
Pionniers de la vente en ligne à prix discountés via le Minitel, les ex-associés de Degriftour ont réalisé une belle opération en vendant leur entreprise à un géant de l’Internet, Lastminute.com. Depuis, Francis Reversé, Frédéric Battut et Philippe Merlhiot ont investi un nouveau domaine l’hôtellerie. Avec leur expérience de la commercialisation en ligne et du monde du voyage, ils veulent transformer les quelques essais déjà marqués, surpris de la complexité des transactions pour élargir leur patrimoine et de la désinvolture de l’ancienne génération d’hôteliers.
Fortune faite en ayant bien vendu leur entreprise pionnière, les fondateurs de Degriftour, le visionnaire Francis Reversé, le commercial Frédéric Battut et l’ingénieux Philippe Merlhiot ne pouvaient pas rester les bras croisés. “Nous nous sommes achetés notre futur métier en décidant d’investir ensemble dans l’hôtellerie”, explique Frédéric Battut dans son minuscule bureau au sous-sol de l’hôtel Cervantès. Francis Reversé poursuit d’autres activités alors que Frédéric Battut et Philippe Merlhiot sont quotidiennement les mains dans le moteur. Et ils y ont trouvé de drôles de choses. “Venant du monde des voyages et de la commercialisation, nous avons été étonnés, voire choqués du manque de respect que beaucoup d’hôteliers parisiens ont vis-à-vis de leurs clients. La capitale attire tellement de monde qu’on a le sentiment qu’ils ne voient pas l’intérêt de faire un effort”, constate de prime abord Frédéric Battut. “Pour acheter nos deux premiers hôtels, nous en avons visité des dizaines, allant de surprise en surprise : des bâtiments vétustes, mal entretenus, des chambres sans âme, un service lamentable, une amabilité rare et une pratique des langues balbutiante. On ne s’étonne plus de la réputation que peuvent nous faire les clients étrangers de retour chez eux. Et quand on entre dans la phase de négociation pour acheter l’hôtel, on croit rêver. Les prix sont irréalistes, varient du jour au lendemain en fonction du remplissage de la veille, et deux fois sur trois ce sont surtout des évaluations de ce que vaudrait leur affaire s’ils voulaient la vendre, mais sans vraiment y songer. On passe un temps fou à discuter pour rien”, bouillonne Philippe Merlhiot.Reste le travail sur les établissements eux-mêmes. Les rénovations ont été menées tambour battant dans les deux établissements, classés en 3*, avec une touche contemporaine et un effort particulier sur les espaces communs et l’accueil. La structure d'hotelaparis.fr est bien en place pour doubler la capacité à commercialiser. Les visites ont repris pour ajouter au moins deux maillons parisiens de 50 chambres à ce début de réseau.Leur entêtement leur a quand même permis de conclure trois opérations en 6 ans : l’hôtel Wilson à Asnières, revendu depuis pour se concentrer sur Paris intramuros avec le Magenta, sur le boulevard du même nom, et le Cervantes, près de la gare St-Lazare. En partant de leurs constats, les trois associés ont composé un cocktail qui génère de bons résultats : “un tiers de savoir-faire en commercialisation, un tiers de gestion de patrimoine et un tiers d’accueil client pour fidéliser. Il y a du grain à moudre”, poursuit Frédéric Battut. Fort de l’expérience passée, Francis, Frédéric et Philippe ont tout misé sur Internet. “Ce canal représente 90% de nos ventes, mais on jouant la diversification maximale. Nous travaillons avec tout le monde, avec le plus large spectre, que ce soit Expedia, Booking, HRS ou les sites de ventes privées et pratiquement toutes les sociétés de coffrets cadeaux. Il est faux de dire que nous sommes pieds et poings liés face à ces géants. Ils ont autant besoin de chambres à vendre que nous de réservations. Le tout est de trouver le point d’équilibre en ouvrant les ventes aussi pendant les grands salons parisiens pour avoir des réservations en plein mois d’août. L’équation est simple : un hôtel de 50 chambres représente 18.000 nuitées potentielles. Il faut les remplir”, décrypte Frédéric Battut.Habitué à l’exercice, cet ancien dirigeant de Lastminute pilote chaque matin ses disponibilités et ses canaux, sans oublier de maîtriser ses propres ventes. “Pour ne pas dépendre entièrement de l’extérieur, nous sommes devenus notre propre distributeur. Nous avons monté le site hoteltonight.com, qui fait de la vente de dernière minute, en l’ouvrant à d’autres hôtels parisiens”.Il n’a pas fallu beaucoup de temps à Philippe Merlhiot pour reprendre ses habits d’ingénieur et concocter un site qui se décline déjà sur toutes les grandes métropoles françaises et capitales d’Europe. Cette technicité maîtrisée leur permet aussi de garder un contact étroit avec tous les clients passés dans les deux établissements. “Il n’est pas question de laisser filer le fonds de commerce. La fidélisation est le ressort des métiers de service et nous sommes attentifs à tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux”, poursuit Frédéric Battut.