Entretien avec Laurent Dusollier, CEO Groupe Odalys qui expose les transformations du groupe et ses ambitions. Il partage également sa vision du secteur ainsi que son ambition et ses attentes pour les destinations françaises.

Séquence 1 : le groupe Odalys et de son dirigeant Laurent Dusollier

Quel est votre parcours comment êtes-vous arrivé chez Odalys ?

Je suis belge et j’ai un parcours diversifié. J’ai fait du commercial chez Procter&Gamble, j’ai ensuite travaillé dans le milieu des start-ups, j’ai également fait beaucoup de conseil chez Roland Berger où j’étais en charge de la practice tourisme et grande consommation au niveau international. J’ai rejoint un de mes clients avec un coup de cœur pour mon actionnaire actuel Eric Duval. Nous avons décidé de mettre ainsi en œuvre les préconisations qui avaient été faites ensemble.

Qu’est-ce qui vous a poussé à investir en tant que directeur général dans le groupe ? 

Arrivé à 50 ans avec une carrière dans plusieurs métiers différents, il y a un moment où on a envie d’investir dans un projet. Il y a une opportunité qui s’est présentée, notre ancien directeur général et fondateur Monsieur François Mariette était encore présent au capital mais plus actif. Tant qu’a s’investir dans cette entreprise en y mettant de l’énergie, du temps, je voulais envoyer un signe fort aux collaborateurs. Je crois dans l’entreprise, je crois dans le projet et je crois que nous pouvons créer de la valeur.

Présentez-nous le groupe Odalys

Le groupe a fêté ses 20 ans en 2018 et nous avons ouvert en moyenne une résidence par mois depuis lors.

Nous sommes un groupe fondé avec des résidences de vacances « traditionnelles » et qui s’est très vite diversifié sur d'autres marchés : la résidence étudiante, la résidence de centre-ville ainsi que dans une série d’activités comme le syndic de copropriété, la conciergerie. Le Groupe Odalys se développe de plus en plus à l’international et assez fortement en dehors de nos frontières européennes. Nous sommes un des rares groupes du secteur à être aussi diversifiés dans les métiers et géographiquement. C’est une force et nous souhaitons la développer dans le futur.
Nous terminerons 2019 avec presque 280 millions d’euros de chiffre d’affaires, nous accueillons environ 2 millions de vacanciers chaque année, nous comptons environ 1300 collaborateurs un chiffre qui peut atteindre 3300 personnes en saison.

Séquence 2 : Quels objectifs de croissance pour le Groupe Odalys ?

Quels objectifs de croissance dans les destinations françaises ? Quelles priorités ?

Il reste encore beaucoup de projets possibles. En montagne notamment pour les stations de plus haute altitude et les produits un peu plus haut de gamme. Nous avons plusieurs ouvertures prévues.
Sur les destinations mer, nous continuons à rechercher des produits en étant assez sélectifs sur les destinations et les typologies de produits.

Nous continuons à nous développer très fortement sur la résidence étudiante. Il y a un fort besoin avec un déficit de lit. Quand j’ai pris la tête d’Odalys nous étions 12ème du marché, nous avons de nombreux grands projets en cours avec un grand nombre d’ouvertures. Nous espérons terminer dans le Top 5 d’ici 5 ans.

Sur la marque Odalys City nous avons également des ambitions fortes. Notre croissance sur ce produit est plus modérée. Nous sommes souvent dans les villes en concurrence avec des acteurs du co-working, du co-living qui sont capables de proposer des loyers supérieurs à ce que nous sommes en capacité de proposer. Nous sommes aiguillonnés par Airbnb. Certes Airbnb nous fait du mal sur certaines destinations, mais en même temps, il nous oblige à nous réinventer. Ce que la plateforme a mis en avant et qui est très bien pour nous c’est le fait que les touristes ne sont pas obligés d’aller à l’hôtel pour partir en vacances. Nous Odalys, les Gîtes de France ou encore Abritel le proposons depuis longtemps. La promesse d’Airbnb d'avoir un contact direct avec les locaux, la plupart du temps elle n’est pas tenue. Chez Odalys il y a les services hôteliers autour de l’apparthotel ce qui doit nous permettre de délivrer une promesse meilleure qu’Airbnb.
Odalys est positionnée sur la conciergerie car nous nous sommes rendu compte qu’en dehors des grandes destinations urbaines, il y a un manque. Cela rentre dans notre stratégie sur la destination montagne qui est de pérenniser des emplois et de développer un écosystème qui le permette. Nous sommes présents avec de l’hébergement, du syndic de copropriété et nous pouvons également offrir tout un éventail de services. Ce que nous offrons aujourd’hui pour les gens qui mettent des biens en location, c’est la possibilité d’offrir tous les services de conciergerie : remise de clés, ménage et, à terme, le nettoyage d’ouverture de la saison et aussi les petites réparations tout au long de la saison.
Plus nous étalerons les activités que nous proposons, plus nous nous installerons dans la durée pour ainsi construire des emplois pérennes. Cela désaisonnalise le business et les contrats de travail. A la montagne nous pouvons également envisager de nous positionner dans l’immobilier. Notre présence sur le territoire nous permet d’envisager de répondre à de nombreux besoins.

Nous avons objectivement tout pour proposer une meilleure gestion des appartements pour les propriétaires. Il manque encore une corde à notre arc, le yield management des annonces, nous avons donc signé un partenariat avec un spécialiste.

Le groupe a récemment mis le pied en dehors de la France et de l’autre côté de la Méditerranée, quels sont les objectifs de développement ?

Sur la partie vacances, nous souhaitons nous développer notamment en Espagne. Nous venons de signer notre premier projet de résidence de bord de mer. Nous avons d’autres projets au Portugal.
Sur la partie City et Campus nous sommes ouverts à toute l’Europe excepté peut-être des destinations déjà bien occupées ou trop spécifiques. Comme par exemple la Grande-Bretagne qui a déjà une forte maturité sur ce sujet. Nous avons signé deux projets au Portugal et une première ouverture cette année à Séville. Nous avons également un projet à Liège et nous sommes en pleine accélération sur l’Europe. Nous sommes en train de regarder une quarantaine de projets et nous en avons une quinzaine de signés.

Le marché africain de l’hôtellerie business est en plein développement et la clientèle africaine représente actuellement 55 à 60 % des occupants des établissements hôteliers. Il y a une image souvent tronquée de penser que ce sont des clientèles étrangères qui voyagent dans ces destinations, cela devient de moins en moins vrai. Tout comme les européens voyagent en Europe, les africains voyagent en Afrique.

Nous sommes au démarrage et les africains ont des habitudes de consommations de l’hôtellerie foncièrement différentes des consommateurs européens. Il y a une offre hôtelière ancienne sur des modèles anciens, les chaînes hôtelières sont présentes mais nous pensons qu’il y a un angle que nous pouvons exploiter : l’apparthotel. Nous croyons en cette opportunité de proposer une forme d’indépendance à la clientèle via ce produit. Nous prenons ce pari.
Le Groupe Duval, notre principal actionnaire, est historiquement présent en Afrique depuis longtemps à travers son activité de promotion immobilière, d’assurance et humanitaire. Nous allons donc bien sûr capitaliser sur cette opportunité.

Enfin, dans le cadre de ce déploiement hors de ses frontières historiques, nous sommes heureux d’annoncer la pose récente de la première pierre de la future résidence de tourisme Odalys Vacances en Chine dans le comté d’Anji à moins de 3h de route à l’ouest de Shanghai. Développé en partenariat avec le Groupe Hywin entré dans le capital d’Odalys il y a 3 ans, ce premier projet de 400 à 500 appartements ouvrira en 2023.

Séquence 3 : Une feuille de route ambitieuse

Quelles sont pour vous les priorités 2020 et des années à venir ? Où sera le groupe dans 10 ans ?

Nous allons continuer cette stratégie porteuse, j’aimerais que ce groupe sorte d’une dépendance quasi exclusive au domaine des vacances. C'est pourquoi nous allons continuer à développer Campus et City qui sont deux axes prioritaires en France et à l’étranger. Nous nous développerons également dans une série de métiers comme évoqué plus tôt et qui pourraient être des relais de croissance. L’idée centrale est de multiplier le multiformat, le multi produit, le multi métier, la multi géographie pour assoir un groupe qui, par sa taille, pourra justifier des investissements. Moins de dépendance en termes de cash et de saisonnalité et moins de risque grâce à un éventail de métier et une présence géographique plus diverse que ce ne fut le cas jusqu’à maintenant.

Nous allons développer tout ce qui est camping via l’acquisition de domaines entre 150 et 200 emplacements. Les plus gros campings sont devenus trop onéreux à l’achat. Nous nous développerons également à travers notre nouveau concept Nomad.

Le groupe était considéré comme une cible éventuelle à des acquisitions au moment de mon arrivée. Je pense que nous sommes maintenant dans une dynamique inverse car nous sommes capables de regarder nous des acquisitions.

Comment se finance aujourd’hui votre développement ?

Notre actionnaire le Groupe Duval est un groupe familial de taille importante qui vient du métier de l’immobilier et de la promotion immobilière. Il nous a beaucoup soutenus depuis le début et notamment dans cette phase de transformation.
Nous travaillons depuis longtemps avec un pool bancaire qui nous accompagne et nous a accompagnés sur deux refinancements et continuera à le faire pour nos évolutions futures.

Les développements internationaux sont peu demandeurs de capitaux car nous ne sommes pas propriétaires de nos murs. Nous sommes sur des financements locaux.

Séquence 4 : Une culture du résultat et du bien faire

Pouvez-vous partager avec nous la culture d’entreprise Odalys Groupe ? Comment gérer un personnel très fortement saisonnier ? Comment le recruter et le fidéliser ?

Le personnel c’est une problématique compliquée à gérer car nous sommes sur des métiers par nature saisonniers avec des marges relativement faibles. Il y a encore une proportion de contrat saisonniers ou à durée indéterminée importante.

Nous essayons donc de multiplier les sources de business pour pouvoir sécuriser un maximum de CDI autant que faire se peut.

Un élément important de la culture de l’entreprise, ce sont les parcours de carrière. Nous avons une fidélité, sur nos postes de responsables de résidences et pour les personnes qui se trouvent dans la résidence, assez forte. Sur le terrain là où nous avons théoriquement le plus de difficultés à recruter et à fidéliser, la marque y parvient bien. Cela vient également d’une culture belge où le diplôme n’a pas d’importance. On donne leur chance à beaucoup de gens qui n’ont pas nécessairement le CV qui va bien sur le papier. Ce sont plutôt des contacts et des personnalités qui nous plaisent et nous avons des personnalités très différentes qui apportent beaucoup et s’investissent beaucoup dans nos résidences. Nous leur confions des responsabilités qu’ils n’auraient peut-être pas eu ailleurs. Nous avons tendance à donner plus de responsabilités plus tôt à pas mal de personnes. C’est un bon moyen de fidéliser quand on ne peut pas agir sur le salaire étant donné que nous sommes dans la moyenne du marché.

Mon action dans l’entreprise s’est plus axée sur les comportements, les façons de faire, les prises d’initiatives plutôt que sur des process. Il y avait déjà cette culture du vouloir bien faire que j’ai sentie en arrivant. J’essaie donc de préserver cette valeur intangible qui est inscrite chez les plus anciens et à laquelle les plus jeunes adhèrent assez vite. Nous avons la chance d’avoir des valeurs historiques qui correspondent aux attentes des jeunes aujourd’hui. Nous sommes un assez gros groupe mais en arrivant les gens ont la sensation d’entrer dans une PME.

Qui sont vos clients, quels sont pour vous les enjeux majeurs pour les satisfaire ?

Nous sommes dans industrie que ce soit la grande distribution ou l’hébergement où il est facile d’entrer. Il suffit de pousser les portes d'un supermarché ou d’avoir passé une nuit dans un hôtel pour comprendre de quoi on parle. La plus grande erreur pour les dirigeants et les employés dans notre secteur, c’est de reproduire leurs propres besoins et attentes sur la clientèle. C’est ce qui fait que les entreprises loupent des positionnements ou des tendances.

Le concept basique du bon rapport qualité/prix est pour moi fondamental. Deuxièmement, quel que soit le produit, il faut que nos parcours clients soient les plus fluides possibles

Plutôt que de se projeter sur des plans à 10/15 ans sur « que sera le consommateur de demain », nous travaillons d’abord sur les irritants pour passer sur des éléments plus positifs afin de satisfaire le client. Ecouter nos clients -sans se mettre à leur place- et essayer de comprendre leurs besoins, cela génère beaucoup de valeur.

Tous ces éléments nous essayons d’y répondre de la façon la plus simple et le plus humble possible.

Vous avez alerté les pouvoirs publics français sur l’urgence de réinvestir dans les destinations et l’hébergement pour rester compétitifs, quelles sont pour vous les priorités ?

Peu de choses ont changé depuis ma prise de parole il y a bientôt deux ans. Il est difficile d’atteindre un objectif si on ne comprend pas ce qu’il y a derrière. 100 millions de visiteurs cela veut tout et rien dire. Aujourd’hui 100 millions de visiteurs, si je caricature et à dessein, cela se résume à « combien de touristes chinois allons-nous accueillir ? »
Odalys travaille dans les territoires, sécurise des emplois en montagne et à la mer. Nous y sommes un employeur qui compte et qui génère de la valeur dans les territoires.
Il ne faut pas oublier tout le travail qu’il reste à faire pour inciter les français à partir en vacances en France ce qui reste une priorité. C’est en tout cas pour moi, la priorité.
Je pense que nous n’avons pas pris la mesure collectivement de ces enjeux avec des objectifs trop généraux, pas assez détaillés.
Il faudrait par exemple s’interroger sur la destination montagne. Quels sont nos objectifs ? Nous étions numéro 1 nous sommes « petit » numéro 3 avec un modèle économique compliqué et des outils qui ne sont pas adaptés. Il y a par exemple une loi à l’encontre des emplois saisonniers qui sont pourtant le cœur de notre business.
Il est urgent de donner aux entreprises les moyens pour continuer à investir. Nous devons avoir une réflexion importante sur les écosystèmes de la montagne et c’est vrai également pour la mer et la campagne.
Il faut se mettre autour de la table et fixer un « objectif montagne ».

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