
Dans quelques semaines Didier Le Calvez va prendre les fonctions de directeur général du Bristol Paris, travaillant en tandem pendant trois mois avec Pierre Ferchaud avant de lui succéder comme P-dg à la tête du mythique palace parisien. Il a accepté de revenir avec nous sur les mois passés dans une “retraite sabbatique” et les raisons qui l’ont conduit à accepter cette offre de la famille Oetker, propriétaire du Bristol.
_ Elle est intervenue après une rupture de collaboration avec Shangri-La, suite à une restructuration du groupe sur laquelle je reviendrai, et j’ai décidé d’en tiré le meilleur profit. J’avais besoin de me ressourcer physiquement et de prendre du recul avant d’envisager un nouveau poste. Et je peux vous assurer que je n’ai pas manqué d’activité. Il faut vous dire que je suis un jeune père. Mon épouse Olivia m’a donné deux jeunes enfants, Georges et Clarisse, dont j’ai pris un réel plaisir à m’occuper. Ce qui lui a permis de se focaliser sur ses activités professionnelles. Même pendant mes années d’intense activité professionnelle, j’ai toujours pris soin de cultiver d’autres intérêts. Je suis propriétaire de forêts truffières en Périgord et, avec mon épouse, nous sommes en train d’acquérir un petit vignoble en Bordelais. Pourtant face à l’arrivée de nouveaux groupes comme Raffles, Mandarin ou Peninsula, le Bristol ne doit-il pas faire sa révolution ? _ Il s’agit de toutes évidences de groupes d’exception qui maîtrisent parfaitement l’univers des palaces dans les destinations où ils s’implantent. La concurrence sera sérieuse, mais je crois, au contraire, qu’il y a un formidable défi à relever en jouant la carte d’une hôtellerie française intemporelle et profondément ancrée dans les valeurs culturelles européennes. La force du Bristol, c’est la longévité en poste de son personnel. Pierre Ferchaud est resté à sa tête dix-huit ans, Jean-Louis Souman, le directeur d’exploitation, est dans l’hôtel depuis 28 ans. Je pourrais vous citer de nombreux exemples de cadres qui ont plus de dix ans d’ancienneté. C’est exceptionnel et indispensable pour maintenir une relation étroite avec la clientèle. Je tiens particulièrement à renforcer le contrat social qui est un élément fondamental de succès de l’hôtel qui permet de se focaliser sur le service à la clientèle. Même dans le contexte actuel, je ne doute absolument pas du succès de cet hôtel. J’en vois le formidable potentiel en profitant de la fin des travaux pour accroître sa notoriété et mettre en évidence le travail de fond qui a été accompli ces dernières années par les équipes de Pierre Ferchaud et le groupe Oetker. Pendant ces quelque dix-huit mois, n’avez-vous pas été tenté de replonger dans l’univers du luxe ? _ Comme je vous l’ai dit, par nature et par goût, je suis aussi à l’aise dans un palace parisien que sur mon île et que dans d’autres activités. Il n’y avait ni manque ni frustration. Bien au contraire, j’ai découvert un niveau de sérénité très agréable et confirmé une faculté à m’ouvrir à d’autres horizons. Pendant un an, j’ai répondu par courtoisie aux propositions qui m’étaient faites sans jamais donner suite jusqu’à ce que je trouve l’offre pertinente.Quel bilan tirez-vous de votre expérience avec Shangri-La ? _ Il ne faut jamais regretter les décisions que l’on prend même si j’ai longuement hésité avant de rejoindre le groupe Shangri-La en quittant ma “famille” Four Seasons. Le projet qu’on m’a “vendu” ne s’est pas concrétisé. Quand j’ai rencontré Edward Kwok, le président du groupe, il m’a fait part de son intention de conquérir l’Ouest en rivalisant avec Mandarin ou Four Seasons. Treize hôtels étaient en développement en Europe et aux Etats-Unis et quatre autres en projet. Reportant directement à Giovanni Angelini, le directeur général, j’avais les coudées franches pour donner vie à cette ambition. Le modèle Shangri-La est très efficace en Asie avec des hôtels haut de gamme de 600 à 700 chambres, mais c’est autre chose de se convertir au palace de 200 chambres avec une qualité de service, une approche managériale qu’il a fallu 40 ans à des groupes comme Four Seasons pour peaufiner. L’anticipation de la crise a réduit le programme de développement qui se limite à 3 ou 4 hôtels dans l’immédiat. De plus, Shangri- La a conduit une forte restructuration interne pour se focaliser à nouveau sur l’Asie, selon les instructions de Robert Kwok, le propriétaire. Je n’allais plus avoir les interlocuteurs qui m’ont convaincus de les rejoindre. Dès lors, mon rôle n’avait plus de véritable raison d’être.Que reste-t-il de votre passage chez Shangri-La ? _ Avec mon départ, le poste régional Europe- Amérique du Nord, basé à Paris, a été supprimé. Néanmoins, je suis content d’avoir pu accompagner le groupe dans sa volonté de faire de l’hôtel de Paris une exception dans son portefeuille. La taille et le nombre des chambres sont dignes de l’inventaire d’un palace ; j’ai pu conserver des éléments du patrimoine aussi important que la coupole style Eiffel qui est en cours de classement aux Monuments historiques. Le produit qui va arriver sur le marché devrait être à la hauteur de ce que j’avais souhaité, en collaboration avec Richard Martinet, l’architecte, et Pierre- Yves Rochon, le décorateur.Qu’est-ce qui vous a décidé à revenir à la tête d’un palace parisien ? _ Au fond de moi, l’envie de la grande hôtellerie était toujours présente. Et je vais vous avouer quelque chose de plus personnel. J’avais aussi envie que mon jeune fils, Georges, soit fier de voir ce que son père sait faire de mieux. Mon histoire professionnelle ne pouvait pas s’arrêter avec le George V, qui restera une très grande étape dans ma vie, tout comme le Pierre à New York. Mon épouse Olivia étant plus disponible, nous avions envie de retrouver l’ambiance parisienne et son environnement culturel.Pourquoi le Bristol plutôt qu’un autre établissement ou un autre groupe ? _ Quand j’ai pris la tête du Four Seasons George V, je me suis inspiré du Bristol qui était une référence de l’hôtellerie parisienne de luxe. Pierre Ferchaud est sans aucun doute le directeur général avec lequel j’avais le plus d’affinités et de valeurs communes quand j’étais en poste à Paris. Nous nous retrouvions régulièrement et c’est au cours d’un dîner qu’il m’a annoncé son prochain départ à la retraite et son intention de me recommander à la famille Oetker.Votre nom avait pourtant circulé pour d’autres postes de responsabilités… _ J’ai effectivement été approché par plusieurs groupes, mais ma décision de revenir dans l’hôtellerie de luxe était conditionnée par la possibilité de préserver une vie familiale, sans voyages incessants, et par l’adhésion à des valeurs d’entreprise qui me correspondent entièrement. Je connaissais Pierre Ferchaud, mais je ne connaissais pas le groupe et ses dirigeants. J’ai été séduit par l’approche “familiale”, au bon sens du terme, et patrimoniale du groupe Oetker. Le CEO, Frank Marrenbach, a fait un travail exceptionnel à l’hôtel de Baden Baden et incarne bien l’éthique du groupe ; la connivence s’est tout de suite établie avec le Dr Schröeder, N°2 du groupe, d’une rigueur exemplaire ; et Mme Maja Oetker est totalement impliquée dans la vie du Bristol. Il est évident que ce dernier lui doit énormément. J’ai retrouvé les mêmes préoccupations sociales et d’exigence de qualité qui sont le fondement de la philosophie inculquée à Four Seasons par Isadore Sharpe, son fondateur.Quelle va être la marque de Didier Le Calvez sur Le Bristol dans les années qui viennent ? _ Contrairement à mon arrivée à la tête du George V, où j’avais une page blanche à remplir, j’arrive au Bristol au moment où le plus important a été fait avec une excellente équipe en place, à commencer par le chef, Eric Frechon, qui a obtenu sa 3e étoile. Pierre Ferchaud a souffert pendant cinq ans pour achever son extension qui a donné une autre dimension à l’hôtel. Les nouvelles suites apportent une plus grande crédibilité à l’international et ouvrent l’hôtel en le faisant respirer. J’ai été impressionné par la qualité des travaux et le peu de contraste avec les autres chambres, plus anciennes, de l’hôtel. La famille Oetker met un point d’honneur à choisir pour ses hôtels les matériaux, les tissus, les objets de décoration que on peut retrouver dans leur demeure privée. Je me donne six mois d’observation attentive pour faire évoluer les choses par petites touches en me consacrant essentiellement au positionnement et au marketing. Pourtant face à l’arrivée de nouveaux groupes comme Raffles, Mandarin ou Peninsula, le Bristol ne doit-il pas faire sa révolution ? _ Il s’agit de toutes évidences de groupes d’exception qui maîtrisent parfaitement l’univers des palaces dans les destinations où ils s’implantent. La concurrence sera sérieuse, mais je crois, au contraire, qu’il y a un formidable défi à relever en jouant la carte d’une hôtellerie française intemporelle et profondément ancrée dans les valeurs culturelles européennes. La force du Bristol, c’est la longévité en poste de son personnel. Pierre Ferchaud est resté à sa tête dix-huit ans, Jean-Louis Souman, le directeur d’exploitation, est dans l’hôtel depuis 28 ans. Je pourrais vous citer de nombreux exemples de cadres qui ont plus de dix ans d’ancienneté. C’est exceptionnel et indispensable pour maintenir une relation étroite avec la clientèle. Je tiens particulièrement à renforcer le contrat social qui est un élément fondamental de succès de l’hôtel qui permet de se focaliser sur le service à la clientèle. Même dans le contexte actuel, je ne doute absolument pas du succès de cet hôtel. J’en vois le formidable potentiel en profitant de la fin des travaux pour accroître sa notoriété et mettre en évidence le travail de fond qui a été accompli ces dernières années par les équipes de Pierre Ferchaud et le groupe Oetker.