La mise en bourse de la célèbre plateforme touristique, qui a disrupté toute l'industrie de l'hébergement marchand, a rencontré un franc succès auprès des investisseurs, alors même que le contexte est encore très défavorable au secteur. Le paysage économique de l'hospitality mondiale en ressort transformé.
Après de nombreuses années d'attente, la célèbre plateforme de location touristique a enfin fait ses premiers pas en bourse jeudi dernier, avec une valeur d'introduction de 68 dollars par action.
Airbnb avait initialement prévu de mettre ses actions sur le marché à une valeur d'environ 44-50$ chacune avant de finalement rehausser leur prix à 68$ par action, soit une valorisation totale d'environ 42 milliards de dollars mercredi soir, juste avant son introduction en bourse jeudi matin. Visiblement la plate-forme aurait peut-être même pu viser mieux, puisqu'au moment de la clôture du Nasdaq ce même jour, les actions cotaient à pas moins 146 €, bondissant de 115% dès le jour de son introduction.
Au moment de sa première clôture le jeudi soir, la plateforme capitalisait donc à plus de 100 milliards de dollars en Bourse. Si elle est depuis redescendue à un niveau autour de 76 milliards de dollars lundi en milieu de journée, cela le positionne très nettement au-dessus de tous les groupes hôteliers mondiaux et lui permet de talonner Booking :
Booking | Airbnb | Marriott Intl. | Hilton | IHG | Accor | |
---|---|---|---|---|---|---|
Capitalisation 14/12 milieu de journée | 87 mds $ | 76 mds $ | 52 mds $ | 37 mds $ | 14 mds $ | 11 mds $ |
De la même façon que le secteur du tourisme en général, la Plateforme a pourtant été largement touchée en cette année 2020 par les mesures sanitaires restrictives pour le tourisme. Elle a ainsi perdu 32% de son chiffre d'affaire sur les 9 premiers mois de l'année, a été obligée de lever 2 milliards de dollars et de licencier 25% de ses salariés. La société avait été donc valorisée à seulement 18 milliards de dollars en avril dernier : cet écart entre la valorisation d'aujourd'hui et celle d'avril pourrait démontrer une certaine incertitude concernant l'avenir de l'entreprise et du secteur en général, et/ou refléter plus largement la forte appétence des investisseurs en bourse pour les nouvelles entreprises de la "Tech", dont les success stories peuvent aussi, à l'image de Tesla, être plus liées à la perception de leurs perspectives de croissance à long terme qu'à leur situation financière immédiate.
Pourtant, la croissance annuelle des revenus de la société avait tout de même ralenti avant la crise de 2020. Alors qu'en 2016, le CA augmentait de 80%, en 2019 la croissance avait ralenti pour la troisième année consécutive, atteignant tout de même un enviable 32% annuel. Fait notable au passage, comme indiqué dans son prospectus d'introduction en bourse qui recèle de nombreuses informations-clés sur ses activités, Airbnb a donc déclaré avoir généré un volume d'affaires de 38 milliards de dollars en 2019, et un chiffre d'affaires de 4,8 milliards sur l'année 2019, soit un taux de commission moyen de 12,6% dans le monde. Il est à noter que l'Europe pèse autant que l'Amérique du Nord dans l'activité d'Airbnb, soit environ 40% des volumes et du chiffre d'affaires de la plate-forme :
Sur les 38 milliards de CA réalisés en 2019, 12% viennent des 10 premières villes présentes sur la plate-forme, qui sont dans l'ordre : Londres, New York, Paris, Los Angeles, Rome, Barcelone, Tokyo, Toronto, San Diego et Lisbonne ; selon la plate-forme aucune ville ne génère plus de 2,5% du total.
En effet, dans le contexte de ses nouveaux moyens financiers renforcés, l'un des risques pour Airbnb est d'être encore plus ciblée demain par certaines de ces villes qui souhaitent mieux contrôler cette pratique en imposant un nombre maximum de nuits en location pour éviter une transformation massive de logements en locations touristiques.
Mais il n'en reste pas moins que de juillet à septembre 2020, Airbnb a tout de même pu profiter de la volonté des touristes de partir pour des longs weekends à proximité du domicile, et du fait que certaines personnes avaient peur de séjourner à l'hôtel par peur de croiser trop de monde, privilégiant ainsi la location entre particuliers. Airbnb a ainsi gagné 219 millions de dollars sur cette période, mettant en avant la solidité de la demande et des tendances de réservations domestiques et/ou sur les marché de proximité.
Ce système d'hébergement touristique qui a su mettre en confiance les voyageurs cet été semble donc bien de la même façon avoir mis en confiance les investisseurs en Bourse cet hiver.