
Débordements, incivilités, épuisement des ressources et des habitants, dégradation de l'expérience visiteur... le tourisme serait, pour certaines destinations, source de troubles ressentis trop fréquemment par les autochtones. Entre mythe et réalité, quels sont les vrais enjeux ? Que disent les chiffres de l'activité hôtelière ? Quelles solutions sont apportées par certains ? Hospitality ON lance une série d'analyses sur ce sujet qui fait la une de l'actualité depuis le début de l'été. Première partie : Paris.
Ce que la presse et les politiques en disent
En février 2019 lors de la communication des résultats record de la fréquentation touristique en Île-de-France, Valérie Pécresse déclarait « Il n’y a pas de “surtourisme” en Ile-de-France » [...]« Nos infrastructures sont au contraire sous-utilisées. Des destinations comme Vaux-le-Vicomte [Seine-et-Marne], la maison de Van Gogh à Auvers-sur-Oise [Val-d’Oise] ou celle de Cocteau à Milly-la-Forêt [Essonne] ne sont pas assez mises en valeur. Donc il faut y aller à fond. »
Gaspard Gantzer candidat à la Mairie de Paris déclarait sur RMC « J’assume et je revendique le fait que je pense qu’il y a du surtourisme à Paris. On est en train devenir Venise ou le centre de Rome, et c'est épouvantable et c'est un enfer. Je n’ai pas envie que ma ville soit une carte postale d'Amélie Poulain. »
Quant à Anne Hidalgo, actuelle Maire de Paris, elle reste silencieuse sur ce sujet qui pourrait devenir centrale pour la campagne des municipales à venir.
Le gouvernement français a annoncé la mise en place d'un groupe de travail pour traiter des problématiques de surtourisme au cœur de l'été. Il a été intitulé "Développement durable et tourisme". Reste à savoir les thématiques qui y seront abordées, les interlocuteurs qui y seront conviés et la commande qui lui sera faite par le gouvernement sous la houlette de Jean-Baptiste Lemoyne.
Journaux nationaux, locaux et professionnels sont nombreux à traiter du sujet. Les Echos, Bloomberg, Le Parisien, les JT en prime time, 20minutes, France Inter... et bien d'autres ont abordé l'épineuse question.
Les faits
Les salariés de la Tour Eiffel avaient fait part de leur mécontentement sur leurs conditions de travail liées à l'affluence toujours plus grande de visiteurs venus admirer la Dame de Fer. Contraints par les quatre ascenseurs et escaliers, les équipes de directions estiment être arrivées à saturation des capacités d'absorption de visiteurs à l'année, soit 7 millions de personnes.
Fin mai 2019, le Louvre restait fermé suite à une grève du personnel disant constater "une dégradation sans précédent des conditions de visite et de travail".
L'incendie de la Cathédrale Notre Dame a reporté de nombreux touristes sur d'autres monuments emblématiques parisiens, créant une congestion sans précédent.
Au sein du Musée du Louvre, le réaménagement de la Salle des Etats, qui abritait la Joconde, n'a pas manqué de créer des troubles cet été. Le chef d'œuvre a été déplacé en attendant la fin de travaux en novembre 2019, mais dans un endroit moins bien placé en termes de gestion des flux car plus directement accessible depuis l'entrée du musée.
Les chiffres
Cet été en France, selon l'Observatoire MKG Consulting / OK_destination, c'est la province qui a bénéficié de l'afflux de touristes et non Paris pour les hôteliers. -1 point de fréquentation en juillet et -1,3 point en août par rapport à la même période en 2018. Les hôteliers franciliens affichent également un recul de fréquentation de -2 points en juillet et de -1,3 point en août, selon les estimations MKG. C'est l'hôtellerie milieu et haut de gamme qui est la plus impactée, preuve que la clientèle internationale était moins présente dans l'hôtellerie (voir les tendances des performances hôtelières en juillet pour plus de détails). Elément à ne pas négliger, le report de certains clients sur d'autres types d'hébergements que l'hôtellerie (collaboratif, hostels...).
Dans son Bilan touristique du premier semestre 2019 à août, la région Île-de-France annonce une baisse des arrivées internationales (-42 000 visiteurs pour 7,9 millions d'arrivées internationales) pas totalement compensée par les 30 000 visiteurs français en plus. 2019 s'annonce néanmoins comme le deuxième meilleur cru depuis 2010 en s'approchant de la fréquentation record enregistrée en 2018.
Crise des gilets jaunes, Brexit et temps incertain sont autant de facteurs qui ont impacté la fréquentation internationale de la Ville Lumière et ses abords. la destination totalise par exemple depuis le début de l'année un peu plus de 2 millions de nuitées pour la clientèle britannique, soit 384 000 de moins qu'en 2018.
Quelles solutions ?
Le Musée du Louvre a totalement réaménagé l'accueil sous la pyramide entre 2014 et 2016 afin de recevoir l'afflux de visiteurs dans de meilleures conditions. Pourtant les difficultés persistent. Le musée tente néanmoins d'attirer les visiteurs vers des collections moins prisées, mais comment convaincre un primo visiteur de ne pas aller voir la Joconde ?
Certaines destinations culturelles, comme la Sagrada Familia à Barcelone, le château de Neuschwanstein ou encore le Musée Van Gogh à Amsterdam et plus près la Tour Eiffel, régulent le flux de visiteurs en privilégiant - voire exclusivement - les réservations de billets à l'avance. Le Musée du Louvre commence à s'emparer de cet outil avec parfois quelques "couac" au niveau de la communication vers les visiteurs souvent surpris de ne pouvoir accéder sans billet réservé.
La Tour Eiffel a doublé son prix d'entrée et ainsi financer ses travaux de mise en sécurité tout en lançant un appel d'offre qui prévoit l'ouverture de 5 boutiques plus qualitatives d'ici 2020, un autre moyen de faire décoller le panier moyen de ses visiteurs.
Toutefois, si la problématique concerne chaque lieu où il y a une affluence importante de visiteurs, il semble que la problématique doive également être traitée au niveau des destinations.


