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Marie-Laure Deligarde et Christophe Boinet, avocats : Attention dangers

8 min de lecture

Publié le 15/02/11 - Mis à jour le 17/03/22

Avec plusieurs dizaines d’années cumulées dans le conseil juridique au sein du premier groupe hôtelier européen, pour l’une, et dans un cabinet spécialiste de la législation en matière de résidence de tourisme, pour l’autre, Marie-Laure et Christopher ont récemment réuni leurs compétence au sein d’une même structure, décidés à alerter les chefs d’entreprise du secteur sur la nécessité de bien se couvrir et sur l’importance d’un bon accompagnement juridique au quotidien.

Dans quelle mesure le conseil juri­dique devrait désormais faire partie du management hôtelier ?

ML.D. : Le conseil juridique intervient alors comme un catalyseur d’énergie pour assister à la négociation, notamment dans les contrats de gestion ou de franchise avec de grandes enseignes. Les forces en jeu ne sont pas les mêmes. Il nous appartient alors de rétablir un rapport de professionnels à profession­nels, en y ajoutant une bonne dose de séré­nité.ML.D. : Il a toujours été naturel pour les groupes hôteliers d’une certaine taille de disposer d’un service juridique pour sécuri­ser l’environnement administratif et légal de l’activité et traiter de toutes les questions relatives aux contrats, aux relations avec les partenaires, les investisseurs etc. Cela ne semblait pas forcément nécessaire aux diri­geants de PME bien que, dans leur vie quotidienne, et de plus en plus, ils soient confrontés à des situations où un conseil juridique est indispensable. Je prendrai deux exemples d’actualité : la mise en conformité par rapport aux nouvelles normes qui s’im­posent dans l’hôtellerie, et dont l’ignorance peut entrainer des conséquences graves pou­vant aller jusqu’à engager la responsabilité pénale de l’exploitant ; et la transmission d’entreprise ou sa restructuration, qui s’ac­compagne désormais d’évaluation, d’audits, de financement d’une grande complexité, et pour lesquelles il faut impérativement se border juridiquement.En quoi, l’expert-comptable ou le notaire ne sont-ils pas suffisants pour fournir ce conseil ?C.B. : Le métier de l’hôtellerie devient à l’évidence de plus en plus complexe et il est important désormais que les conseils soient apportés par des avocats qui disposent d’un réseau de professionnels du secteur que ce soit dans la finance, la construction, les assu­rances… pour apporter une réelle valeur ajoutée à leurs clients. Les hôteliers et les gestionnaires de résidences doivent faire face à une réglementation et à des engage­ments contractuels qui ne laissent aucune place à l’improvisation et qui sont lourds de conséquences à terme. De nos expériences récentes, il ressort encore trop d’approxima­tion de la part des exploitants. Ceux ci ne sont pas assez armés dans ces moments déci­sifs quand il s’agit, par exemple, de ver­rouiller les livraisons de chantier de rénova­tion d’hotels d’hôtels ou résidences, de modifier la destination d’un bâtiment, ou même de négocier un contrat de gestion ou de reprise d’établissement. Les contentieux font partie de la vie de l’entreprise mais ils ne doivent pas en perturber gravement et longtemps l’activité ni affecter le sort de l’entreprise elle-même. Ces contentieux s’anticipent, se déclenchent, se gèrent avec l’aide de conseils juridiques avisés qui ont déjà eu à les vivre par expérience.On aurait tendance à considérer votre intervention comme celle d’un avocat qui vient sortir l’entreprise d’un guêpier où elle s’est fourrée...ML.D. : L’avocat est là pour anticiper les problèmes juridiques soulevés par les choix de l’exploitant. La vision que nous avons du conseil juridique est aussi celle du «risk management». Pour la plupart des opéra­teurs hôteliers qui s’investissent à fond dans leur affaire, la faiblesse principale est le manque de temps ou de vigilance dans le suivi de certains dossiers parce que jugés trop administratifs ou hermétiques et dont les conséquences, in fine, peuvent être très coûteuses pour l’entreprise.L’image de votre profession ne souffre-t-elle pas justement de cette association avec le conten­tieux ?C.B. : Sans doute et c’est pour cela que nous insistons sur l’appellation de conseil et non pas d’avocat, associé traditionnellement à la plaidoirie et à la procédure. Cela étant, le rôle de conseil est déterminant pour prévenir les incidents de parcours comme par exemple une renégociation de l’endettement dans le cadre d’une procédure sauvegarde, dont les règles ont évolué récemment et pour les­quelles un avocat peut faire pencher la balance du fait de sa parfaite connaissance de l’entreprise et de son environnement.Cela implique t-il de faire partie du premier cercle des collaborateurs réguliers de l’opérateur hôtelier ?ML.D. : Oui, car nous sommes des avocats de «terrain» travaillant en empathie avec nos clients. Certes, le droit n’est pas le sujet de prédilection des hôteliers, pourtant, on ne peut pas l’ignorer. Nos expériences combi­nées au sein d’un grand groupe hôtelier et comme avocat depuis 24 ans dans l’immobi­lier et dans le secteur des résidences notam­ment nous permettent d’avoir le même lan­gage et la même connaissance du marché, voir même savoir lire dans le détail un compte d’exploitation d’entreprise. Les montants des investissements en jeu sont devenus tels qu’il est dangereux de ne pas sécuriser au mieux son activité particulière­ment dans ses rapports avec les partenaires extérieurs. Encore faut-il connaître les points à surveiller pour bien accompagner le déve­loppement à chaque stade de la vie d’une entreprise hôtelière. Je suis encore surprise face à l’imprudence des exploitants et des investisseurs dans ce secteur d’activité.Y a-t-il des sujets de prédilection sur lequel il faut attirer l’attention des hôteliers ?C.B. : En fait les exemples fourmillent pour lesquels selon que l’on exploite l’établisse­ment sous forme d’hôtel ou de résidence par exemple, la responsabilité et les risques encourus ne sont pas les mêmes. C’est le cas en matière de sécurité des biens et des per­sonnes. C’est encore plus le cas pour organi­ser son patrimoine et la transmission de ce patrimoine. Je suis en ce moment différents dossiers de transformation d’hôtels en rési­dences de tourisme. Ce sont des opérations extrêmement complexes qui requiert des compétences spécifiques pas seulement dans le domaine du droit.Que recommandez-vous à des exploitants hôteliers pour être suf­fisamment bien «bordés» en matière juridique ?ML.D. : Les gestionnaires de PME ont rare­ment le management complet nécessaire pour couvrir tous les aspects précis de son exploitation. Il sera bien avisé de faire appel à un conseil suffisamment généraliste pour connaître tous les compartiments du droit, mais avec l’expérience terrain du métier hôtelier pour l’avoir approché déjà de près. C’est la bonne approche pour être assisté dans la création ou l’achat des murs et du fonds de commerce hôtelier et dans sa ges­tion régulière. Les conditions de l’exploita­tion hôtelière sont particulières car il y a, et heureusement, une nombreuse clientèle dont chaque élément représente un risque indivi­duel pendant son séjour, couplée au fait que les investissements sont de plus en plus lourds. Le conseil juridique doit être consi­dérer avec une dimension de valeur ajoutée.Est-ce que vous n’avez pas ten­dance à dramatiser ces risques ?ML.D. : Malheureusement non, le risque est partout, pourquoi le dénier ? C’est pourquoi nous recommandons un accompagnement pragmatique et adapté aux risques d’exploi­tation et à l’activité d’hôtelier.C.B. : J’ajouterai que le domaine du conten­tieux est aussi anxiogène. Le rôle du conseil est de dédramatiser la situation et de co-pilo­ter la procédure avec le chef d’entreprise. Comment peut-on demander à un hôtelier d’être un professionnel dans son domaine et en même temps d’être un expert dans les domaines du droit et de la négociation ?ML.D. : Le conseil juridique intervient alors comme un catalyseur d’énergie pour assister à la négociation, notamment dans les contrats de gestion ou de franchise avec de grandes enseignes. Les forces en jeu ne sont pas les mêmes. Il nous appartient alors de rétablir un rapport de professionnels à profession­nels, en y ajoutant une bonne dose de séré­nité.

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