Pour la première fois, le club des hôteliers indépendants réunissait ses membres les plus actifs pour échanger sur les défis auxquels la profession doit faire face. Au-delà des défis, il a également été questions de solutions et de perspectives.
Comment se porte le marché de l’immobilier hôtelier ?
Michel Simond : « Le marché reste très actif car les investisseurs sont toujours présents avec des liquidités importantes, notamment dans la Capitale et les grandes métropoles. Il y a un fort attrait pour les actifs hôteliers, mais les conditions financières se dégradent et il va falloir que les acquéreurs acceptent des taux de ROI autour de 6%, loin des 10% qu’ils escomptaient il y a encore quelque temps. On constate un mouvement d’arbitrage opportuniste des propriétaires investisseurs entre les types d’hébergement. Certains cèdent leurs immeubles Airbnb pour se tourner vers l’hôtellerie et sa commercialité, d’autres regardent vers la conversion de bureau en résidence ou hôtel ».
Yariv Abhesera, « J’ai cédé mon entreprise à la Compagnie des Alpes et je me consacre désormais à l’investissement et la gestion hôtelière en montagne, un secteur que je connais bien. Il est particulier car l’exploitation doit trouver sa rentabilité sur quelques mois. La montée en gamme est indéniable et il n’existe quasiment plus d’établissements économiques en montagne. Le marché est à un tournant avec de nombreux propriétaires exploitants qui sont arrivés à un âge où ils souhaitent céder l’affaire que ne reprendra pas leurs enfants. Les opportunités vont être nombreuses mais avec une exigence, les transformer radicalement pour les adapter aux nouvelles exigences du marché en créant de nouveaux concepts. La hausse des taux est un paramètre supplémentaire à faire entrer dans le tableur Excel pour valider le prix d’acquisition mais il n’est pas un obstacle majeur. Les banquiers de la montagne croient en son avenir et sont toujours prêts à accompagner les entrepreneurs ».
Patrick Hayat : « Certes le marché reste dynamique mais la crise Covid a laissé des traces en milieu urbain. Les banquiers font montre d’une certaine appréhension sur le secteur après avoir vu comment il a souffert. Ils font preuve d’une plus grande exigence sur le montant de l’apport personnel, qui n’est plus de 10 à 20 %, mais plutôt de 30 à 50%. Quand le deal se fait, c’est moins d’argent disponible pour l’acquéreur pour mener les travaux de rénovation ou de transformation. Les banques sont davantage intéressées par le financement des murs et fonds alors que l’on sait que la création de valeur est plus forte sur le fonds de commerce ».
Tony Grippon, Sequoia Soft, Hadrien Lanne, D-Edge, Stéphane Marie, Booking.com, Jean-François Martinet, Maison Cabotte net Ziad Minkara, CDS Groupe ont partagé leur vision de la distribution et les tendances à venir.
L’impact potentiel des JOP 2024 :
Hadrien Lanne : « Les Jeux Olympiques auront en réalité un impact sur un trimestre concernant les performances d’activités. L’impact en termes d’image pour les partenaires, et notamment les acteurs de la distribution, est indéniable, c’est une plateforme mondiale. »
Stéphane Marie : « L’événement peut aussi avoir un impact sur les performances des destinations à moins de 2 heures de Paris, comme Amiens, Orléans, Tours & Reims. L’impact est toutefois complexe à prévoir car c’est un événement qui se tient tous les 4 ans, dans des destinations peu comparables et qui évolue à chaque nouvelle édition. »
Ziad Minkara : « Les entreprises ont compris qu’elles payaient plus cher que les individuels. A cela s’ajoute le fait que les déplacements ont changé avec beaucoup moins d’aérien. Ainsi c’est l’hébergement qui est devenu le premier poste de coûts et à ce titre, c’est celui qui est le plus observé par les acheteurs. Attention aux prix pratiqués durant les JOP 24 et notamment dans les zones qui sont passées en surcapacité suite aux changements d’habitudes de consommation.
Il y a un travel ban des clientèles corporates pendant les JOP 24. Ce sont des consignes qui ont été passées au sein des entreprises. »
Les mutations que le secteur de la distribution a traversé :
Ziad Minkara : « La distribution pour les clientèles corporate se complexifie. Il est important de comprendre cet écosystème où se côtoient SBT, travel expense et les produits de la TMC. D’autant plus qu’il y a un dutty of care pour les voyageurs corporate imposé à l’employeur. A cela s’ajoutent les sujets de sécurisation des données et ceux liés au paiement. Dans ce contexte, pour la clientèle corporate, le sujet n’est plus de passer en direct mais plutôt d’être bien référencé sur les bons outils. »
Hadrien Lanne : « Le Customer Data Management devient la clé. C’est l’outil qui permet de maintenir une relation plus directe avec le client et ainsi de le fidéliser.
En 2025 il est fort probable que les performances se dégradent, ainsi il sera nécessaire d’aller chercher le TO. Pour être le plus actif possible sur sa zone il faudra gagner en visibilité. Plus de visibilité induit plus d’intermédiation et moins de vente directe. Les commissions vont augmenter et le mix direct va baisser. Celui qui gagne c’est Google car tous les investissements vont chez eux. »
Jean-François Martinet : « Nous recherchons les outils adaptés pour simplifier la distribution et mettre l’accent sur l’accueil. Nous sommes vendeurs, il faut apporter de la convivialité, cela passe par la réception. »
Yariv Abhesera « Malgré tout ce qui vient d’être dit, il n’en reste pas moins que la classe d’actif Hôtellerie va rester la plus « sexy » pour les années à venir quand on la compare à celle de l’immobilier de bureau, de la santé ou des centres commerciaux.
La distribution et les plateformes
Patrick Hayat : « L’hôtellerie n’a jamais eu peur de la concurrence et nous avons montré que le mot « résilience » utilisée plus ou moins à toutes les sauces s’applique bien à notre secteur. Nous sommes réactifs et nous savons nous adaptés. Encore faut-il que la concurrence soit loyale et c’est là où l’intervention de l’ATOP, l’association qui s’est donné la mission de lutter contre ces situations anormales, prend tout son sens. Il est anormal que nous soyons confrontés à des particuliers qui ne paient pas la TVA, qui n’ont pas les mêmes règles de sécurité ou d’assurance, qui ne paient pas les mêmes impôts. En tant que citoyens aussi, nous luttons contre les excès qui ont des conséquences sur la vie de la Ville même. Nous sommes satisfaits de voir que les autorités publiques et les municipalités ont pris le problème à bras le corps pour fixer de nouvelles règles qui rétablissent la bonne concurrence.
« Mais nous sommes par nature des libéraux et nous n’avons rien contre la plateforme Airbnb, puisqu’il faut parler d’elle. J’invite même tous mes confrères, comme je le fais moi-même pour mes hôtels, à utiliser la plateforme comme un canal de distribution qui se met en concurrence avec Booking et Expedia. Nous lui demandons simplement, mais fermement, de faire respecter la loi, de faire la chasse à ses propriétaires qui ne respectent pas les règles. Le cadre juridique au niveau européen se met en place et nous y sommes très favorable »


