
Une marque hôtelière peut-elle correspondre au concept "One size fits all" ? Jusqu'où peuvent-elles s'adapter aux différents marchés de leur développement international ? Toutes ces thématiques ont été abordées le lundi 17 mars dernier, autour de la deuxième table ronde du Global Lodging Forum intitulée "Quelle dose de flexibilité peuvent supporter les marques pour assurer leur développement international ?"
Le défi est toujours de concilier les principes de base qui composent l'identité d'une marque avec une dimension locale cohérente. Alors que beaucoup de nos marques proviennent des Etats-Unis, nous observons de plus en plus une adaptation locale. Il y a deux ans, Courtyard by Marriott, par exemple, a lancé un nouveau prototype pour l'Europe avec une chambre adaptée et un design dans les espaces publics qui répond mieux aux besoins de ces marchés spécifiques. Compte tenu de la nature fragmentée du marché européen de l'hébergement, nous y voyons beaucoup de potentiel de développement via la conversion d'hôtels et de bâtiments existants, qui nécessitent naturellement un plus haut degré d'adaptation. Les marques qui sont les plus propices aux conversions sont AC by Marriott et Autograph Collection. Christian KARAOGLANIAN, Chief Developement Officer, Accor :Les marques standardisées sont apparues en Europe à la fin des années 60-70 alors que l'hôtellerie était en très mauvais état et que les clients avaient besoin d'une sécurité. C'était également un moyen d'avoir une économie d'échelle avec un business modèle efficace. Aujourd'hui les choses ont changé, les clients n'ont plus besoin de standards pour être rassurés et le modèle n'est plus intéressant au vu du développement de l'asset light. C'est pour cela que nous avons créé l'enseigne All Seasons, aujourd'hui ibis Styles, en réponse à l'amélioration du niveau moyen de l'hôtellerie et de l'arrivée des hôtels newlook sur le segment économique. Le plus important est de garder ses basics et même dans les destinations où on nous a demandé des services adaptés, on revient aujourd'hui sur les basics. David HEIJLIGERS, Senior Director Development, France & Benelux, Hilton Worldwide :Hampton Inn, devenu Hampton Inn by Hilton sur le marché européen, est un produit très américain que nous avons adapté à la clientèle du Vieux Continent, notamment en ce qui concerne le mobilier. Nous en avons fait un produit européen. Même s'il faut garder une certaine homogénéité de manière générale, il ne faut pas pour autant être un fondamentaliste de la marque et se fermer à toute adaptation locale, notamment sur les petits déjeuners. Nous avons néanmoins une clientèle très internationale et nous essayons de normer nos produits et d'avoir des standards internationaux. La flexibilité doit être raisonnable. Nous avons également d'autres marques moins standardisées comme Double Tree by Hilton. Pour moi les deux choses les plus importantes sont la promesse client et la promesse investisseur, et quoi que l'on choisisse, il faut être en mesure d'assurer les résultats derrière. David VELY, Senior VP Development Middle East & Africa, Whitbread :Notre développement à l'international est modeste et nous n'intervenons que dans un petit nombre de marchés sélectifs en Inde et au Moyen Orient. Nous travaillons avec des partenaires investisseurs et de manière générale les développements que nous réalisons sont sujets à trois ou quatre contraintes spécifiques. L'identité d'une marque ne réside pas forcement dans un produit en dur mais plutôt dans la notion de service et de voyage avec le client. En ce qui concerne le segment de l'hôtellerie économique, le service peut être limité en nombre mais pas en qualité. Il doit apporter la garantie d'une bonne nuit dans un environnement confortable. Par exemple, nous faisons la promesse à nos clients de faire dormir quatre personnes dans une seule chambre, et même si elle change selon les marchés la promesse sera tenue. Une marque c'est avant tout cette promesse de service. Elie YOUNES, Senior VP, Head of Group Development, Carlson Rezidor/Rezidor Hotel Group :L'une des principales raisons pour lesquelles nos marques Radisson Blu et Park Inn by Radisson se développent très rapidement en Europe est qu'elles sont adaptables aux différents marchés du continent. Il faut néanmoins trouver le bon équilibre entre l'ADN de la marque et son adaptation au marché local. En ce qui concerne Radisson Blu, l'ADN de l'enseigne est l'innovation, comme le reflète l'aquarium géant installé dans le lobby du Radisson Blu de Berlin. Par ailleurs, nous avons arrêté le développement de la marque Missoni car lorsque l'on souhaite adapter une marque de haute couture à l'industrie hôtellerie, il y a conflit d'intérêt avec l'aspect commercial de notre activité. Nous n'étions ainsi pas en mesure d'atteindre nos objectifs commerciaux. Laurent BONNEFOUS, Director of Development, B&B Hôtels :L'ADN de B&B est flexible et nous avons ainsi été en mesure de développer nos produits en Allemagne, en les adaptant au marché local, pour ensuite décliner le modèle en Pologne et dans nos autres destinations. Quelles que soient les destinations, les niveaux de services de changent pas, on reste dans un hôtel B&B. Cependant certains changements peuvent intervenir sur l'aspect physique des établissements, notamment sur les couettes qui ne sont pas les mêmes en France ou sur le mobilier en ce qui concerne l'Italie. La France reste notre principal marché mais nous nous développons de plus en plus à l'international, notamment en Europe. Je pense que le fait d'avoir des hôtels légèrement différents ne fait pas perdre des clients et qu'il est illusoire de vouloir imposer des choses très particulières. Matthieu EVRARD, Executive Director - Development & Asset Management, Louvre Hotels Group :La flexibilité d'un produit hôtelier dépend du segment sur lequel il est positionné. Plus on est sur une catégorie économique, plus le produit est rigide. Et inversement, plus on monte en gamme plus le produit est flexible, car il se base davantage sur l'expérience client et sur le marché local. Par ailleurs, on peut placer un produit sur un même segment et être contraint d'opérer des changements selon les marchés car les standards de positionnement diffèrent. Par exemple, au Brésil le développement immobilier se fait uniquement sur de grosses structures et il n'y est pas envisageable d'y développer un hôtel de 50 chambres. Notre stratégie consiste à utiliser la source européenne pour créer une demande domestique et une fois le produit bien ancré sur son marché, on organise une distribution transfrontalière.Philippe BIJAOUI, VP Development Europe, InterContinental Hotels Group :Holiday Inn est un produit très développé aux Etats Unis et à l'international. En ce qui concerne cette chaîne, s'il y a un point sur lequel nous ne sommes pas flexibles, c'est la satisfaction des clients. Nous avons dû sacrifier plusieurs de nos établissements pour atteindre une certaine cohérence par rapport à la marque dans sa globalité. Holiday Inn Express est un produit plus standard pour lequel nous avons joué sur la construction des établissements afin de le développer à l'international. Par exemple, en Russie nous avons mis au point des modules pour être en mesure de poursuivre les chantiers en hiver malgré les conditions extrêmes du climat dans le pays. Je pense que la construction est un vrai levier d'adaptation pour le développement international des chaînes hôtelières.