En raison de nombreuses polémiques gravitant autour de la plateforme californienne, celle-ci mise de plus en plus sur des mesures en faveur de l’inclusion sociale et du développement des territoires. En parallèle elle poursuit son expansion en touchant un marché plus qualitatif, celui du haut de gamme.
Toujours plus transparent. Toujours plus inclusif. Toujours plus responsable. Airbnb tente tant bien que mal de justifier l’existence de sa plateforme, en en faisant un acteur consciencieux du tourisme. Elle communique sur des sujets bien plus larges que celui-ci, tel que le soutien à des entreprises appartenant à des personnes afro-américaines à l’occasion d’un festival qui s’est tenu à la Nouvelle-Orléans début juillet.
Responsabilité sociale et sécuritaire
Pour commencer, Airbnb a œuvré en faveur de la transparence des équipements qu’offrent les logements présents sur sa plateforme, que ça soit pour les familles ou pour les personnes à mobilité réduite (PMR).
Pour les familles, Airbnb apporte plus d’options à la description de l’hébergement pour leurs permettre d’anticiper leur séjour. « Salle de jeux, berceaux, barbecue, piscine, ou encore table à langer : ce sont autant d’options qui permettront aux parents et aux enfants de passer de bonnes vacances tous ensemble » peut-on lire dans une communication. Concrètement cela se manifeste à travers une description plus fine et détaillée des équipements disponibles sur place.
Elle donne plusieurs exemples de séjours adaptés aux familles, parmi lesquels ce cas d’une maison à Orlando (Floride, Etats-Unis) :
Il y aura de la place pour tout le monde ! Si vous prévoyez de réunir toute la famille, cette maison est l’adresse idéale et peut loger 20 personnes ! Les membres de la famille apprécieront particulièrement les chambres à thème avec des lits superposés, la salle à manger et sa table imposante, la salle de jeux toute équipée, ainsi que la chaise haute et la poussette.
L’annonce complète en donnant pas moins de 47 équipements présents dans le logement, dont plusieurs orientés spécifiquement pour les familles (livres et jouets pour enfants, chaise haute, lit parapluie, piscine, etc.).
Pour ce qui est de l’accessibilité, la plateforme a également renforcé la communication à ce sujet (espace des portes, couloirs, escaliers…). Dans un premier temps, elle a mis en place un filtre sur sa plateforme, afin que les personne puissent savoir quels étaient les logements accessibles aux PMR. Dans un deuxième temps, afin d’offrir encore plus de lisibilité, les hôtes ont dû ajouter des visuels des dispositions de leur logement.
Il n’existe néanmoins pas d’obligation en matière d’accessibilité, qui demeure une mesure à l’initiative de l’hôte. Aussi l’information relative à ce sujet est une étape facultative à remplir pour les annonces publiées sur le site. Enfin, la plateforme précise dans son règlement que cela dépend de la bonne volonté du loueur d’informer le client à ce sujet :
Nous demandons aux hôtes et voyageurs de se consulter pour établir ensemble si le logement convient ou non. Nous attendons de nos hôtes qu'ils soient disposés à discuter de l'accessibilité de leur logement avec les voyageurs et qu'ils effectuent parfois de petites modifications afin d'aider les voyageurs à se déplacer confortablement et en toute sécurité dans leur logement.
En d’autres termes, il s’agit d’un dispositif plus incitatif qu’obligatoire. Ce dernier apporte certes plus de clarté à ce sujet, mais en l’absence d’une règlementation claire et obligatoire, les informations en matière d’accessibilité risquent de demeurer très lacunaires en proportion de l’ensemble des logements disponibles sur la plateforme.
Airbnb prend aussi des mesures pour la sécurité des logements. Elle a ainsi initié un partenariat avec la Croix Rouge en décembre 2018, qui a par la suite donné lieu à une série de formations à la prévention contre les risques d’incendie. Ces ateliers ont fait l’objet d’un évènement intitulé The Sound of Alarm. Organisé en avril et en mai derniers, 4 300 détecteurs de fumée auraient installés à l'occasion par des hôtes Airbnb et des bénévoles de l’association dans 1 800 logements à travers dix villes américaines (Washington DC, San Diego, Atlanta, Seattle, Miami, Chicago…). En retour, la plateforme s’est engagée à verser un don d’un million de dollars à la Croix Rouge pour sa contribution.
Gail McGovern, présidente et chef de la direction de la Croix-Rouge américaine, déclarait ainsi :
Le partenariat remarquable avec Airbnb permettra de sauver des vies en protégeant les gens des incendies domestiques et en les sensibilisant aux dangers du monoxyde de carbone. Nous sommes très reconnaissants à Airbnb du soutien qu'elle apporte à notre campagne Home Fire Campaign pour prévenir les tragédies et aider les familles à se remettre d'événements dévastateurs dans les collectivités du pays.
A côté de cela, Airbnb a également rappelé distribuer gracieusement des détecteurs de fumée et de monoxyde de carbone aux hôtes qui n’en auraient pas. A la fin de l’année dernière, quelques 30 000 détecteurs auraient déjà été donnés.
Ces actions font suite à de graves incidents intervenus dans des logements loués sur la plateforme, à l’instar de ce tragique événement qui est survenu à Santiago Du Chili. En effet, six touristes brésiliens en séjour dans la capital chilienne auraient été asphyxié suite à un problème avec un équipement du logement qu’ils louaient, problème qui n’aurait pas pu être décelé en l’absence d’un dispositif de détection du monoxyde de carbone.
Impact et partenariats économiques locaux
Airbnb déclare avoir eu un impact de 100 milliards USD dans 30 pays à travers le monde en 2018. Le premier marché serait son territoire d’origine, les Etats-Unis, à hauteur de 33,8 milliards USD, soit le tiers de la contribution totale. La France arriverait juste derrière, bénéficiant apparemment de 10,8 milliards USD de retombées économiques. Les régions principalement touchées seraient l’Ile-de-France, à hauteur de 2,3 milliards d’euros, le PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) pour 1,7 milliard, et l'Occitanie pour 906 millions.
L'identification de cet impact sur l’économie locale est le fruit d’une enquête réalisée en interne et calculée à partir d’un échantillon de 228 000 réponses sur les plus de 500 millions d’utilisateurs que compte la plateforme. D’après elle, 42% d’entre eux dépenseraient dans le quartier où ils auraient séjourné, dépenses qui seraient donc effectuées dans les commerces à proximité. Ces mêmes personnes dépenseraient visiblement 2,1 fois plus que les touristes habituels. Parmi ceux-là, 84% recommanderaient les établissements de restauration qu’ils auraient utilisé (restaurants et cafés). Aussi, l’argent économisé en utilisant cette solution d’hébergement chez l’hôte serait redépensé sur place dans la moitié des cas (sous-entendu, chez les commerçants du quartier). Enfin, Airbnb permettrait aux voyageurs d’allonger les séjours de leurs clients en baissant le coût de l’hébergement. Les voyageurs prolongeraient en moyenne de 4,3 jours leur voyage, qui serait ainsi 2,1 fois plus long que les séjours touristiques habituels, selon eux.
Dans tous les cas, Airbnb est clair sur un point : elle veut être reconnue pour son action positive en faveur du développement des territoires et de leurs tissus économiques locaux. Pour aller encore plus loin dans son impact local, la société a créé plusieurs partenariats avec des organismes représentants des professionnels de ces territoires. A cette occasion, la plateforme Airbnb Experiences sert de support à ces échanges par la diversité des opportunités d’activités qu’elle offre.
Par exemple la société californienne s’est associée à la Tourism Development Corporation of The Bahamas pour former les professionnels des Bahamas à sa nouvelle plateforme (Airbnb Experiences). En parallèle, elle a invité les habitants sur place à enrichir celle-ci d’offre d’activités pour faire découvrir leur région. Janet Johnson, PDG de la Tourism Development Corporation of The Bahamas, explique ainsi que c’est un « changement de jeu pour les Bahamiens qui offrent des expériences uniques, afin d'accroître leur visibilité auprès des visiteurs qui réservent via Airbnb ».
De son côté Carlos Munoz, directeur de campagne Airbnb des politiques et communications publiques dans les Caraïbes et en Amérique Centrale, explique le double objectif de cette action :
Airbnb, par l'intermédiaire de son Office of Healthy Tourism, se réjouit de travailler avec la Tourism Development Corporation of The Bahamas pour mettre en valeur le tourisme local et durable et faire en sorte que les Bahamiens, en particulier ceux des îles familiales, soient aux commandes d'une industrie touristique robuste, locale, authentique, diversifiée, inclusive et durable.
Elle s’est aussi associée à la Chambre de commerce de San Francisco pour soutenir les entreprises et membres de la chambres à utiliser la nouvelle plateforme. Pour Rodney Fong, président et chef de la direction de la Chambre, il s’agirait d’une réelle opportunité de développement pour les acteurs locaux du tourisme et indique ainsi qu’ils sont « ravis de [s’] associer à Airbnb pour mettre en valeur la diversité et l'innovation des entreprises de la ville et créer des expériences qui sont uniques à San Francisco ».
Aoife McArdle, directrice des affaires commerciales et des expériences d'impact social chez Airbnb, rassure tout autant la communauté d’entreprise sur place sur le potentiel de développement économique offert par ce partenariat :
Qu'il s'agisse d'accueillir une classe ou de s'associer à un hôte dans le cadre d'une tournée mettant en vedette des magasins et des restaurants locaux, Airbnb Experiences est un moyen novateur pour les entrepreneurs locaux de faire croître leur petite entreprise.
Le communiqué de presse explique en effet que l'offre Airbnb Experiences sert à la fois de support pour le développement de nouveaux produits mais aussi de complément de ressources à des entreprises déjà existantes, en offrant un canal de distribution supplémentaire sur internet.
Airbnb se lance sur le segment Luxe
Depuis fin juin la plateforme propose une nouvelle gamme de produits inédits dans leur contenu et dans leur gamme : Airbnb Luxe. Plus qu’une offre d’hébergement, il s’agit de séjours haut de gamme et sur-mesure orientés pour une clientèle à forte contribution.
Ce produit s’inspire d’une société acquise par Airbnb en 2017, Luxury Retreats. Celle-ci est spécialisé dans l’organisation de séjour de luxe disposant de plus de 4 000 villas dans le monde et offrant un service de conciergerie disponible 24/7. Airbnb Luxe reprend ce concept sélectif et qualitatif. Seulement 2 000 propriétés ont ainsi été retenues pour figurer sur la prestigieuse liste. Le choix a été réalisé à partir d’un processus de sélection s’appuyant sur 300 critères pour évaluer la qualité du logement (design et équipements).
Côté client, pour donne un aspect « sur mesure » au séjour, le choix du logement est réalisé à partir d’un “concepteur de voyage”. Celui-ci est « dédié et hautement qualifié » et « veillera à ce que le séjour soit adapté aux besoins uniques du voyageur à chaque phase du voyage ». En plus de l’hébergement, ce professionnel peut aussi organiser des « expériences » et des « activités sur-mesure » pour le client, en donnant comme exemple un service de garde d’enfants tout comme un cour de cuisine par un chef ou une séance de massage à domicile.
Brian Chesky, co-fondateur d’Airbnb, PDG et Responsable de la Communauté, explique l’origine de ce concept :
Les voyageurs de luxe d’aujourd’hui recherchent plus que des logements haut de gamme ; ils souhaitent vivre une vraie transformation et des expériences qui leur permettent de se sentir plus connectés les uns aux autres et à leur destination. Avec Airbnb Luxe, nous appliquons la même approche que celle que nous avons utilisée depuis le lancement d’Airbnb il y a plus de 11 ans, en créant des voyages locaux, authentiques et magiques dans des logements incroyables, pour réinventer la façon dont les gens pensent et vivent le voyage de luxe.
Aussi, le développement de ce nouveau produit fait suite à un constat d’une augmentation des réservations sur le segment haut de gamme. En effet, les séjours dans des logements à plus de 1000 USD la nuit auraient cru de 60% sur la plateforme en 2018, confirmant l’existence d’un réel potentiel de développement sur ce créneau dans les années à venir.
Pour certains professionnels français, cette nouvelle offre serait une atteinte supplémentaire aux règles de la concurrence. En effet, en proposant l’organisation d’un séjour, la plateforme se rapproche du modèle des opérateurs de voyages et de séjours d'Atout France (détaillé dans l'article L. 211-2 du nouveau Code du tourisme). Pourtant, elle ne prend pas ce titre et ne figure pas sur la liste de l’organisme national.
Mais pour certains spécialistes, ce n’est qu’une question de temps, à l’instar de Me Emmanuelle Llop, avocat à la cour pour le cabinet Equinoxe Avocats, qui explique que « cette situation n'est pas sans rappeler celle d'Evaneos il y a quelques années, qui a fini par s'immatriculer ». En d’autres termes, la plateforme a encore bien des mesures à prendre pour se conformer aux marchés très normés, comme c’est le cas pour celui de la France.