Nicolas Dayot, Président de la Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air et exploitant de camping en Bretagne offre un large panorama de l’activité camping en France, une filière pour laquelle de nombreuses opportunités restent à saisir.

Que représente la FNHPA au niveau français ?

Nous avons une particularité c’est que dans le monde du camping, qui est un monde très varié puisque derrière la notion de camping il y a de nombreuses réalités très différentes : camping littoraux, camping d’intérieur, camping naturiste, camping textile, camping à thèmes, camping indépendant, les municipaux, les associatifs, les campings appartenant à des groupes financiers. La FNHPA représente l’ensemble de cette diversité puisque nous avons un peu plus de 4 000 adhérents sur 7 900 campings en France et ces 4 000 adhérents réalisent 90 % du chiffre global de l’activité. Nous sommes la seule fédération représentative du secteur au sens social du terme mais également d’un point de vue pratique. Nous avons la chance d’être tous groupés malgré la diversité au sein d’une même structure ; ce qui permet vraiment de travailler collectivement quel que soit le profil d’exploitation.

Combien d’emplacements et de chiffre d’affaires représente le camping en France ?

L’hôtellerie de plein air française réalise 2,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’année avec 910 000 emplacements de campings, en sachant qu’il y a encore 20 ans, nous avions près de 50 000 emplacements supplémentaires et nous réalisions à l’époque que 800 millions de chiffre d’affaire donc le chiffre d’affaire a triplé en 20 ans. Donc le secteur s’est restructuré et revalorisé. C’est-à-dire qu’il s’est transformée grâce à sa souplesse à partir de campings existants. Nous ne créons quasiment aucun camping aujourd’hui car c’est trop contraignant d’un point de vue urbanistique et environnemental. Nous nous appuyons sur une offre qui existe, nous en créons trois ou quatre mais chaque année, nous perdons entre 50 et 80 campings.

A quoi cela est-il dû cette baisse de parc ? Ce sont les critères qualité qui évoluent ? Ce sont les difficultés d’exploiter ? Qu’est-ce qui fait qu’il y a de moins en moins de campings lorsque l’on sait que la demande est bien présente ?

La demande est présente exactement, ce sont précisément des petits établissements qui ferment, qui n’ont pas réussi à se repositionner pour rester attractifs. Parfois ce sont des établissements qui avaient une dynamique, il y a 40 ans / 50 ans mais faute de pouvoir se transformer soit pour des questions urbanistiques et environnementales, soit parce que les exploitants ont pris de l’âge et que les enfants n’ont pas voulu reprendre, ferment. Il y a aussi quelques campings qui sont rattrapés par l’urbanisation et qui sont transformés en lotissement même si ce n’est pas la majorité. Il y a également des campings qui disparaissent pour des questions de risques naturelles, faute notamment de disposer des outils juridiques pour leur permettre de s’adapter, de se relocaliser, de se transformer et de réduire leur vulnérabilité à la submersion marine par exemple, c’est une grande demande auprès du gouvernement pour laquelle nous attendons encore des clarifications. Mais c’est la raison pour laquelle nous enregistrons chaque année la disparition de plusieurs dizaines de campings.

Vous l’avez dit tout à l’heure, ce sont aussi des exploitations qui sont plus ou moins grandes, plus ou moins soutenues par de grands groupes, quelle est à date l’impact de la crise que tout le tourisme et toute la société mondiale a pu traverser suite au Coronavirus ?

Avant de le préciser, puisque vous parlez des indépendants et des groupes et de la taille des campings, pour remettre les choses en perspective, les groupes sont très minoritaires dans le monde du camping même si la structuration est assez récente. 2/3 des campings ont moins de 100 emplacements, donc sont plutôt des petits campings, la moyenne nationale est un petit peu au-dessus de 107 ou 108 emplacements en moyenne, et effectivement des groupes prennent de plus en plus de poids, disons qu’ils ont un peu moins de 700 campings aujourd’hui sur 7 900. Il est vrai qu’ils sont plus gros que la moyenne mais ils sont minoritaires, la plupart des campings sont des établissements indépendants souvent gérés par des familles.

L’impact du Coronavirus a été évidemment fort pour nous aussi comme les autres professionnels du tourisme bien entendu. Pour autant et même s’il y avait des situations différentes ; 80 % de l’activité de la profession se concentre sur le coeur de l’été, juste pour vous donner un chiffre, l’année dernière les campings ont réalisé 129 millions de nuitées entre le printemps, l’été et le début de l’automne. Sur Juillet, Août et Septembre, nous avons fait 98 millions de nuitées sur les 129 millions, c’est une activité que nous pouvons dire être très saisonnière.

Le Coronavirus va nous impacter, c’est certain et va même impacter gravement certains campings notamment ceux qui ont une population étrangère très importante comme ceux qui accueille 90 % des britanniques par exemple.

Pour autant nous avons perdu le printemps, mais il représente en moyenne un peu plus de 10 % du chiffre d’affaire annuel. Si nous arrivons à sauver juillet, août, nous arriverons à sauver une partie importante de la saison. Nous avons été sans doute aidés par la temporalité de la crise car ayant eu un confinement qui a été décidé mi-mars, cela nous a permis quand même de pouvoir annoncer une date de réouverture le 2 juin. De relancer le process de réservation sur tout le mois de juin avec des réservations très fortes, dès le discours du Premier Ministre le 28 mai et aujourd’hui, nous sommes encore entre -15 %, -20 % du taux d’occupation en moyenne sur Juillet, Août par rapport à l’année dernière à la même époque.

Mais comme nous sommes en vraie phase de rattrapage sur les trois premières semaines du mois de juin, les dispositifs de réservation qu’utilisent les campings ont réalisé deux fois plus de chiffre d’affaires que l’année dernière à la même époque. Il y a eu vraiment une accélération des réservations. Ce qui est intéressant c’est que les réservations des français se sont accélérées, le rythme de réservation par jour s’est accéléré depuis le début du mois de juin. Nous étions dans les premières semaines de juin à +18 % de réservation en moyenne par jour par rapport à l’année dernière à la même époque.

Au milieu du mois de juin, nous étions à 33 % de réservation en plus et actuellement nous sommes à 50 % de plus par rapport à l’an dernier à la même époque par jour. Ce qui veut dire que même si nous renouons avec la fréquentation, nous n’avons rattrapé le retard. Même si nous faisons un été « normal » nous n’allons pas récupérer le printemps, nous allons être à -15 % / -25% de chiffre d’affaires par rapport à l’année dernière dans le meilleur des cas.

Donc l’hôtellerie de plein air a des perspectives plus riantes que d’autres types d’hébergements dans l’hexagone.

Sans dire riante, nous allons dire moins pleurante que les autres car il est vrai que lorsque nous nous comparons, en reprenant le célèbre adage, nous nous apercevons que nous ne sommes pas finalement les plus mal lotis. Nous étions en début d’année très bien partis en réservation, en janvier, février, nous étions très en avance sur l’année dernière qui a été une année record avec près de 100 millions de nuitées, nous n’avions encore jamais fait ça jusqu’à présent. Tout s’est arrêté d’un coup avec aucune réservation pendant deux mois et demi et si nous nous positionnons sur ce que nous aurions pu faire durant l’année 2020, mais c’est de la politique fiction, nous pourrons être très déçus. Si nous regardons dans le milieu de l’événementiel, dans la culture ou dans la restauration par exemple, je pense que nous sommes moins touchés et s’il y a un retour de flamme à l’automne comme certains le prédisent, nous aurions fait la majorité de notre saison.

Vous avez parlé restauration. Quid de tout ce qui est offre complémentaire car il y a de plus en plus de campings qui sont devenus de vrais resorts avec un espace aquatique, des clubs enfants, un magasin, etc. Comment les exploitants adaptent leurs structures pour pouvoir accueillir leurs clients dans les conditions qui respectent les distances physiques ?

Nous avons comme les autres construit un protocole sanitaire qui a été validé par le gouvernement le 18 Juin. Sur les restaurations, nous nous inspirons et nous avons repris clairement ce que nos amis de l’hôtellerie et restauration ont pu faire pour les restaurants. Nous ne savons absolument pas comment les clients vont se comporter dans les restaurants. Généralement dans les campings et les grosses  structures très équipées comme celles que vous décriviez, il y a un ou plusieurs restaurants et une vente à emporter. Dans les campings qui n’ont pas de restaurants, il y a quand même souvent un snack à emporter. Cette année, nous ne savons pas comment le client va se comporter, peut-être qu’il va bouder le restaurant pour des raisons que nous avons pu évoquer et qui va se concentrer sur le « Take Away » pour manger sur son emplacement s’il veut vraiment se distancier des autres.

L’autre phénomène et je pense à des départements comme la Dordogne, comme l’Ardèche, comme le Lot, comme le Gers par exemple, des départements ou la part des services annexes dans les gros comme dans les petits campings est importante, lorsque vous allez dans le Gers pour manger, c’est pareil pour le Périgord et surtout vous avez une proportion dans ces départements de clientèle étrangère beaucoup plus importante que la moyenne nationale et ce sont souvent ces clientèles étrangères : les hollandais, les allemands, les danois, les anglais qui font vivre les services des campings, les français sont beaucoup moins consommateurs des services annexes et ont souvent des budgets plus restreints aussi. Ces établissements vont sans doute souffrir d’une baisse de fréquentation et du chiffre d’affaires de ces clientèles européennes de proximité, car nous n’avons quasiment que des européens de proximité dans les campings à plus de 99 %, et ils vont en plus perdre ce chiffre d’affaires car il faut savoir que pour les campings des départements de l’intérieur ces services annexes peuvent représenter 30 à 40 % parfois du chiffre d’affaires total, ce qui n’est pas le cas dans un camping littoral dans la majorité des cas où nous sommes à 5 % ou 10 %.

Nous voyons que les situations sont très variées et il y en a certains qui vont vraiment souffrir de la situation parce que ceux qui n’accueille que des hollandais vont avoir de grandes difficultés à accueillir beaucoup de français au pied levé, leur stratégie de communication n’a pas été adaptée. Leurs offres, leurs tarifs, même s’ils ont été un peu revu, ne correspondent pas aux attentes des français.

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