qui est moins gênant. Mais il faudra attendre quelques mois pour évaluer le réel impact. ”Il faut dire que la ville ne lésine pas sur les moyens pour continuer de se positionner parmi les grandes destinations touristiques. Elle a tout d’abord décroché l’organisation de très grands rendez-vous. Après le congrès de Pneumologie en début d’année (8000 personnes), la cité phocéenne accueillera le Forum mondial de l’eau en 2012 (10.000 congressistes pendant dix jours), les manifestations de Marseille 2013 Capitale européenne de la Culture et des matches de l’Euro en 2016. Des évènements qui devraient remplir les hôtels, mais aussi permettre à la ville de redorer son blason à l’étranger. Et pour accompagner cette dynamique, Marseille travaille son urbanisme et ne cesse de faire évoluer son parc. Les projets hôteliers du 2 au 5 étoiles fleurissent, tout comme les salles de réception et les projets urbains d’envergure.Pour loger les touristes toujours plus nombreux, «en 12 ans, de très nombreuses rénovations de grandes ampleur ont été engagées, et 2.000 chambres supplémentaires ont été créées en comptant les prochaines ouvertures de l’Hôtel Dieu l’InterContinental (voir encadré) et de la résidence hôtelière 4 étoiles Mama Shelter, qui ouvriront prochainement», souligne Maxime Tissot, directeur de l’Office du Tourisme. Et alors que le B&B Marseille La Joliette (125 chambres) vient tout juste d’ouvrir ses portes, d’autres projets sont à l’étude, et deux sont déjà sur les rails : l’ouverture d’un Marriott 4* de 200 chambres et d’un All Seasons de 50 chambres à proximité du Parc Chanot Palais des congrès (mi avril 2011).Mais pour Maxime Tissot, l’heure est désormais à la «prudence face aux investisseurs». Marseille a «construit les chambres qui lui manquaient. Le parc est désormais de grande qualité, complet et équilibré. Il nous faut maintenant accompagner ces ouvertures». Et pour cela, la ville a notamment lancé de grands travaux de réaménagement et d’embellissement.Le stade Vélodrome, lieu incontournable pour la ville et indispensable pour un Euro 2016 réussi, s’apprête à être rénové, couvert et agrandi (67 000 places). Le vieux port, lui, est en cours de semipiétonisation (effective pour 2013). De quoi redonner du cachet à ce lieu mythique. Et Euro Méditerranée, le plus grand chantier de rénovation urbaine en Europe (480 hectares entre la gare Saint Charles et la rue de la République) transforme la ville et requalifie l’espace urbain. Immeubles de bureaux pour le tertiaire, logements, équipements culturels et de loisirs, hôtels… c’est tout le visage de Marseille qui se redessine. La Joliette est devenu un grand quartier d’affaires international grâce à la réalisation de 300 000 m² de bureaux neufs et l’engagement, d’ici 2012, de livrer 200 000 m² supplémentaires. De quoi apporter une nouvelle visibilité tant sur le plan économique et diplomatique que culturel, avec des réalisations phares telles que le Mucem, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerrannée, prévu pour 2011, 2012. «Ce lieu créé par l’équipe du Musée Branly nous permettra également de proposer un produit original au marché MICE», note Maxime Tissot. D’ailleurs, les infrastructures dédiées au tourisme d’affaires sont également en cours de rénovation et de réaménagement. Parmi les lieux privilégiés des congressistes, le Palais du Pharo propose un amphi de 900 places et de nombreux salons prestigieux, le tout ouvert sur le Vieux Port. L’agrandissement et l’ajout de nouveaux espaces sont en cours, s’achevant en mars 2012. Autre lieu stratégique, le Parc Chanot lance un programme de rénovation de son palais des congrès, avec une salle plénière en gradins de 2.500 places et un nouveau hall de 5.000 m². Au total ce sont 28 M€ investis dans ces deux structures congrès pour répondre aux nouveaux besoins du marché.Des investissements lourds mais justifiés puisque le tourisme d’affaires est aujourd’hui le segment qui fonctionne le mieux à Marseille. «Les touristes d’agrément sont de plus en plus nombreux. Surtout grâce aux lowcost et au TGV. D’ailleurs, nous continuons à développer davantage de produits touristiques pour eux et allons bientôt créer des packages dynamiques à acheter sur Internet. Et le nombre de croisiéristes est aussi en augmentation. En 2009, nous en avons reçu 700 000 contre 19.000 en 1994. Nous prévoyons qu’ils seront 1 million à être venus à Marseille cette année. Parmi eux, un tiers aura embarqué ou débarqué à Marseille, ce qui génère bien sûr des revenus pour la ville (restaurants, bars, shopping…) mais aussi des nuitées, contrairement aux croisiéristes qui ne font qu’escale... Mais le tourisme d’affaires reste notre principale source de revenu», précise Maxime Tissot. La croissance de ce segment a été fulgurante. Alors qu’en 1996, Marseille comptabilisait 65 000 journées congressistes, en 2010, elle en dénombre 280.000, qui ont généré environ 25 000 nuitées. «Notre spécialité est plutôt l’accueil de groupes de 50 à 4 000 personnes, avec pour cœur de cible les groupes de 300 à 1 000 personnes. Et pour continuer de développer le tourisme d’affaires, il faut que nous travaillons l’international», explique le directeur de l’Office du tourisme. «Pour cela, nous avons fait appel à un consultant, Henri Céran, qui depuis 4 mois et demi nous apporte son expertise avant de mieux nous vendre à l’étranger. Nous travaillons principalement sur les destinations qui sont reliées à nous en direct comme la Belgique, Londres, Francfort, Munich, l’Italie…». Et les infrastructures en travaux devront impérativement être prêtes pour 2012 et le Forum mondial de l’eau. «C’est une course permanente à l’armement ! Ce n’est pas parce que certaines villes s’étaient placées sur le secteur avant nous que nous n’avons pas notre place. Les congrès sont tournants. Le congrès de l’eau, nous l’avons par exemple décroché face à l’Afrique du Sud. Ce qui prouve bien la compétitivité de Marseille en la matière ». Pour le directeur de l’Office du tourisme, la période actuelle est décisive pour la jeune destination. «La ville est un peu en travaux permanent… Mais c’est important. Il faut qu’en 2013, nous soyons fin prêts. A cette date, près de 10 millions de visiteurs sont attendus dans la cité phocéenne. Il faut absolument que nous parvenions à nous positionner comme une référence culturelle forte afin de continuer notre progression ».Alain Paulin, président des hôteliers indépendants à l’Umih13Marseille est encore une destination de loisirs jeune. Comment le parc hôtelier s’est-il adapté ? _ C’est en 1998, avec la Coupe du Monde de Foot et les matches organisés ici que Marseille est devenue une destination touristique. Les gens ont découvert la ville et sont venus de plus en plus nombreux. Et avec l’arrivée du TGV en 2001, ils ont même commencé à se déplacer pour une seule journée, ou un weekend. Je me souviens d’avoir entendu : «ils ont même la mer à Marseille !», «Et le métro». Ce fut une vraie découverte pour beaucoup de gens car nous avions un énorme déficit d’image. Alors nous avons vite manqué de chambres. Notamment en quatre étoiles. Le parc a donc dû rattraper son retard. Et il y est parvenu. Enormément de rénovations ont été engagées et les ouvertures ont été très nombreuses. Rien que sur les 3 ou 4 dernières années, nous avons vu naitre un New Hôtel, un Radisson, un Etap Hotel, la villa Massalia, un Adagio City Aparthôtel, la résidence du Vieux port, un Suitehotel, maintenant Novotel Suite, un Ibis, un Holiday InnExpress….Et aujourd’hui, le parc doit-il encore s’agrandir ? _ Marseille a maintenant un parc équilibré et de grande qualité. Bien sûr, nous avons de grands rendez-vous : le Forum de l’eau en 2012, 2013 où elle sera Capitale européenne de la Culture, et 2016 avec le Championnat d’Europe de football... Et tout cela devrait ramener du monde qu’il faudra loger. Mais des projets sont déjà en cours (comme l’InterContinental ou la résidence Mama Shelter…). Maintenant, nous devons stopper les projets. Car tous ces évènements ne sont que ponctuels. Il faudra donc que les hôtels continuent de vivre après. Nous devons attendre de voir si tout cela a des retombées pour la ville en termes d’image et surtout de fréquentation, avant de nous relancer dans davantage de projets d’ouverture. Et surtout, accompagner cette évolution du parc.Que manque-t-il encore au tourisme marseillais ? _ Il y aura bientôt plus de 4 étoiles à Marseille qu’à Cannes. Mais la ville n’est pas adaptée. Il lui faut faire des efforts en matière d’accessibilité, de zones piétonnes, de commerces, de piste cyclables… Du côté de l’événementiel, nous avons bien quelques festivals, mais beaucoup de progrès restent à faire. Et surtout, il nous manque un grand lieu de fête, comme Lille en a créé un avec le nouveau Casino Barrière. Des discothèques, des casinos, un cabaret… Tout cela est indispensable si l’on veut faire tourner les 4 et 5 étoiles. Nous avons des endroits magnifiques qui se prêteraient parfaitement à ces activités. Mais il faut que le public laisse un peu de place au privé. Moins d’interventionnisme serait bénéfique à tout le monde.Fabrice Castellorizios, General Manager du Radisson Blu Marseille Vieux Port“L’hôtel bénéficie d’un partenariat avec Air France, qui permet de louer quelques chambres toute l’année, et de la venue de nombreux artistes à Marseille. Lorsque Madonna, ACDC ou Youssou N’Dour logent chez nous avec leurs équipes, cela peut représenter 15 à 20 chambres occupées. Et c’est plus encore pour certaines manifestations sportives comme les matches de Champion’s League. Et puis Marseille accueille désormais de nombreux tournages. Sans compter la série Plus belle la vie, en 2009, nous avons comptabilisé 1 000 journées de tournage. Une belle aubaine pour l’hôtellerie. Et puis le tourisme ici a beaucoup évolué. Marseille est toujours principalement une destination d’affaires. Mais le loisir se développe. Il y a trois ans, c’était le motif du séjour de 10% de nos clients. Aujourd’hui, nous sommes à 40%. D’ailleurs, nous nous sommes adaptés en proposant davantage de packages (avec sorties en mer, plongée, visite de la région…). La durée des séjours a aussi augmenté, passant de 3.4 nuits en 2008 à 4.4 en 2009. Une progression rare ! Alors après une année 2009 très difficile, et malgré un mois d’octobre catastrophique avec des grèves qui ont fait perdre 200 000 euros à notre établissement, notre revenu et notre TO ont grimpé de 20%. De quoi motiver des investissements ! D’ailleurs, en plus du boulodrome et du minigolf construits l’année dernière, nous ajouterons l’an prochain un point de restauration au bord de la piscine. ”Vincent Gaymard, directeur commercial du Mercure Marseille Centre _ “La nouveauté, c’est que l’impact des croisières commence aussi à se faire sentir. Marseille a dépassé le million de passagers, et ceux qui embarquent ou débarquent à Marseille ont donc souvent besoin de se loger, au moins une nuit. Mais notre clientèle principale reste des Français venus pour affaires. Il faut dire que l’hôtel a consacré 1.300 m² à des salles de réunion et de restauration. Pour cela, nous avons lancé le plus gros projet de travaux du groupe Accor en province. Plusieurs millions d’euros ont été investis (Ndlr : €17 millions). Nous pouvons accueillir des groupes d’environ 150 personnes. La prochaine étape, c’est la rénovation de chambres, que nous attaquerons en juin. Puis, début 2012, nous passerons aux travaux à la réception. Le but est bien sûr d’être prêt pour l’année de l’Eau en 2012, mais surtout pour 2013, lorsque Marseille sera Capitale européenne de la Culture.”Loïc Fauchille, directeur général du Sofitel Vieux Port _ “Nous avons obtenu une étoile supplémentaire il y a un an. Nous sommes désormais le seul 5* de la ville. Et la première partie de l’année a été très bonne. Surtout grâce à cette nouvelle image de luxe, qui nous permet d’attirer une nouvelle clientèle. Mais depuis octobre, les choses se sont considérablement compliquées. Les grèves ont terni l’image de la ville. Et cela a affecté notre business. Des séminaires et des déplacements d’individuels ont été annulés. Nous espérons que les choses reprendront assez vite leur cours normal car nous étions sur une bonne dynamique. Et puis très bientôt, nous allons enchainer les gros rendez-vous. En 2012, 20.000 personnes sont attendues pour Marseille, capitale mondiale de l’Eau. Et puis l’année suivante, nous serons Capitale européenne de la Culture. Ce sera une vraie chance pour la cité. Nous allons pouvoir ainsi promouvoir et redorer notre image à l’international. Et pour pouvoir accueillir tout ce monde, le parc hôtelier marseillais continue de s’élargir. Ce qui est une très bonne chose. Mais il va falloir accompagner ce développement : par une vraie politique touristique, un travail pour changer les mentalités et faire comprendre à tous les Marseillais que les touristes doivent être reçus comme il se doit, une ouverture des commerces le weekend et durant les vacances… Et puis nous pourrions par exemple créer une véritable promenade sur le bord de mer.”Valérie Ribet, Directrice de l’Etap Hotel Marseille Aéroport _ “En 2010, je n’ai pas trop subi la crise. En tout cas beaucoup moins que les hôtels du centre ville. Quant aux grèves, alors qu’elles pénalisaient mes collègues, pour moi, je dois avouer que c’était plutôt positif… Dès que des avions sont annulés, les gens doivent rester sur place. Et donc je vends d’avantage de chambres. Il en a été de même avec le nuage du volcan islandais. Et puis grâce à Ryanair, nous avons assisté à une très belle évolution de la clientèle internationale. J’ai aussi vu la proportion de voyages de loisir augmenter. Aujourd’hui, cela représente environ 50% de ma clientèle. Maintenant, il faut attendre mi-janvier pour voir réellement l’impact qu’aura l’arrêt de nombreuses lignes de cette compagnie. Nous savons déjà qu’ils ont surtout retiré des liaisons franco-françaises, ce qui est moins gênant. Mais il faudra attendre quelques mois pour évaluer le réel impact. ”