
En Asie-Pacifique, il existe un contexte de multilinguisme important. Cette région est une sorte de mosaïque linguistique dans laquelle le mandarin est évidemment la langue la plus couramment parlée. La place de la langue française y est relativement marginale. En dehors des territoires français ultramarins du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie et Wallis-et-Futuna), quelques pays continuent d’être membres de l’Organisation internationale de la Francophonie. (Brice Duthion)
Sur les 6 000 langues inventoriées dans le monde, essentiellement parlées par des populations relativement restreintes, plus de 2 000 existent en Asie. Pour autant, de nombreux pays de la région ont adopté l’anglais comme langue de communication, au moins dans une dimension de communication commerciale.
Le français a du mal à tenir son rang mais il résiste dans certains pays dont ceux qui faisaient partie de l’ancienne Indochine française. L’ancien empire colonial français fondé en 1887 a disparu au moment des indépendances achevées en 1954, et le rejet de la langue française a été rapidement effectué au profit notamment de l’anglais.
Ce fut le cas au Vietnam de façon quasi immédiate aux lendemains de la guerre. Le Cambodge, indépendant en 1953, a conservé le français comme une langue d’enseignement pendant une décennie et est enseigné comme langue étrangère depuis 1974. Le Laos a conservé le français comme langue d’enseignement, mais aussi langue dans l’administration et la diplomatie jusqu’au début des années 1970. L’usage du français a fortement diminué depuis. Mais ces pays demeurent membres à part entière de l’OIF.
Le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Indopacifique
Cette région Asie-Pacifique est revendiquée comme une priorité pour la France. D’abord par la présence de ses territoires ultramarins qui représentent une population totale de plus d’1,6 million d’habitants ainsi que plus de 200 000 Français résidents dans de nombreux pays. Ensuite par la compétition sino-américaine qui s’intensifie depuis plus de vingt ans et qui génère de nombreuses tensions.
Six membres du G20 (Australie, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Japon) sont présents dans cette zone. Les voies commerciales maritimes qui la traversent sont devenues prépondérantes. Les principales réserves de croissance mondiales se trouvent dans l’Indopacifique, qui contribuera d’ici 2030 à environ 60% du PIB mondial. Le poids croissant de ces pays dans les échanges commerciaux et les investissements mondiaux se trouvera encore renforcé dans le monde post-Covid.
Une attention portée sur les territoires français du Pacifique

Les récentes émeutes en Nouvelle-Calédonie ont montré une vive tension communautaire. Mais également des fragilités économiques, que l’on peut élargir aisément à la Polynésie française.
Leurs économies sont typiques des économies ultramarines : elles affichent un déficit structurel des échanges de biens et des transferts publics importants avec la métropole. Cinquième réserve mondiale de nickel derrière, notamment l’Indonésie et l’Australie, la Nouvelle-Calédonie a bénéficié sur la dernière décennie d’investissements industriels avec la construction de deux usines métallurgiques. La volatilité du cours du nickel, doublée de difficultés techniques, stratégiques et sociales, explique de sérieuses contraintes financières.
La spécialisation de l’économie, notamment de la Polynésie française, dans le secteur touristique permet de dégager un excédent récurrent du solde des services. La situation de 2023 a permis de retrouver peu ou prou son niveau record de 2019. Pour ces territoires ultramarins, les transferts publics en provenance de l’Hexagone jouent un rôle d’amortisseur notamment en cas de crise. Les administrations publiques et des services non marchands représentent entre 24 % et 37 % de la valeur ajoutée (contre 22 % en métropole).
Le secteur public dans les collectivités est soutenu par des transferts publics en provenance de l’Hexagone (à hauteur de 16 % en Nouvelle-Calédonie et 22 % en Polynésie française du PIB 2019). Ces transferts sont composés pour l’essentiel de versements de l’État. Ils concernant les salaires et pensions des fonctionnaires, les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention des collectivités publiques et des forces armées.
Le Vietnam, une économie dirigée et ouverte sur le monde

Dans l’horizon francophone régional, le Vietnam semble être le pays aux dynamiques les plus vives. Pays de 100 millions d’habitants, présentant un taux d’alphabétisation de près de 96% de sa population et une espérance de vie de l’ordre de 74 ans, le Vietnam est l’un des pays à la croissance la plus rapide au monde.
Son économie a résisté aux guerres commerciales, au ralentissement des taux de croissance de la Chine voisine mais également à la dernière crise sanitaire. Ce rythme économique soutenu est dû à plusieurs facteurs : le transfert de main-d’œuvre de l’agriculture vers l’industrie manufacturière et les services, l’investissement privé, le dynamisme du secteur touristique, l’augmentation des salaires et à l’accélération de l’urbanisation.
L’économie vietnamienne dépend fortement de ses exportations notamment de production industrielle, de textile, d’électronique et de production de fruits de mer. En 2022 et 2023, le PIB du Vietnam a augmenté de +8% et de 5% en 2023. Il devrait augmenter de 5,8 % en 2024 et 7 % en 2025. Son PIB par habitant a plus que doublé en dix ans pour atteindre plus de 4.000 $/hab en 2023.
Le Vietnam compte désormais une classe moyenne de plus en plus aisée. Les fondamentaux macroéconomiques sont bons. La dette publique représente 34 % du PIB en 2023, les prix à la consommation ont augmenté de 3,25 % en 2023 et l’inflation devrait revenir autour de 2 % en 2024 (prévisions du FMI). Le taux de chômage est bas, à hauteur de 2,3% en 2023 (7,6%, pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans). Le taux de pauvreté est passé en une décennie de 17% à 5% de la population selon la Banque mondiale.
Une économie encore largement étatique, mais qui se diversifie
Les principaux secteurs d’activités économiques sont portés par de grandes industries d’État dans les secteurs du textile, de l’alimentation, de l’ameublement, du plastique, du papier, du tourisme et des télécommunications. L’agriculture reste un secteur important (11,9 % du PIB et 34 % de la population active) avec des productions importantes (riz, café, noix de cajou, maïs, poivre, patates douces, arachides, coton, caoutchouc, thé et aquaculture). L’excèdent commercial agricole s’élève à plus de 11 milliards $ en 2023.
Le modèle économique vietnamien reste fortement dépendant des investissements étrangers (Samsung représente plus de 20% des exportations vietnamiennes) et des exportations, notamment vers les États-Unis et la Chine. Le Vietnam a rejoint l’OMC en 2007. Il a signé des accords de libre-échange (ALE) avec les pays de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) et les États-Unis et un accord de coopération avec l'UE. Le Vietnam est l'une des économies les plus ouvertes au commerce international en Asie, les échanges représentent 186 % de son PIB.
Le Vietnam affiche un excédent commercial avec les pays occidentaux, mais un déficit avec ses voisins asiatiques. En 2023, les exportations sont estimées à 354,5 milliards $ et les importations à 328,5 milliards $. Les principaux partenaires à l’exportation sont les États-Unis (30 % en 2022), la Chine (15,6 %), la Corée du Sud (6,5 %), le Japon (6,5 %) et Hong Kong (3 %). Ses principaux fournisseurs sont la Chine (33 % des importations), la Corée du Sud (17 %), le Japon (6,5 %) et les États-Unis (4 %).
L’hôtellerie vietnamienne a retrouvé une dynamique importante

L’hôtellerie et la restauration sont fortement tributaires de l’activité touristique et des échanges internationaux. Ils emploient à eux seuls plus de 5 % de la population (environ 5 millions de personnes). Le tourisme a atteint un niveau record en 2019 avec des revenus de l’ordre de 30 milliards $ pour 18 millions de visiteurs internationaux et plus de 100 millions de touristes domestiques. Il représentait alors plus de 9% du PIB vietnamien. L’économie touristique vietnamienne s’est remis en 2023 du Covid. Pour les dix premiers mois de 2023, les recettes touristiques étaient estimées à près de 24 milliards $, dépensées par plus 10 millions de touristes étrangers et 98,7 millions de vacanciers locaux.
Si le Vietnam se rêve en alternative économique à la Chine en jouant la carte de l’ouverture à l’étranger, le pays mise sur le tourisme. L’Autorité nationale vietnamienne du tourisme (VNAT) s’est vu décerner pour la quatrième fois le titre de « Meilleure agence de gestion du tourisme d'Asie ».
La VNAT a proposé de « renforcer la gestion des destinations touristiques, de préserver et de promouvoir les valeurs naturelles et culturelles pour un développement touristique durable, notamment en assurant la sécurité des touristes, accordant une attention particulière à la préservation de l'environnement et à l'hygiène alimentaire ». L’autorité a également proposé de promouvoir les grands centres touristiques (Ha Noi, Da Nang, Ho Chi Minh Ville, Can Tho, Quang Ninh, Ninh Binh, Thua Thien Hue et Khanh Hoa) comme moteurs de croissance du tourisme régional.
Une croissance à deux chiffres continue pour l'hôtellerie vietnamienne
En 2022, le marché de l’hôtellerie local est estimé à plus de 3 Mds $. Il devrait afficher une croissance annuelle moyenne entre 13 et 15 % d’ici 2030 et pourrait ainsi approcher les 10 Mds $. La reprise de toutes les activités touristiques a ouvert de nouvelles opportunités pour les investissements étrangers dans le secteur de l’hôtellerie et du tourisme.
Trente hôtels ont été ouverts en 2022 pour plus de 10.000 chambres (soit une moyenne de plus de 300 chambres par hôtel), trente-six hôtels l’ont été en 2023 (pour plus de 12 302 chambres) et 15 ouvertures sont prévues en 2024 (la livraison de près de cinquante établissements est prévue en 2025). Soit un total de plus de 54.000 chambres nouvelles ouvertes en quatre ans, traduisant ainsi une dynamique importante, notamment dans les grandes villes du pays, à Hô Chi Minh Ville et Hanoï.
« Le marché hôtelier à Hanoï se porte bien » titrait récemment un site francophone vietnamien. Le taux d’occupation moyen s’élève à environ 65 % au premier trimestre 2024, suivant la croissance des arrivées de touristes coréens ou indiens. Ce sont les hôtels 4 et 5 étoiles qui connaissent la plus forte croissance. Hanoï a accueilli en 2023 l’ouverture d’hôtels 5 étoiles (Mövenpick) et en accueillera bientôt d’autres (projets Hilton, Ritz Carlton, Four Seasons…).
Un marché qui suscite le vif intérêt des groupes hôteliers internationaux

L’industrie hôtelière au Vietnam est fragmentée, présentant une combinaison de marques internationales et nationales. Les Leaders du marché hôtelier vietnamien sont deux chaines domestiques (Vinpearl et Muong Thanh Hospitality), puis par trois chaines mondiales (Accor Hotels, InterContinental Hotels Group et Marriott International).
Les prévisions de croissance laissent penser que les investissements ne vont pas se tarir dans les années à venir. Quarante-et-uns nouveaux hôtels de la chaine Accor devraient ouvrir au Vietnam d’ici 2028 et complèteront les quarante établissements déjà présents sous différentes marques (Sofitel, MGallery, Pullman, Novotel, Mövenpick, Mercure, Ibis, etc.).
IHG, présent au Vietnam depuis quinze ans avec quinze hôtels (InterContinental, Crowne Plaza et Holiday Inn) prévoit d'ouvrir vingt-deux établissements supplémentaires au Vietnam d’ici 2028 notamment sous de nouvelles marques (Vignette Collection, Hotel Indigo et Holiday Inn Express).
Ces investissements importants ne sont pas limités par quelques défis importants au premier rang desquels sont identifiés des phénomènes météorologiques anormaux, l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles (y compris la salinisation du delta du Mékong).
