Karim Soleilhavoup : « Nous voulons accompagner la consolidation des indépendants »

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Publié le 05/06/25 - Mis à jour le 06/06/25

Karim Soleilhavoup

Karim Soleilhavoup, Directeur Général du groupe Logis Hotels, revient sur les défis actuels et les perspectives de croissance de l'hôtellerie indépendante dont le groupe est la figure de proue en France. Il évoque notamment l'importance de la gestion de la restauration, les enjeux liés à l'environnement, et les efforts du groupe pour soutenir ses hôteliers dans la consolidation et la modernisation de leurs établissements.

Quel bilan tirez-vous pour cette première moitié de l’année 2025 ? 

Karim Soleilhavoup : Cette année, nous constatons une croissance exceptionnelle pour Logishotel.com. Une croissance tellement élevée que j'ai dû poser la question à nos équipes : "Est-ce qu'il y a un problème dans notre système ? Est-ce que nous comptons les chiffres deux fois ?" C'était incompréhensible à ce niveau. Après une vérification fin mars, les équipes ont confirmé que tout était correct. En résumé, la croissance de Logishotel.com est bien réelle. 

Concernant les vacances de Pâques, Logishotel.com a connu une croissance de 33 %. En parallèle, les réservations directes sur les sites web des hôtels ont augmenté de 21 %, avec un panier moyen en hausse de 8 %. Ce phénomène est surtout dû à un effet volume, plus qu'à une forte augmentation des prix. 

Une région qui a particulièrement tiré son épingle du jeu est le littoral sud-atlantique, avec une croissance de près de 70 %. En termes de clientèles internationales, les Belges (+57 %) et les Allemands (+55 %) sont en forte hausse. 

Avez-vous déjà un aperçu des tendances pour la saison estivale ?

 Karim Soleilhavoup : Nous avons déjà une bonne visibilité, avec des réservations en avance de 22 % pour la période juin-juillet-août. Le mois de juin est particulièrement fort (+32 %), suivi de juillet (+18 %) et août (+15 %). 

Ce qui est notable, c'est qu'en juin, juillet et août, 46 % des réservations proviennent de clients internationaux, un phénomène qui montre l'attrait croissant de la France à l'échelle internationale. Les Belges continuent ainsi d’être très présents, avec une croissance de 18 % sur l’été. Les Britanniques sont également en forte hausse (+18 %). Ces deux nationalités dominent la croissance de la clientèle internationale pour cette période. 

Concernant les destinations, pas de grandes surprises. Les régions littorales, comme la Nouvelle-Aquitaine, continuent de dominer. Cependant, Auvergne-Rhône-Alpes, qui avait déjà pris le leadership pendant la période COVID, reste dans le top 3. 

Ce qui est intéressant, c’est la diversité de l’offre dans cette région, qui combine montagne, campagne et tourisme urbain. L’Occitanie, avec laquelle nous avons un partenariat stratégique depuis 18 mois, est également une région en forte croissance. 

L'année commence très bien. Depuis le début de l'année, nous enregistrons une croissance de 22 %. C’est la sixième année consécutive de croissance pour nous. Cela s'explique par plusieurs facteurs, dont une communication massive depuis 2023, avec des campagnes télé, radio et digitales. 

Nous avons aussi rénové nos marques et lancé des marques premium, comme Demeure & Châteaux, qui connaissent un véritable succès. Ces marques attirent aussi une clientèle internationale, ce qui explique une partie de notre croissance. 

Vous avez récemment lancé la marque Urban Style dans la catégorie Lifestyle. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet et ses ambitions ? 

Urban Style hôtel

Karim Soleilhavoup : Le segment Lifestyle est en forte croissance, ce qui nous pousse à y prêter attention. Le portefeuille de marques du groupe Logis Hotels inclut Logis Hôtel, qui devient plus moderne, avec une forte dimension restauration, bien que traditionnellement associée à des établissements en périphérie. 

Nous constatons un besoin chez nos hôteliers d’une marque plus moderne, urbaine et avec une offre différente, comme un espace bar lounge ou une restauration légère. C’est là qu'Urban Style intervient : une marque complémentaire pour ceux qui cherchent à se repositionner, notamment ceux qui possédaient déjà un Logis Hôtel et veulent un établissement urbain plus moderne. 

Nous avons créé Urban Style après avoir écouté nos hôteliers qui, voulant monter en gamme, se retrouvaient contraints par le positionnement de Logis Hôtel, plus orienté mass market. Ainsi, deux marques premium ont été créées pour répondre à leurs besoins : Demeure & Châteaux et Singulier Hôtel. Urban Style, c’est la même démarche. 

Nous avons des hôtels rénovés qui, après avoir intégré une offre de restauration, ne se retrouvent plus dans le cadre de Logis Hôtel. C'est donc une réponse à un besoin complémentaire pour ces hôteliers qui recherchent une offre lifestyle et plus urbaine. 

Concernant la restauration, vous mentionnez dans vos priorités 2025 une accélération de la décarbonation. Pouvez-vous en dire plus sur ce sujet ? 

Karim Soleilhavoup : Nous avons beaucoup de restaurants dans nos établissements, mais jusqu'à présent, nous n'avons pas suffisamment travaillé sur la partie restauration. C’est un sujet crucial car la restauration représente environ 50 % du chiffre d'affaires, mais les marges sont faibles. 

En outre, environ 45 % des émissions de gaz à effet de serre de Logis Hotels proviennent de l'alimentation. C’est pourquoi nous mettons en place Act Eco, un programme visant à réduire l'impact carbone des menus et à sensibiliser nos chefs à ces enjeux. C’est avant tout un processus d'éducation. Il est essentiel de sensibiliser nos chefs à ces questions. 

Nous devons non seulement réduire l'empreinte carbone, mais aussi garantir des produits de qualité pour nos clients tout en maintenant des marges raisonnables. 

En matière de ressources humaines, quelle est votre stratégie pour attirer et retenir les talents dans un secteur aussi compétitif ? 

Karim Soleilhavoup : Il est vrai que la gestion de l'humain est devenue de plus en plus complexe. Pendant des années, j'ai trouvé cela presque amusant, car tout se passait bien pour nous, mais aujourd'hui, nous sommes aussi victimes des mêmes défis que tout le monde. Je crois que les solutions, ce sont avant tout des solutions de bon sens. Nous venons d’évoquer de nombreux éléments qui donnent du sens à ce que nous faisons. 

Quand vous êtes un acteur économique solide, capable de payer des salaires et que vous êtes également engagé localement, vous créez du sens. De plus, quand vous vous développez, en ayant plusieurs hôtels de marques différentes et complémentaires, vous créez non seulement de la valeur ajoutée pour vos clients, mais vous offrez également la possibilité à vos collaborateurs d'évoluer dans des environnements différents, ce qui devient une forme de promotion pour eux. 

Encore une fois, la consolidation des structures répond non seulement à une problématique de ressources humaines, mais elle permet aussi de faire évoluer vos collaborateurs, de les faire monter en compétences. 

Et pourquoi ne pas accompagner un propriétaire d'un premier établissement, que nous avons soutenu dans l'acquisition de deux autres, qui en a maintenant trois, pour qu'il puisse faire l’acquisition d'un quatrième ? Peut-être qu'un de ses talents, celui qui a déjà évolué au sein des trois hôtels, pourrait devenir l’acquéreur de ce quatrième établissement. Ce talent, que nous avons accompagné, n'est pas forcément le propriétaire historique. 

Au départ, l'employeur pourrait investir dans le projet et, au fil du temps, un dispositif de rachat progressif serait mis en place, où le salarié pourrait racheter les 49 % du propriétaire au travers d’un crédit vendeur. Cette démarche permet à la fois de faire grandir l’hôtellerie indépendante tout en offrant des opportunités à nos talents. 

Bien entendu, vous allez me dire : "Mais, tout de même, 99 % des serveurs ne rêvent pas d’acheter un hôtel et n’en auront probablement pas les moyens." Et vous avez raison. C’est pour cela que je souhaite souligner deux points. 

D’abord, les indépendants sont confrontés à cette problématique quotidiennement. Ils n’ont pas attendu que quelques-uns débattent de l’évolution de la grille salariale dans la restauration. Ils ont toujours été au-dessus de cette grille et ils le sont encore aujourd'hui. Cela fait partie d'une logique d’offre et de demande qui se joue entre les candidats à l'emploi et les employeurs. 

Ensuite, il faut former, former et encore former. Cela va bien au-delà de la montée en compétences. Former, c’est aussi offrir une reconnaissance à vos collaborateurs. Mais pour que cela fonctionne, il faut que les dispositifs de formation soient adaptés aux enjeux actuels. 

Quelles sont vos autres grands chantiers pour les années à venir  ? 

Je pense qu'il reste encore des sujets importants, notamment en matière de revenu management, surtout pour les auberges. C’est crucial, mais certains aubergistes n’y voient pas l’intérêt. Pourtant, cela génère des marges, et les marges, c’est de la trésorerie, essentielle pour l’hiver, pour la rénovation ou pour l’acquisition de nouveaux établissements. Cela permet également de mieux vendre et de pérenniser les entreprises. 

Défendre l’hôtellerie indépendante est essentiel, sans être dans une logique syndicaliste, mais en préservant cette richesse qu’est l’hôtellerie en France. Je ne veux pas que notre secteur devienne comme le Canada, où une majorité de l’hôtellerie est dominée par les chaînes.

Le revenu management, nous allons continuer à l’appliquer en interne, selon nos valeurs et pratiques, et c’est un domaine où nous devons progresser. Concernant les marques premium, nous sommes en pleine expansion, ce qui nous positionne comme un acteur fort sur ce marché. C’est également le cas pour notre développement dans le Lifestyle. 

Un autre sujet qui prend de l’ampleur est la gestion déléguée. Certains hôteliers, après 30 ans de gestion, se rendent compte qu’ils ont besoin de moderniser leur établissement, mais ne savent pas comment. Nous les accompagnons pour qu’ils puissent vendre leur hôtel à un meilleur prix après l’avoir modernisé. C’est une solution à faible coût par rapport au gain qu’elle apporte. 

Nous voulons accompagner la consolidation des indépendants, mais sans les déposséder. Nous nous opposons aux foncières qui cherchent uniquement à acquérir les actifs rentables. Notre rôle est de renforcer l’hôtellerie indépendante, en aidant nos hôteliers à améliorer leurs résultats financiers et à évoluer. Cela inclut aussi de les encourager à diversifier leurs établissements. 

Par exemple, nous proposons de les accompagner temporairement dans la gestion de nouveaux hôtels, puis de leur laisser la gestion une fois qu’ils auront stabilisé leur modèle. Nous sommes là pour faciliter cette transition et aider les hôteliers à se renforcer. 

Nous pesons actuellement 16 % du marché en France, et nous souhaitons maintenir cette part, voire l’augmenter. Cela pourrait signifier moins de propriétaires, mais avec des portefeuilles d’actifs plus importants. C’est pourquoi nous avons un portefeuille de marques diversifié pour offrir plus de flexibilité à nos hôteliers.

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