12 janvier 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation justifie un assouplissant de la procédure de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié victime d’un accident du travail. En effet, et pour la première fois, les Hauts magistrats précisent : .Lorsque le salarié victime d’un accident du travail demande que soit constatée la rupture de son contrat en raison des manquements de l’employeur aux règles de sécurité, il n’a pas à prouver ces manquements” (arrêt n° 09-70 838).
Dans une autre affaire, un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur d’avoir, sans son accord, augmenté la partie fixe de sa rémunération, et plafonné son potentiel annuel de primes. Le salarié engage alors une action devant la justice pour obtenir la condamnation de son employeur aux indemnités dues pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse en arguant que ce dernier n’a pas respecté certaines de ses obligations. Saisis du bien-fondé de la prise d’acte, les magistrats de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ont estimé que cette modification unilatérale de sa rémunération était illicite, mais que la faute commise par l’employeur n’était pas suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts. Une décision censurée par les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation qui rappellent que le mode de rémunération contractuel du salarié est un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode de rémunération soit plus avantageux pour le salarié. Aussi, toute modification unilatérale de la rémunération du salarié constitue un manquement qui, par nature, est suffisamment grave pour l’autoriser à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur (arrêt du 5 mai 2010 n° 07-45409).Pour rappel, la "prise d’acte” est le fait, pour un salarié, de prendre l’initiative de rompre le contrat de travail en reprochant à l’employeur de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles et en affirmant que cette rupture lui est donc en réalité imputable. En l’espèce, une salariée victime d’un accident du travail estimait que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective sa sécurité et protéger sa santé. Sur ce fondement, elle avait agi devant le Conseil de prud’homme pour faire constater la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. A l’appui de sa demande, le conseil de la salariée avait apporté le courrier de l’inspection du Travail l’informant du fait qu’un procès-verbal avait été dressé pour infraction à l’article R 4324-2 du code du travail. La Cour d’appel de Toulouse confirme la décision du Tribunal de prud’homme qui avait rejeté en première instance, la demande de la salariée. Pour les juges du fond, le courrier de l’inspection du Travail ne pouvait à lui seul suffire à établir le non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité à l’égard de l’intéresséeII - La Cour de cassation donne raison au salariéContre toute attente, les Hauts magistrats désavouent les juges du fond au motif “qu’il appartenait à l’employeur qui considère injustifiée la prise d’acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d’un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à son obligation de sécurité de résultat”. C’est une étonnante jurisprudence qui aménage maintenant le régime juridique de la prise d’acte en faveur du salarié “le fait qu’un accident du travail soit survenu dans l’entreprise est à lui seul la preuve que l’employeur n’a pas atteint le résultat qu’on était en droit d’attendre de sa part». En conclusion, les Hauts magistrats assouplissent leur jurisprudence dans un sens très favorable au salarié en le déchargeant de cette preuve.III - Conséquences Pour les employeurs, cette nouvelle jurisprudence risque de faciliter la .prise d’acte” de la rupture du contrat de travail par les salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Cette jurisprudence .atypique” pourrait également encourager les procédures, avec le coût important que cela induit pour l’entreprise en termes d’indemnités de rupture. Enfin, il faut retenir que le Code du travail ne comporte aucun texte législatif ou réglementaire afférent à la .prise d’acte”. Il n'y a donc pas d'alternative. C’est uniquement sur les dispositions de l’article 1184 du Code civil que le salarié peut fonder la rupture du contrat de travail considéré par les juges du fond comme un .contrat synallagmatique”. Suivant la jurisprudence civile constante, les contrats synallagmatiques ont toujours une condition résolutoire si l’une des parties ne remplit pas ses engagements. Le contrat est dit .synallagmatique” ou encore .bilatéral” lorsque ses dispositions mettent à la charge de chacune des parties en l’occurrence l’employeur et le salarié l’exécution de prestations qu’elles se doivent réciproquement le Code civil pour pouvoir fonder La prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié peut donc désormais recevoir deux qualifications : -* soit, les manquements reprochés à l’employeur sont établis et la rupture s’analysera en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; -* soit, les faits reprochés à l’employeur ne sont pas établis et la rupture s’analysera en une démission, peu important son caractère équivoque.Si la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié est validée par une juridiction, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit le paiement d’au moins 6 mois de salaire au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse). Toute modification unilatérale de la rémunération du salarié lui permet d’engager une procédure En l’espèce, un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur en lui reprochant de l’avoir payé avec un chèque sans provision, de ne pas lui avoir versé deux mois de salaire et d’avoir cessé de lui fournir du travail. L’entreprise dans laquelle il travaillait rencontrant des difficultés économiques, le salarié accepte de signer une Convention de Reclassement Personnalisé (CRP), après avoir notifié à l’employeur sa prise d’acte de rupture. Quelques jours après, le salarié revient sur sa décision et saisit la juridiction prud’homale afin de faire reconnaître sa prise d’acte de rupture. Pour sa défense, l’employeur se prévalait de la signature d’une CRP pour affirmer que le salarié avait renoncé à sa prise d’acte. Dans sa décision rendue le 30 juin 2010, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que la prise d’acte de rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraine la rupture immédiate du contrat de travail (Pourvoi n°09-41456). Les Hauts magistrats précisent que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ne peut être rétractée. En conséquence, l’employeur ne peut invoquer que le salarié a postérieurement accepté de signer une CRP. Pour rappel, si le salarié estime que l’employeur ne respecte pas ses obligations, peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Si par la suite le juge estime que les faits invoqués par le salarié justifiaient sa prise d’acte, cette dernière produit les mêmes effets qu’un licenciement injustifié. Si, au contraire, les faits invoqués par le salarié ne justifiaient pas qu’il prenne acte de la rupture de son contrat de travail, son départ produit les mêmes effets qu’une démission.