À l’occasion d’une table ronde réunissant Hannah Yulo Luccini (Hotel 101), Sami Mendil (B&B HOTELS), Arthur Jaeger (Adagio), Gwenaëlle Pouy (EasyHotel) et Héléne Gauthier (Honotel), les intervenants ont dressé un état des lieux du climat d’investissement en Europe, tout en exposant leurs stratégies respectives dans un contexte encore marqué par les incertitudes macroéconomiques, les tensions géopolitiques et les réajustements post-Covid.
Standardisation et scalabilité : le modèle disruptif de Hotel 101
Hannah Yulo Luccini, CEO de Hotel 101, a présenté un concept hôtelier entièrement standardisé, pensé pour une expansion mondiale : « Nous ne développons qu’un seul type de chambre dans le monde entier » explique-t-elle. « Cette standardisation complète permet une efficacité opérationnelle maximale. »
Avec des hôtels de 500 chambres et un modèle de vente à la découpe, Hotel 101 propose aux particuliers d’acheter une chambre pour ensuite la louer à la marque, sans avoir à gérer l’exploitation. « Pour 200 000 €, vous pouvez devenir propriétaire d’une unité hôtelière avec partage du chiffre d’affaires, sans les tracas d’un bien locatif classique. »
Après un lancement réussi à Madrid, Hotel 101 cible cinq nouveaux marchés européens via des joint-ventures, des franchises et des développements en fonds propres. « Il y a une forte demande en Europe pour des concepts neufs, notamment auprès de propriétaires fonciers bloqués sur des projets résidentiels ou tertiaires. »
B&B HOTELS : des rendements solides dans un modèle mature
Sami Mendil, directeur monde de l’immobilier chez B&B HOTELS, a souligné l’attrait de leur modèle pour les investisseurs. Avec 900 hôtels dans le monde et une croissance ciblée au Royaume-Uni et aux États-Unis, il précise : « Nous n’investissons pas dans la pierre. Nos baux sécurisés offrent des cash-flows stables, ce qui est très attractif. »
Bien que les volumes d’investissement mondiaux aient atteint 60 milliards de dollars en 2024 – encore loin du pic de 2015 – Sami Mendil observe un retour des capitaux institutionnels : « Nous avons finalisé 124 opérations, dont deux portefeuilles majeurs avec Swiss Life et BC Partners. »
Adagio : tirer parti de l’essor du long séjour
Arthur Jaeger, Chief Development & Real Estate Officer chez Adagio, affiche un optimisme marqué : « Le sud de l’Europe explose – Espagne, Portugal, Italie. »
L’enseigne ambitionne de passer de 130 à plus de 200 hôtels d’ici 2025, avec une flexibilité contractuelle (franchise, gestion, bail, co-investissement). « Nos marges GOP dépassent les 50 %, parfois 60 %, ce qui est supérieur à la moyenne hôtelière. »
EasyHotel : un modèle urbain, bas carbone et rentable
Gwenaëlle Pouy, Chief Development Officer d’EasyHotel, vise un doublement du portefeuille d’ici cinq ans. « France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Espagne et Portugal sont nos marchés clés. » L’entreprise mise sur la sobriété carbone : « Nos chambres de 12 m² n’émettent que 1,9 kg de CO₂ par nuit, soit 66 % de moins que les hôtels milieu de gamme. »
Trois ouvertures sont prévues en Espagne cette année. En parallèle, EasyHotel relance son offre franchise, après avoir finalisé une nouvelle application, un nouveau design et renforcé ses canaux de vente directe.
Honotel : une croissance ciblée et qualitative
Hélène Gauthier, CEO de Honotel, défend une approche sélective : « Nous privilégions la qualité des opérations à leur volume. » Présent surtout en France, Honotel investit via son propre fonds.
« À Paris, les transactions entre 10 et 50 M€ sont dominées par des investisseurs privés, séduits par un actif tangible, compréhensible, avec des avantages fiscaux. »
Défis du développement en Europe
Tous les intervenants ont souligné la complexité des autorisations de construire. Gwenaëlle Pouy estime : « Dans toute l’Europe, il faut compter au minimum 6 à 9 mois. En France, si l’on anticipe bien, c’est faisable en cinq mois. »
Pour Arthur Jaeger et Sami Mendil, s’associer à des partenaires locaux est indispensable, notamment pour les projets de conversion de bureaux en hôtels.
Prévisions 2025 : confiance raisonnée
Tous les groupes misent sur une croissance soutenue. B&B HOTELS prévoit 200 hôtels supplémentaires en France et 125 en Espagne. Adagio prévoit 15 à 20 nouvelles signatures cette année. EasyHotel veut signer huit projets en 2025. Hotel 101 vise 10 000 à 12 000 nouvelles chambres, dont un tiers en Europe.
Hannah Yulo Luccini résume : « Nous devons nous positionner rapidement là où la demande dépasse l’offre. Le timing et la viabilité des permis sont cruciaux. »
Un climat d’investissement encore favorable
Si les dirigeants restent optimistes, ils restent attentifs aux risques. Sami Mendil prévient : « La géopolitique est notre principale inquiétude. Mais l’hôtellerie reste l’un des actifs immobiliers les plus attractifs en termes de rendement-risque. »
Hélène Gauthier complète : « Avec 2,7 milliards € de transactions en France en 2024, dont 25 % par des investisseurs privés, le marché reste solide. »
Qu’ils misent sur la standardisation, l’impact carbone, le long séjour, l’économie urbaine ou les concepts boutique, tous partagent une conviction : l’Europe reste un marché sûr, profond et riche en opportunités. La clé réside dans l’agilité, la rigueur opérationnelle et des partenariats ancrés localement.
