L'Ahtop dépose plainte contre les plates-formes "collaboratives"

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Publié le 23/06/16 - Mis à jour le 17/03/22

Jean-Bernard Falco, Président de l'Ahtop

L'Association pour un Hébergement et un Tourisme Professionnel renonce à convaincre paisiblement les acteurs de l'hébergement "collaboratif" à rentrer dans le rang d'une concurrence équitable. Face aux dérives et aux conséquences de plus en plus sensibles sur leur activité, les professionnels de l'hôtellerie passent à l'action judiciaire en déposant plainte contre X pour pratiques illégales et infractions au code pénal. La machine est en marche, outre l'action législative qui doit mettre un peu d'ordre dans les règles du marché. Le coup de bâton pourrait conduire les dirigeants des principales plates-formes à plus de responsabilité collective et à intégrer en toute transparence la famille de l'hébergement marchand prête à les accueillir.

L'Ahtop regroupe des hôteliers indépendants, des groupes familiaux, des chaînes mais aussi des syndicats professionnels et des investisseurs qui font tous le constat que le phénomène de la location d'appartements entre particuliers a pris une dimension catastrophique pour de nombreuses activités marchandes ayant pignon sur rue.Focalisé sur AirBnB et son discours lénifiant, le constat intègre directement les 127 acteurs de l'hébergement collaboratif répertoriés en France. Si le public répond avec enthousiasme aux offres faites par les plates-formes, les conséquences pratiques n'ont pas l'effet positif régulièrement mis en avant par les défenseurs de ces nouvelles pratiques. L'apport de nouvelles clientèles s'avère plutôt marginal face aux capacités d'accueil global des grandes métropoles et au développement naturel du tourisme international. En revanche, le détournement de clientèle hôtelière vers la location entre particuliers s'accentue (30% à 50% selon les estimations) qui se traduit par une baisse globale de 20% du revenu des hôteliers sur Paris et une baisse escomptée de la perception de taxe de séjour pour la Ville, car les taux pratiqués par les hébergeurs collaboratifs sont nettement inférieurs à la collecte des hôteliers.D'autres conséquences matérielles s'aggravent : sortie d'environ 40 000 appartements de la location traditionnelle, rendant plus difficile l'hébergement à long terme des salariés des entreprises parisiennes ; baisse conséquente des investissements hôteliers par manque de revenus et de perspectives ; déstabilisation des agences immobilières qui perdent du chiffre d'affaires ; accentuation des nuisances et des troubles quotidiens dans les immeubles parisiens. Contrairement au discours officiel de partage d'expériences par des propriétaires accueillant des invités dans leur logement, la réalité du marché parisien est de 92% des offres AirBnB en logements entiers pour seulement 8% de chambres individuelles dans un appartement occupé. Il s'agit donc bien d'une offre d'hébergement concurrente de l'hôtellerie et de la résidence hôtelière (un équivalent 80 000 chambres pour Paris).Au-delà de cette "disruption" de l'économie traditionnelle de l'hébergement marchand, à laquelle il faudra s'adapter de toute manière, les nouveaux acteurs, qui répondent à une évolution des besoins de la clientèle, ne se comportent pas en entreprises citoyennes et respectueuses des Etats qui abritent leur business. Pour un montant de revenus évalué à minima à 60 millions d'euros en 2014 (certainement au-delà des 100 millions en réalité), l'entreprise AirBnB France n'a déclaré que 5 millions d'euros de chiffre d'affaires et payé 90 000 euros d'impôts sur les sociétés. Les flux financiers étant largement détournés vers l'Irlande au régime fiscal particulièrement avantageux.Face à cette situation, l'Ahtop agit sur deux fronts : le premier est parlementaire en incitant les élus à voter trois amendements à la prochaine loi sur la République numérique, qui ramèneraient un peu d'équité : - déclaration en mairie des logements proposés sur les plates-formes à fin de recensement de l'offre et de garantie de conformité légale pour les consommateurs- déclaration à l'administration fiscale des revenus perçus par les logeurs à fin de paiement équitable d'un impôt sur les bénéfices- obligation pour les plates-formes de retirer une offre qui aurait atteint le plafond légal des 120 jours de location annuelle, pour respecter le principe d'une activité accessoire et non pas professionnelle.Ces trois amendements déjà votés par le Sénat devraient être adoptés par l'Assemblée Générale si les députés entendent correctement les arguments des organisations professionnelles. Un sondage exclusif commandité par l'Ahtop auprès d'Harris Interactive, apporte un soutien populaire entre 66 et 72% sur les trois points évoqués.Le deuxième front est celui de l'action en justice. Plainte a été déposée en novembre 2015, instruite aujourd'hui par le Parquet de Paris, avec des investigations minutieuses conduites par le Service national des enquêtes du ministère de l'Economie et des Finances. Elle vise globalement tous les acteurs : les plates-formes et certains loueurs qui ne respectent aucune des limitations fixées par les lois existantes. Les condamnations qui pourraient faire suite à l'instruction et au jugement (le calendrier est encore flou) seraient de nature à éliminer les pratiques illégales et à ramener les acteurs collaboratifs autour de la table.Jean-Bernard Falco, président de l'Ahtop et du groupe Paris Inn, au nom de ses adhérents, ne remet pas en cause l'existence des plates-formes et leur utilité. Il dit avoir passé le cap de la négociation amiable, face aux fins de non-recevoir des dirigeants des grandes entreprises du secteur. Le coup de bâton devrait les ramener à la raison et à fonctionner comme des acteurs responsables. 

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