Entretien avec Valérie Pécresse, Présidente de la région Île-de-France qui revient sur les actions mises en oeuvre pour accompagner les professionnels du tourisme face à la crise liée à la Covid 19. Elle partage aussi les atouts de la destination et les possibilités de développement pour optimiser cette activité économiquement importante pour la région.
La pandémie de COVID-19 a fortement touché le marché touristique, quel a été l’impact pour la région Île-de-France ?
Valérie Pécresse : Paris Île-de-France était la première destination mondiale, avec plus de 50 millions de touristes en 2019. L’épidémie a donc eu un impact majeur sur notre destination. Au premier semestre 2020, nous avons ainsi pu estimer la perte à plus de 15 millions de touristes, et cela se poursuit au second semestre, suite aux évolutions de l’épidémie et donc des restrictions mises en place.
Cela représente, pour les 6 premiers mois de l’année, 7 milliards d’euros de perdus par rapport à 2019, soit 1/3 des retombées économiques de l’année dernière en moins.
Cette crise impacte-t-elle de manière uniforme l’ensemble des territoires ?
Valérie Pécresse : Si la crise a un impact lourd sur tous les territoires, il est certain que le coeur de la destination, très urbain et dense, souffre fortement. Entre le 1er juillet et le 3 octobre, par exemple, la fréquentation touristique a été deux fois plus importante en Île-de-France hors Paris, qu’à Paris intra-Entretien avec Valérie Pécresse, Présidente de la région Île-de-France muros. Il est clair que les Franciliens et les Français qui ont représenté l’essentiel de notre clientèle à cette période, ont préféré sortir du coeur de l’agglomération pour leurs weekends ou leurs vacances.
Quelles ont été les mesures prises pour soutenir le secteur touristique ?
Valérie Pécresse : La Région s’est mobilisée dès le début de la pandémie en mettant en place des dispositifs de soutien aux entreprises. Nous avons notamment abondé le fonds de solidarité national à hauteur de 156 millions d’euros. 19% des aides de ce Fonds, soit 300 millions d’euros, sont allées à des entreprises liées au tourisme en Ile de France. Nous avons également mis en place un dispositif de prêts rebonds et, de nouveau, 12% des prêts ont concerné le secteur touristique, soit environ 600 entreprises franciliennes, représentant 30 millions d’euros. Enfin, nous avons déployé un Fonds Résilience Ile de France et collectivités, doté de 100 millions d’euros, qui s’adresse avant tout aux entreprises ne pouvant bénéficier des autres dispositifs ; là encore le secteur du tourisme, et en particulier, l’hôtellerie et de la restauration, représente environ 25% des demandes. Ce sont ainsi près de 400 entreprises du secteur tourisme, en majorité des TPE, qui ont déjà bénéficié d’une avance remboursable pour un montant total de 11 millions d’euros.
Nous pouvons donc bien saisir par ces chiffres, la sur-représentation du secteur touristique, au regard de son poids dans le PIB régional (autour de 7%), et donc l’impact majeur qu’a cette crise sur son quotidien. J’ai souhaité accompagner ces mesures de soutien immédiat par un plan de relance porté par le Comité Régional du Tourisme Paris Île-de-France qui portait sur plusieurs axes.
Tout d’abord, nous avons engagé un programme de promotion en France et à l’International pour maintenir le contact entre l’offre touristique et les prescripteurs. Nous devons ainsi être prêts dès qu’il sera possible de voyager de nouveau.
Nous avons également lancé un certain nombre de campagnes de communication à destination du grand public, afin de donner envie de venir et revenir visiter nos territoires. Le CRT a mené ainsi cet été des campagnes à destination des Franciliens et des Français, avant d’aller chercher les clientèles européennes de proximité quand les déplacements seront de nouveau envisageables.
Nous travaillons également à un plan de soutien aux projets des territoires, notamment sur l’investissement avec le Fonds régional pour le tourisme, ou grâce aux équipes du CRT, qui se sont fortement mobilisées à leurs côtés, en matière d’ingénierie ou de formation. Nous nous appuyons évidemment sur les territoires pour inviter les Franciliens à découvrir ou redécouvrir leur région.
Enfin, nous avons, dans des temps records, fait émerger un certain nombre de projets, comme l’application Paris Region Aventures, qui permet aux familles franciliennes de partir découvrir 30 aventures réparties sur tout le territoire.
Paris et l’Île-de-France sont des destinations MICE, une activité qui génère normalement des revenus importants pour la destination et ses acteurs. Qu’avez-vous mis en place pour soutenir cette filière ?
Valérie Pécresse : La filière MICE est en effet un vecteur majeur d’attractivité et de retombées économiques. Son dynamisme fait de l’Île-de-France la première destination mondiale en la matière. La crise est venue freiner considérablement cette filière, et la Région s’est engagée à la soutenir. J’ai souhaité, avec Promosalons, la CCI Paris Île-de-France et Viparis, réaffirmer combien notre destination présentait toutes les garanties de sécurité sanitaire nécessaires à la bonne tenue des événements. Cela est fondamental pour l’avenir, afin de rassurer les organisateurs d’événements. Nous allons également travailler avec les acteurs de la filière pour retourner chercher des clients et garantir un retour de l’activité dès que cela sera possible.
Comment se structure l’aide autour des sites culturels et patrimoniaux, fort vecteurs d’attractivité de la destination ?
Valérie Pécresse : Au-delà des fonds de soutien et des prêts rebonds, nous avons souhaité accompagner les acteurs touristiques, et en particulier culturels et patrimoniaux, dans leurs projets liés à la sécurité sanitaire. Nous avons ainsi pu, grâce au Fonds régional pour le tourisme, accompagner 23 projets de sites touristiques souhaitant s’adapter aux nouvelles demandes des clientèles et apporter une réelle réassurance en matière de sécurité sanitaire.
Quels seront selon vous, les plus grands défis de cette relance ?
Valérie Pécresse : Les défis sont multiples. Tout d’abord il nous faut passer le cap de cette crise et assurer au secteur touristique tout le soutien nécessaire pour limiter les conséquences économiques et sociales. C’est un défi majeur, et j’ai sollicité l’Etat à de multiples reprises sur cette question, afin de garantir que les mesures sanitaires prises soient accompagnées de mesures de soutien économiques sans précédent.
Le chantier suivant sera d’accompagner le rebond de l’activité touristique, car il est certain que, lorsque la situation s’améliorera, toutes les destinations, en particulier européennes, vont vouloir attirer de nouveau des touristes. Paris Île-de-France doit rester la première d’entre elles. Nous devons collectivement assurer que le rêve porté par notre destination soit entretenu auprès de nos clientèles.
Enfin, et c’est un élément fondamental, nous devons nous projeter dans l’avenir et tirer les leçons de cette crise, notamment en matière de changement des comportements. Je suis convaincu que le voyage restera un élément culturel majeur du monde dans lequel nous vivons, et donc que l’activité touristique poursuivra son développement. Mais les multiples crises que nous avons traversé depuis 2015 ont prouvé qu’il fallait renforcer fortement la résilience de notre destination et de ses acteurs. Il nous faut ainsi anticiper plus fortement et que le secteur touristique se transforme afin de s’adapter aux mutations profondes de notre monde : transition écologique, innovation, agilité des professionnels.
C’est pour cette raison que j’ai souhaité engager, au même moment que les élus régionaux votaient le plan de relance, l’élaboration du prochain Schéma régional de développement du tourisme et des loisirs d’Île-de-France 2022-2026.
Nous devons en effet à la fois relancer l’activité aujourd’hui et demain, et réenchanter la destination pour la suite. Nous aurons à accueillir de grands événements sportifs internationaux, comme la coupe du monde de rugby de 2023 ou les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, et ils doivent être l’occasion de montrer notre excellence, et garantir ainsi un développement durable du tourisme dans notre territoire. Ce sont des occasions majeures à saisir pour assurer le dynamisme de ce secteur d’activité si fondamental pour la Région.