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L’activité va réagir de manière différenciée, il y a une forme d’inégalité en fonction de la nature de l’expérience

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Publié le 06/05/20 - Mis à jour le 23/10/24

Dominique Hummel Futuroscope

Quel impact de la crise sur les parcs de loisirs ? Quelles perspectives envisager ? Entretien avec Dominique Hummel ancien dirigeant du Futuroscope et conseiller innovation pour la Compagnie des Alpes.

J’ai dirigé pendant 17 ans le Futuroscope, dont j’ai repris la présidence du directoire au moment de sa crise entre 2002. Le Futuroscope a ensuite été intégré dans le giron de la Compagnie des Alpes. Elle assure auprès de la Compagnie des Alpes une fonction de consultant au sein de la direction de l’innovation. J’ai donc passé et 20 ans dans le tourisme. J’ai avant travailler dans d’autres secteurs, notamment en tant que directeur général de la région Poitou-Charentes.

Le secteur des parcs de loisirs est particulièrement touché par cette crise. Quels impacts sur les activités de la Compagnie des Alpes ?

D’un point de vue encore plus large, il y a 2 millions de personnes en France qui travaillent dans le secteur des parcs de loisirs. Il y a le leader Disneyland Paris qui accueille une grande portion clientèle internationale. Suivi par d’autres parcs majeurs le Puy-du-Fou, le parc Astérix, le Futuroscope, qui accueillent environ 2 millions de visiteurs. Il y a ensuite des parcs plus modestes, qui accueillent entre 1 million et 500 000 visiteurs par an.

La plupart de ses parcs sont saisonniers et n’ont pas encore ouvert en 2020. Ils sont donc en perte complète. Généralement la saison démarre au mois d’avril, sachant que le mois d’avril est souvent le meilleur de l’année. Même avec une réouverture au début de l’été, ces parcs ont déjà perdu environ 40 % de leur chiffre d’affaires sachant que le mois d’avril est plus fort que le mois de juillet.

De la grande question est de savoir comment se fera le retour à la normale. Nous savons qu’il ne se fera pas d’un coup et qu’il sera progressif. Les exploitants s’interrogent toutefois, est-ce que les conditions d’ouverture début juillet vont nous permettre d’accueillir des flux suffisants pour que cela va et la peine ? Si nous les comprenons évidemment, toutes ces mesures de distanciation physiques vont baisser les capacités d’accueil dans les parcs. Les scénarios sur lesquels nous travaillons actuellement, seraient l’accueil d’un tiers des flux habituels. Avec un taux d’occupation d’un tiers, les rentabilités ne sont pas au rendez-vous. Pour un certain nombre d’acteurs, ne pas ouvrir serait une meilleure réponse en termes d’équilibre financier.

Il y aura des conséquences importantes en termes d’emplois sur les territoires, ce secteur employant énormément de saisonniers.

Les conséquences seront énormes. Les emplois du secteur sont des emplois à durée déterminée voire des contrats de vacataires. C’est eux qui seront les premiers affectés. Je sais d’ores et déjà qu’un certain nombre de prestataires vont reprendre en baissant leurs activités dû aux normes sanitaires. Ils vont effectivement essayer de s’en sortir avec leurs CDI et ils n’embaucheront pas beaucoup de CDD. Ces CDD qui démarrent généralement en avril, ce ne sont pas uniquement des étudiants comme beaucoup l’imaginent. Ce sont des contrats de quatre à six mois sur lesquels beaucoup de gens, qui ont une double activité, comptent.

Qu’attendez-vous des décisions prises par le gouvernement en tant que professionnels du tourisme ?

Nous ne sommes pas aujourd’hui plus dans la compréhension de ce qui va se passer. Cela reste flou. Nous comprenons bien que l’on ne puisse pas dire que les parcs ouvriront le premier ou le 15 juillet, car nous savons que les grands rassemblements resteront interdits. Que l’on nous dise il ne se passera rien avant telle date serait déjà un premier progrès. Après et surtout, qu’elles vont être les modalités qui vont s’imposer à nous ? Il ne faut pas nous informer au dernier moment car c’est très compliqué à organiser.

Sur certains sites, comme le Futuroscope que je connais bien, il y aura certainement des pavillons qui ne seront pas ouverts. Quand l’expérience du client s’appuie sur des casques ou des masques, c’est encore plus compliqué. L’activité va réagir de manière différenciée, il y a une forme d’inégalité en fonction de la nature de l’expérience. Entre un zoo ou l’activité se passe en extérieur et un lieu où vous êtes en salle avec des lunettes 3D sur le front, où vous touchez des objets dans certains espaces scientifiques, ce ne sont pas les mêmes contextes.

Nous avons donc besoin de voir clair là-dessus, pour pouvoir réfléchir à ces scénarios de reprise. En espérant qu’un grand nombre d’opérateurs trouvent les moyens d’ouvrir même si la rentabilité n’est pas assurée.

Pour les parcs d’attraction il est important a de se réinventer il y a de lourds investissements. Qu’en est-il des plans d’investissement à venir ?

Les investissements qui étaient prévus pour alimenter le renouvellement de 2020 ans, ont déjà été faits. 2020 va profiter de tous ses investissements en termes d’expérience clients mais assez peu en termes de communication. Ces sites n’auront pas communiqué sur le renouvellement ils vont donc reporter cela à l’année prochaine. En revanche, les CAPEX seront dilués à partir de 2021 et y aura un impact fort forcément sur le niveau d’investissement des trois années à venir.

Cette crise inédite et brutales à tous les niveaux, nous oblige à remettre en cause des habitudes que nous considérions comme acquises. Comment voyez-vous les habitudes de consommation du tourisme demain ?

Soyons pragmatique, le premier sujet est quel pourront être les volumes demain ? Il y a ceux, mais ce ne sont pas les plus nombreux, le qui vivent d’une part importante de clientèle internationale. Pour beaucoup de parcs, cette clientèle représente entre 10 et 15 % de leur fréquentation. A l’inverse, il y a 9 millions de français qui partent à l’étranger et qui seront peut-être moins nombreux à y aller. Ils vont donc se retourner vers des sites français également par solidarité. Pour certains sites les volumes sont très dépendants de l’international.

Les nouvelles conditions de fonctionnement, qui à mon avis vont durer bien au-delà de l’été 2020, tant que nous n’aurons pas de vaccin, tant que nous n’aurons pas d’immunité collective, je ne vois pas comment nous pouvons revenir aux volumes de personnes accueillies qui seront ce que nous avions dans le passé. Nous allons vraisemblablement dans les prochains 18 mois nous engager sur des contraintes de gestion pour baisser le volume de personnes accueillies. Cela va faire mal au modèle économique.

Quelles seront les traces de cet épisode au-delà de 2021 dans le comportement des décideurs ? Les normes pour partie vont perdurer car nous savons qu’un virus peut revenir. Nous entrons définitivement dans une nouvelle ère. Vous connaissez la pyramide de Maslow où le besoin de sécurité arrive en premier, il y aura donc un fort principe de précaution. Cela peut donc affecter la nature même des expériences que nous vivons.

On pronostique chez certains un retour du local. Ce sera aussi de nouvelles opportunités, mais il faudra être inventifs. Plus les gens vont consommer à proximité, plus ils seront en attendant de renouvellement. Cela va amener d’autres contraintes. Personnellement, je ne crois pas que l’on puisse garder le même niveau d’activité économique si l’on consomme locale, c’est plutôt un facteur de décroissance assez forte du secteur. Il faut espérer que ces normes ne soient pas incompatibles avec des conditions normales de déplacement. Notre activité est très différente de l’hôtellerie, puisque le principe de l’hôtellerie c’est une forme de confinement dans une chambre. On peut imaginer que le room service se développe plus. Sur le séminaire, on peut également imaginer - cela s’est déjà vu car toutes les réunions à distance se sont développées cela laissera des traces plutôt positives -que les hôtels deviennent des lieux de showcases virtuels. Sur les technologies comme la réalité augmenté, il y a peut-être de nouvelles opportunités. Le présentiel, la densité, les rassemblements qui sont un peu l’essence du tourisme sont mis à mal par cette crise.

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