
• Il y a 90 ans, à Barcelone, s'installait pour la première fois dans un pays étranger une représentation des services du tourisme français. La France ne comptait alors qu'une centaine de milliers de visiteurs espagnols. • En 2007, ce flux a dépassé les 5 millions de touristes. Ragaillardis par deux décennies de croissance économique et par le boom du trafic aérien, les Espagnols ont eu la frénésie des voyages. • Si la crise a globalement limité les déplacements touristiques des Espagnols, la France a su, quant à elle, tirer parti de sa proximité. Une proximité tant géographique que numérique. Fin 2009, plus de 2 millions de visiteurs uniques auront surfé sur le site espagnol de franceguide.
Longtemps, les Espagnols ont regardé passer les caravanes des touristes du Nord : Allemands pour la plupart, mais également Britanniques, Néerlandais et Français, en mal de soleil et d’exotisme. C’était avant le boom industriel du milieu des années 90 et de la formidable croissance de l’économie espagnole. Souvent moquée, l’Espagne a mis les bouchées doubles pour de nouveau s’inviter dans l’arène des pays les plus puissants de la planète, supplantant même le Canada au rang de huitième économie mondiale. Sur le marché intérieur, cela s’est traduit par le boom de l’immobilier et par une montée tout aussi importante de la consommation des ménages. Le tourisme, notamment, est l’un des postes de dépenses qui a le plus augmenté ces dernières années. Si les Espagnols aiment à découvrir les richesses de leur pays, ils sont de plus en nombreux à partir à l’étranger. Ainsi, selon une Enquête Familitur- IET, en 2007, sur un total de 158 millions de voyages, 11,3 millions ont été effectués à l’étranger, soit près de trois fois plus qu’en 2003. A l’époque, nos voisins ibériques avaient alors fait 129,2 millions de voyages dont 3,9 millions à l’étranger.(Source : Atout France et autres)Avec la crise économique, la donne a changé. La chute de la construction, la baisse de la demande nationale ont eu raison des bons chiffres du miracle espagnol. En l’espace d’une année, l’Espagne a ainsi vu son taux de chômage exploser, passant de 8% il y a encore un an à près de 18% aujourd’hui.La France, première destination étrangère des Espagnols Cette sinistrose économique n’a pourtant pas empêché les Espagnols de voyager. Près de 155 millions de voyages ont été effectués en 2008, dont 7% à l’étranger. Comme les Français, les touristes espagnols ont choisi les voyages de proximité. La France, notamment, a pu tirer profit de sa situation de pays frontalier. “Le marché touristique espagnol fait partie des six marchés étrangers les plus importants pour la France. Il a pratiquement doublé en volume en vingt ans. En 1989, 2 773 000 espagnols découvraient la France. On estime qu’en 2008 il y en a eu 5,6 millions”, précise-t-on au bureau d’Atout France Madrid. Destination préférée des Espagnols en Europe et dans le monde, la France conserve son pouvoir d’attraction. Selon une Etude Ipsos, 88% des Espagnols ont en effet une bonne ou assez bonne image de la France. Ainsi, en 2007, notre pays représentait 18% des séjours à l’étranger, devançant l’Italie (16%), le Royaume-Uni (9%) et le Portugal (9%) (source : étude Nielsen). Sont avant tout plébiscités la richesse culturelle de notre pays (90% d’opinions favorables), l’environnement et les paysages (80%), l’art de vivre et le style de vie “à la française”.Les touristes espagnols sont également très friands de parcs de loisirs. Il sont ainsi avec 12% de fréquentation la deuxième clientèle étrangère derrière les Britanniques à Disneyland Paris, et occupent la première place au Parc du Futuroscope. Pour séduire la clientèle ibérique et se commercialiser auprès des professionnels espagnols (agences de voyage, tour opérateurs), le parc de loisirs poitevin a développé tout un arsenal d’outils spécifiques et d’actions ciblées : agence dédiée, site Internet (www.es.futuroscope.com), partenariats avec les médias… Signe de l’intérêt du Futuroscope pour ce marché, le 3 millionième visiteur, un jeune catalan de 8 ans a été fêté en juin 2009 à son arrivée au parc (photo). “60% des visiteurs espagnols viennent en famille”, souligne David Chamard, Directeur commercial, en charge du marché international. “Pour la moitié d’entre eux, le Futuroscope représente la destination principale de leur séjour en France, séjournant ainsi 2 ou 3 nuits sur le site. Ils en profitent souvent pour découvrir Poitou-Charentes, confirmant le rôle locomotive du Futuroscope pour le tourisme régional. La majorité de nos clients espagnols réserve leur séjour à l’avance, le plus souvent via une agence de voyages”. Pour le parc poitevin, le marché espagnol représente un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros, en croissance cette année.Un marché plus mature, avide de découvertesParis reste sans surprise la destination préférée des Espagnols. En 2007, 64,2% des visites de l’Hexagone étaient en effet concentrées sur la capitale (source : études Nielsen), contre 49% en 2005. Si l’attrait pour Paname ne se dément pas, d’autres destinations continuent d’avoir la cote sur le marché espagnol. Midi-Pyrénées avec 9,5% de la fréquentation, PACA (7,7%) et l’Aquitaine (7,6%) forment avec Paris-Ile de France le peloton de tête des destinations les plus prisées. D’autres régions ont néanmoins réussi à s’imposer sur cet échiquier touristique. C’est le cas de la Bretagne, dont le nombre de touristes espagnols n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Dixième au rang des principales régions visitées en 2005 avec 2% de fréquentation, la Bretagne occupait ainsi la 5ème place en 2007 (4,9%) derrière l’Aquitaine et avant Rhône-Alpes.Pour le service promotion commerciale du CRT Bretagne, ce sont le patrimoine naturel, les grands espaces, le tourisme urbain, les légendes et les racines celtes ainsi que les séjours nature qui constituent les atouts de la région. Comme les Italiens, les Espagnols n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour aller à la découverte de nos paysages et de notre patrimoine culturel. “26% des vacanciers espagnols qui viennent en France visitent plusieurs régions”, note Patrick Goyet, le directeur de Atout France Madrid. “La plupart des touristes font des circuits itinérants, qui combinent les régions Poitou-Charentes, Normandie et Bretagne, et séjournent en hôtels de charme ou en chambres d’hôtes”, souligne par ailleurs le CRT Bretagne.L’ouverture des Espagnols à d’autres destinations de l’Hexagone est aussi le résultat du développement importante du nombre de dessertes aériennes et notamment des lignes low cost. Aujourd’hui, “65% des visiteurs espagnols en France viennent par avion dont 7% avec des compagnies low-cost, 23% viennent en voiture, 7% en autocar et 4% en train” (source : Atout France Madrid). Actuellement 12 compagnies aériennes dont 6 low-cost assurent des liaisons entre 17 villes espagnoles et 13 villes françaises, ce qui en volume représente pas moins de 15 000 sièges par jour. Ce boom de l’aérien a en effet largement contribué à l’essor du tourisme urbain qui en 2007 représentait par moins de 78,5% des motifs de voyage des Espagnols. Internet, un outil incontournableSi près de 30% des Espagnols qui se rendent en France ont encore recours à un intermédiaire (sur les 305 tour opérateurs espagnols, 90 programment la France), ils sont de plus en plus nombreux à s’informer et réserver leur voyage via Internet. Les chiffres sont d’ailleurs assez éloquents. En cinq ans, le nombre de réservation via Internet a en effet quasiment doublé passant de 40,2% en 2003 à 69,8% en 2007.“Internet est devenu un outil incontournable. Notre objectif est d’intensifier les actions sur franceguide afin de capitaliser sur le succès du dispositif Espagne et de l’engouement des espagnols pour la recherche d’offres et d’informations sur la Toile”, précise Patrick Goyet. Cette année, le nombre de visiteurs uniques sur le site espagnol d’Atout France (franceguide.es) devrait franchir la barre des 2 millions. “Nous voulons aller plus loin. Le développement du web 2.0 est actuellement notre grand cheval de bataille”. Pour choisir leur destination, les Espagnols sont en effet très sensibles aux recommandations de leurs familles ou de leurs amis. Illustration de cette tendance, 70% des consultations sur Internet se font sur des blogs/forums (source : étude de British Airways réalisée en janvier 2009 sur 500 passagers). “L’autre grand projet numérique pour 2010 est la création d’un premier workshop virtuel. L’idée est de faire entrer en relation des professionnels français avec des tour opérateurs espagnols. Ce système d’échanges par visioconférence a déjà été testé aux USA et en Russie. Les résultats ont été très concluants et nous voulons l’adapter au marché espagnol”, souligne Patrick Goyet.Entretien avec Patrick Goyet, directeur Atout France en Espagne et au PortugalEn 2008, avec 21% des voyages à l'étranger réalisés en France, notre pays continue d'avoir la préférence des Espagnols. La crise, en encourageant les voyages de proximité, favorise-t-elle notre pays ? _ Oui, paradoxalement. La France jouit d'une excellente image auprès des touristes espagnols. Elle continue d'occuper la première place devant l'Italie, le Royaume-Uni et le Portugal. La crise a freiné les flux touristiques concernant certains courts séjours, mais elle n'a pas empêché les Espagnols de faire leurs valises le temps des congés d'été. Comme les Français, ils n'ont pas voulu faire l'impasse sur leurs grandes vacances, quitte à se serrer davantage la ceinture et à aller moins loin. La France, en tant que destination de proximité, a donc pu tirer son épingle du jeu. C'est pourquoi, cet été notamment, on a pu voir de nombreux Espagnols sillonner les routes notre beau pays.Paris et le sud de la France continuent d'être des destinations très prisées par les touristes espagnols. Mais d'autres régions sont apparues dans le top 5 : la Bretagne notamment, mais aussi la région Rhône-Alpes. Comment l'expliquez-vous ? _ Les Espagnols connaissent de mieux en mieux la France et n'hésitent plus à parcourir des centaines de kilomètres en voiture pour découvrir nos régions. On observait le même phénomène avec les touristes italiens il y a encore 10 ans. Plus que pour nos plages - les Espagnols ont tout ce qu'il faut de tourisme balnéaire dans leur pays -, ce sont pour nos villes et campagnes qu'ils viennent visiter la France. Longtemps, les Espagnols ont accueilli les touristes européens, aujourd'hui, ils ont soif de découvertes et n'hésitent plus à sortir des sentiers battus. Car s'ils sont encore nombreux à privilégier Paris et les grands parcs d'attractions français - notamment, Disneyland Paris où ils constituent la deuxième nationalité et le Futuroscope où ils sont le premier marché étranger -, ils sont de plus en plus à vouloir partir à la découverte de nos régions françaises. Et si le sud de la France a toujours la cote, d'autres régions ont su petit à petit séduire le marché ibérique. C'est le cas notamment de la région Rhône-Alpes, de la Bretagne et de l'Alsace.Sur quels produits touristiques capitalisez-vous actuellement ? _ Le tourisme de rencontres professionnelles, qui représente 9% de la fréquentation espagnole en France, est l'un de nos marchés prioritaires. Cette semaine d'ailleurs, nous serons présents à l'EIBTM. C'est un grand salon MICE qui a lieu tous les ans à Barcelone en décembre. Ce sera l'occasion pour Atout France de mettre en avant l'offre des acteurs du French Convention Bureau. Nous comptons d'ailleurs capitaliser sur une campagne lancée cette année dans le cadre de workshops organisés dans le sud de la France à Biarritz, Marseille, Nice, Montpellier et dont la thématique était “Surprendre chaque jour en France”. L'idée est de montrer la diversité de l'offre événementielle et congrès de nos destinations françaises. L'an prochain, nous allons reconduire cette opération en privilégiant un angle différent qui mettra en avant l'image d'une France proche et accessible. Sur le marché Affaires, en particulier, notre pays fait figure de destination prestigieuse et chère. Une image qui, en ces temps de vaches maigres, est difficile à vendre aux organisateurs d'événements. C'est pourquoi nous avons choisi d'orienter notre communication autour d'un thème avenant : le “Pique-nique à la française”, qui nous permettra de communiquer différemment sur notre pays. Les Espagnols adorent les choses simples et authentiques. Nous voulons les surprendre en organisant des rencontres plus festives, centrées sur nos produits du terroir : vins et fromages en tête.Et sur le tourisme de loisirs, quelles images allez-vous associer à la destination France ? _ Sur le segment Loisirs, nous allons mettre davantage en avant les produits de tourisme viti-vinicole et le bien-être. Avec Nextel, l'un des tours opérateurs espagnols référents sur le marché, basé à Barcelone, nous allons concevoir un catalogue centré sur l'offre bien-être en France. Notre représentation va les aider à dénicher les meilleurs produits spa et thalasso en France. Il sortira au printemps, dans un premier temps en version électronique. Sur le luxe aussi, nous avions en projet la création d'une brochure très qualitative dans laquelle Inès Sastre nous racontait sa France du luxe et où était mise en avant l'offre de prestige de la destination. Nous proposions des adresses et produits de luxe parisiens, de belles maisons à louer sur la Côte d'Azur, une liste des plus belles stations de ski françaises mais aussi des plus beaux sites de Golf… Plusieurs événements devaient également être lancés en parallèle. Nous devions notamment être présents au tournoi de polo de Barcelone. Avec la crise, le projet est en stand-by, mais nous avons bien l'intention de le ressortir des cartons d'ici à 2011 !Les tops et les flops de la clientèle espagnole…Les Espagnols aiment… -* Les loisirs culturels, la découverte du patrimoine -* La gastronomie et l'art de vivre français, les produits du terroir et la typicité de nos régions -* Les parcs de loisirs -* Les escapades urbaines. Ils ont notamment beaucoup de jours fériés (14 jours par an) et n'hésitent plus à partir à l'étranger le temps d'un court séjour -* Faire du shopping -* Lorsqu'on s'adresse à eux en Espagnol -* La ponctualité et le sens de l'organisation des Français -* Prendre leur déjeuner en début d'après-midi, vers 14h, et dîner tard, autour de 21h.Ils n’aiment pas... -* Les accueils froids et ampoulés -* Les programmes peu flexibles. Les Espagnols sont en effet des clients indépendants et de dernière minute qui aiment découvrir seuls leurs destinations.(Source : Atout France et autres)