Entretien avec Benoît Jobert, co-fondateur avec Matthieu Brugière du groupe Axis en 2004, qui a déployé les marques The Colivers et plus récemment The Babel Community. Un modèle novateur qui traverse la crise.

Comment est apparu votre intérêt pour ce secteur et comment avez-vous décidé de vous lancer dans le co-living ?

Nous avons lancé avec Matthieu en 2004, un concept autour de la colocation, une sorte d’agence immobilière spécialisée dans la colocation. Nous avions à l’époque, identifié une demande très forte sur ce marché et une offre très peu structurée. Nous nous sommes positionnés comme tiers de confiance sur ce marché et implantés dans une dizaine de villes en France.

Notre idée était assez simple : prendre un bail auprès de propriétaires de grands logements et les équiper. En découvrant le marché de la colocation, nous avons découvert la problématique plus globale du logement des jeunes actifs. A notre grande surprise, la majorité de nos clients était de jeunes actifs plutôt que des étudiants. […] Nous avons commencé par des logements que nous avons reconfigurés, puis de petits immeubles, puis de plus gros immeubles. Nous avons finalement commencé à avoir une double casquette d’exploitant et d’investisseur. […] Cette spécificité fait que nous arrivons dans des villes où nous expliquons que nous ne sommes pas simplement des exploitants qui allons prendre un bail, mais plutôt que nous nous inscrivons dans la durée dans le quartier.

Notre client type est quelqu’un qui a entre 25 et 40 ans, qui arrive dans une ville sans trop la connaître. Il cherche un logement plug & play, dans lequel il puisse s’installer rapidement et qu’il puisse quitter rapidement : il faut donc un bail assez souple. Ce client veut du confort, de la convivialité. Il n’est pas contre payer un peu de services si ce service est fluide et pertinent.

[…]  Ce cheminement nous a amenés à développer nos services et à créer la marque phare The Babel Community. Elle mêle co living, co working, salle de sport, restaurant etc. […] Nous sommes partis du besoin pour créer ce produit.

Nos clients restent en moyenne six à huit mois chez nous. Nous avons essayé d’imaginer une offre à la croisée des chemins entre le logement traditionnel, avec l’avantage de se sentir chez soi, auquel s’ajoute la convivialité qu’apporte la colocation […], et l’avantage de l’hôtel avec l’expérience client, le service. Je rappelle souvent à mes collaborateurs que notre client est un client et non pas un locataire.

Le marché de l’immobilier est l’un des seuls marchés qui ne parle pas de clients mais de locataires. Cela en dit beaucoup sur la maturité du marché vis-à-vis de ce qu’attend le client. Lorsqu’il y a un manque d’offre, la relation est inversée. Le locataire demande à son propriétaire ou bailleur de bien vouloir lui louer et a oublié d’être exigeant. […]

Quels sont les services incontournables que vous proposez en plus dans vos résidences ?

Notre première résidence a ouvert dans un bâtiment de 4 000 mètres carrés à Marseille en novembre 2017. Nous proposons des chambres avec salle de bain individuelle ; 5 chambres se partagent un grand salon. Nous proposons également des T1 et des T2. Ceci permet une sorte de parcours résidentiel pour nos clients : certains commencent par une chambre en colocation et ont ensuite envie d’avoir un appartement individuel dans le même bâtiment.

Nous avons également un espace de coworking. C’est l’une des forces et une des particularités de Babel, nous avons voulu mixer un usage co-living avec un usage co-working. Avoir dans un même bâtiment des gens qui vivent et des gens qui travaillent le rend bouillonnant.

On entre dans le bâtiment par le restaurant qui est ouvert sur le quartier et qui est un lieu assez animé. On continue en passant à travers le lobby du co-working qui est tout aussi animé. […] Cela fait partie de notre business model : nos équipes sont formées pour cet usage logement et cet usage bureaux. Elles vont pouvoir le matin et le soir se mettre à disposition de nos co-livers et la journée aider les co-workers, l’idée étant que nos espaces communs puissent être utilisés au maximum. […]

Notre modèle fonctionne pour deux raisons. A la fois car nous avons ce mélange d’offres de logements et de bureaux, et à la fois car nous avons ces bâtiments de grande taille qui permettent d’amortir ces espaces communs. [...] Si nous voulons conserver des tarifs qui soient plus proches du logement traditionnel que de l’hôtellerie, il faut trouver des solutions pour rendre les choses rentables. Et pour rendre les choses rentables, il y a cette mutualisation des espaces et l’optimisation des équipes couplées à des bâtiments de grande taille. […].

Nous avons ouvert un deuxième établissement en 2019 à Montpellier, sur 4 000 m² également. Les prochains projets s’étaleront sur 7 000 à 14 000 m². Dans notre métier, « big is beautiful ». En optimisant les espaces, on peut se sentir dans 30 mètres carrés comme si on était dans 40 mètres carrés. Ces mètres carrés auxquels le client a renoncé, on les a mutualisés dans des espaces communs.

En phase de développement, quand vous allez présenter ces projets aux métropoles et aux agglomérations, comment ces grandes capacités sont-elles perçues ? Vous faut-il expliquer le concept et cette capacité ?

Il y a en effet un vrai sujet politique : quand on arrive avec un projet de 10 000 m² dans une commune, cela peut inquiéter. Nous avons besoin d’expliquer notre métier, qui est assez nouveau. Nous ne sommes pas en concurrence avec l’hôtel […], nous apportons une solution qui n’existait pas sur le marché. C’est à notre sens un élément d’attractivité sur un territoire. L’enjeu d’un élu est d’essayer d’attirer des entreprises sur son territoire. Nous pensons que l’enjeu du logement des nouveaux salariés est vecteur d’attractivité. […]

Nous avons actuellement deux nouvelles résidences en construction à Grenoble et à Marseille. Sur ces deux opérations, nous sommes suivis par la Caisse des Dépôts, ce qui montre la cohérence de nos projets. Nous avons également pu prouver que nous étions capables de nous inscrire en hyper centre-ville et d’aider à la revitalisation d’un quartier.

Nous sommes dans une période compliquée liée à la Covid-19, comment traversez-vous cette crise ?

Nous avons souffert comme beaucoup mais pas sur tous les métiers. Le co-living, qui représente 70% de notre offre, a été très peu touché. Certains de nos clients ont été confinés dans les résidences. S’ils se sont confinés ailleurs, ils n’ont en règle générale pas rendu leur appartement, dans l’attente que la situation se normalise. Pour ceux qui étaient confinés chez nous, c’était un peu particulier car ils avaient Babel sans l’âme de Babel. Heureusement que ça n’a pas duré car ils y trouvaient moins leur compte qu’avant le confinement.

Sur le co-working, nous avons deux types d’offres : des open spaces et des bureaux fermés. Nos espaces de co-working sont restés accessibles, nous avons fermé les open spaces et remboursé nos clients sur ces espaces.

Là où nous avons été le plus impactés, c’est sur le restaurant qui est une business unit importante pour nous. Nous avons aussi été impactés sur une offre que nous développons de plus en plus, qui est une offre de séminaires pour laquelle nous avons eu de très nombreuses annulations. […]

Nous avons également été impactés sur nos chantiers en cours qui ont été arrêtés pendant plus d’un mois et demi.

Combien avez-vous de résidences en projet ? Imaginez-vous faire évoluer votre concept pour l’adapter à chaque ville ?

Notre objectif : 25 résidences pour 2025. Cela concerne les principales villes françaises avec pour certaines 2 voire 3 résidences. L’idée est d’essayer d’avoir un produit dans lequel nos clients ne soient pas trop perdus quand ils passent d’une résidence à l’autre. Si on retrouve le produit dans ses grands principes, il y a évidemment de l’adaptation. Nous faisons beaucoup de réhabilitation d’immeubles anciens. […] Dans nos restaurants, nous travaillons les produits locaux. Nous faisons travailler des équipes et des chefs locaux.
Les espaces communs sont à chaque fois confiés à des architectes et des décorateurs différents.

Pour le développement, nous profitons d’avoir des partenaires solides et un marché très important. Nous ne nous considérons pas comme des hôteliers mais nous essayons de nous inspirer des belles réalisations des hôteliers sur un marché qui est très traditionnel, celui du logement. Notre équipe s’étoffe d’ailleurs de personnes qui ont travaillé dans les grands groupes hôteliers.

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