
Avec une structure capitalistique et une organisation opérationnelle en cours de transformation, Hyatt augmente son appétit de développement, notamment sur les nouveaux marchés. La différenciation entre les différentes catégories d’établissements passe par la politique tarifaire, à l’instar des constructeurs automobiles haut de gamme.
_ John Wallis : L’industrie hôtelière a beaucoup de chance. Trois nouveaux marchés émetteurs s’ouvrent aujourd’hui : le marché russe, le marché indien et le marché chinois. Personne n’a encore une idée précise de la profondeur de ce marché. Mais voir 120 millions de Chinois voyager pendant la “Golden week” vous donne une idée de sa taille potentielle. Une chose est certaine : le marché chinois va doper la fréquentation des hôtels, comme les Japonais l’ont fait dans les années 70. Avant, l’hôtellerie mondiale était fortement dépendante du marché américain. D’ici dix ans, le marché chinois sera le nouveau baromètre. Aujourd’hui, les Etats- Unis ne profitent pas encore pleinement de ces nouvelles sources. L’obtention du visa est souvent un obstacle. Les professionnels du tourisme font pression sur notre gouvernement pour alléger ces formalités car notre activité demande plus de touristes.Si jamais l’introduction revenait à l’ordre du jour, le timing en bourse serait judicieux avec la reprise économique et du tourisme international. La plupart des groupes hôteliers affichent des résultats meilleurs que prévus et les chaînes haut de gamme profitent plus que d’autres du retour des hommes d’affaires. Avec 5 milliards de dollars de revenus estimés, autant que Starwood et plus que Hilton Corp, Hyatt pourrait accroître sa position grâce à de nouvelles capacités d’investissement.HTR Magazine : Sur son marché intérieur, la Chine est-elle réellement ce nouvel Eldorado que tout le monde prédit ? _ J.W : Le gouvernement chinois fait un travail impressionnant en accompagnant le passage du communisme vers un marché ouvert. En matière de développement, la Chine est le pays le plus important pour nous. Nous avons un Grand Hyatt à Hong Kong, Taipei, Pékin et Shanghai. Deux Park Hyatt sont en cours de construction dans ces deux dernières villes. Dans les villes régionales, comme Nanjing, Ningbo ou Guangzhou, nous privilégions Hyatt Regency.HTR Magazine : Quelle est la stratégie de développement du groupe Hyatt ? _ J.W : A la différence de groupes comme Marriott ou Starwood qui développent plusieurs marques différentes, nous nous concentrons sur une segmentation par les prix. Dans une même ville comme Tokyo par exemple, nous avons un Park Hyatt à 500$ la nuit, un Grand Hyatt à 300$ et un Hyatt Regency à 180$. En ce sens, notre stratégie se rapproche plus de celle de BMW ou Mercedes, avec des séries différentes. Il a fallu du temps avant que cette stratégie, lancée il y a six ans, prenne forme et donne des résultats. Notre objectif à moyen terme est d’ouvrir un Grand Hyatt dans chacune des grandes villes mondiales. Dans les douze derniers mois, nous avons ouvert des Grand à Tokyo, Bombai, Dubaï et Sao Paulo. Avoir le même objectif pour Park Hyatt serait de l’utopie. Nous ne voyons un réel potentiel que dans 30 à 35 villes dans le monde pour cette déclinaison d’hôtels très haut de gamme. A l’heure actuelle, beaucoup de développements sont en cours. Outre Pékin et Shanghai, des Park ont ouvert ou vont ouvrir à Saigon, Dubaï ou Buenos Aires et en Europe, à Zürich. A Paris, comme pour tous les autres hôtels haut de gamme, les résultats n’ont pas été à la hauteur de nos espérances, mais, dans une perspective globale de marque, il est très bon d’avoir un hôtel dans cette ville. Park peut également avoir un potentiel sur le segment resort, comme le prouve notre hôtel de Goa. Néanmoins, la condition est de trouver le bon produit au bon endroit, capable d’attirer notre clientèle classique et citadine à des prix de chambre satisfaisants.HTR Magazine : Ne regrettez-vous pas l’abandon des négociations pour la reprise de la marque Le Méridien? _ J.W : A la fin du parcours, nous n’avons pas pu trouver d’accord sur le plan financier. Mais il ne faut jamais regarder en arrière et toujours penser à l’avenir. Nous regarderons avec attention les nouvelles opportunités qui se présenteront. Hyatt a toujours été opportuniste dans son développement. Nous avons des hôtels leader sur des marchés où les autres ne s’aventurent pas. La marque Hyatt est ainsi présente à Bichkek, Almaty et Bakou, où nous avons maintenant deux hôtels, un Regency et un Park. Nous avons été les premiers à ouvrir des hôtels dans les pays de l’ex- Union Soviétique. Et nous serons bientôt les premiers à Kaboul avec un hôtel de 200 chambres.HTR Magazine : Sous quelles formes le groupe Hyatt se développe- t-il ? _ J.W : Hyatt privilégie le management des hôtels. Très peu d’établissements nous appartiennent. Notre développement futur comprendra à la fois des conversions et de nouvelles constructions. Toutefois l’activité hôtelière est une activité cyclique et nous venons de sortir d’un cycle. Il est difficile pour des investisseurs de prédire l’évolution du prochain cycle. Le challenge est de trouver des capitaux pour son développement. A l’heure actuelle, le marché de l’investissement est assez sec aux Etats-Unis. Dans les grandes villes mondiales comme Londres, Paris ou d'autres, le coût du terrain très élevé rend les choses plus difficiles.Le groupe Hyatt en ordre de batailleHyatt est encore aujourd’hui le plus grand groupe hôtelier privé au monde avec ses 210 hôtels et plus de 90 000 chambres. Basé à Chicago, il a lancé l’Initiative Global Hyatt à l’automne 2002. Les objectifs avoués de cette nouvelle structure sont d’améliorer la coordination entre les deux branches américaine et internationale, de rendre la marque plus consistante et la qualité plus homogène à travers le monde, et de développer des synergies dans une période économique difficile. La holding rassemble Hyatt Corporation (propriétaire d’Hyatt Hotels Corporation : 122 hôtels en Amérique du Nord) et AIC Holding Co (propriétaire d’Hyatt Hotels International : 88 hôtels dans le reste du monde) sous la présidence de Doug Geoga. Ancien P-dg du groupe, il fut aussi président d’Hospitality Investment Fund en 2000, propriété des Pritzker, spécialisée dans l’investissement hôtelier. Son premier coup d’éclat a été de racheter le groupe US Franchise Systems : 464 hôtels et 36 187 chambres sous les marques Microtel Inns, Best Inns et Hawthorn Inns & Suites. Cette dernière enseigne fait d’ailleurs partie du programme de fidélité Hyatt Gold Passport.Autre volonté : permettre un développement plus efficace de son portefeuille, en interne comme en externe. La récente tentative infructueuse de prise en gestion du groupe Le Méridien tend à prouver qu’Hyatt n’est pas insensible aux opportunités qui peuvent se présenter.Depuis quelques mois, une rumeur persistante veut que Global Hyatt soit destinée à ouvrir le capital de l’entreprise et permettre la sortie d’actionnaires de la famille Pritzker, propriétaire multimilliardaire du groupe. Une famille qui a le goût du secret… et des querelles, puisque Leisel Pritzker a intenté un procès à son père et ses cousins, s’estimant flouée dans le partage de la fortune familiale. Se fondant sur un document du groupe, le Chicago Tribune évoque une possible introduction en bourse début 2005. “Il n’y pas de plan dans l’immédiat ni pour Global Hyatt ni pour aucune de ses filiales”. Le démenti de Hyatt a été cinglant, parlant d’un document de travail extérieur, sans toutefois nier de possibles discussions au sein de la famille.